Eternal Sonata
6.6
Eternal Sonata

Jeu de Tri-Crescendo et Bandai Namco Games (2007Xbox 360)

Eternal Sonata se rattache à cette pratique culturelle et artistique, à la fois audacieuse et insensée qui travaille certaines oeuvres de manga, des plus géniales (Ludwig.B de Tezuka) aux plus communes (Napoléon de Hasegawa Tetsuya), c'est-à-dire à la relecture historique de personnalités ou d'événements de l'histoire occidentale. Ainsi ce qui n'était jusqu'ici que particularité exclusive au manga s'invite dans le jeu vidéo, exalté par la personnalité fragile et délicate du compositeur classique Chopin. Une direction artistique qu'on se permettra volontiers d'imaginer qu'elle fut désirée par le génial compositeur Motoi Sakuraba. La musique submerge alors le jeu, sublime, entêtante jusqu'au fredonnement. Motoi Sakuraba a puisé dans les interprétations de Stanislav Bunin des oeuvres de Chopin pour les adapter à la perfection.

De cette fidélité historique, le jeu se permettra quelques habiles parenthèses « roman-photo » qui raconteront avec soin quelques morceaux choisis de la vie de Chopin ; ces explications biographiques, loin de détourner le joueur, de son aventure viendront au contraire le renseigner de manière tout à fait ludique et éclairée.

« Sur son lit de mort, Chopin, le célèbre compositeur, oscille entre notre monde et l'au-delà. Aux frontières du rêve et de la réalité ... »

Eternal Sonata se présente alors comme une oeuvre complexe à plusieurs degrés de lecture puisque si vie réelle il y a, elle est liée et sans doute confondue avec le rêve que fait Chopin lorsqu'il est entre la vie et la mort. Les personnages se présentent alors comme métaphores et incarnations de courants de pensées de l'époque (XIXème) : Symbolisme (la confusion entre rêve et réalité, on se souviendra que Chopin pour se guérir prenait de l'opium...), Réalisme, Naturalisme (pauvreté des héros, ils ont faim ou se plaignent des taxes) et Romantisme (la musique, la nature, la personnalité de Chopin au coeur même de l'histoire). Un jeu précieux donc parce que capable d'aborder des sujets adultes et qui se permet d'avoir une qualité d'écriture rare.

La profondeur des thèmes abordés contraste avec la touche artistique choisie, puisque si elle est clairement irréprochable, elle divisera. Le jeu travaille sur une matière si peu utilisée alors qu'elle fait si souvent des « monstres » d'originalité (Zelda : The Wind Waker ou Sly Raccoon) : le cell-shading, encore difficile à accepter par les joueurs. À la fois généreux dans sa palette de couleurs qui explose à l'écran et d'une finesse puissante où l'intérieur d'un appartement du XIXème Parisien est d'une réalité extraordinaire. L'excellence au niveau graphique permet aux sujets les plus difficiles d'être abordés et de s'en trouver magnifiés et bouleversants.

Le gameplay est d'une grande simplicité, s'adresse ouvertement à un public novice puisqu'à chaque touche de la manette correspond une action identifiable : objet, coup simple, coup spécial, défense, touches que le joueur pourra utiliser à l'envie avec pour seule restriction le temps qui lui est imparti. Le jeu étant paramétrable : au novice le temps de choisir sa stratégie calmement, au spécialiste un jeu plus agressif et en temps réel. L'originalité réside dans l'accumulation « d'échos » au fur et à mesure de vos enchaînements de coups simples la barre « d'échos » se remplit, à son maximum et les coups spéciaux utilisés deviennent d'une brutalité étonnante et jouissive. Malheureusement de ce système de jeu simple et à l'efficacité redoutable rien n'est fait pour venir l'enrichir et cela se retournera contre le joueur puisqu'il aura vite l'impression d'être enfermé dans un système de jeu qui ne lui offre que peu de possibilités pour affronter des « boss » qui lui donneront du fil à retordre.


En adoptant une forme nouvelle le RPG-J cherche à s'offrir un public nouveau, paradoxalement de par son sujet trop mature le jeu se marginalise et ne saura trouver que les joueurs les plus curieux et les plus déterminés. Ceux-là toucheront à une oeuvre précieuse qui saura les marquer et dont ils ne cesseront d'évoquer la beauté, la poésie et la musique.
DavideNoème
8
Écrit par

Créée

le 5 oct. 2012

Critique lue 412 fois

3 j'aime

DavideNoème

Écrit par

Critique lue 412 fois

3

D'autres avis sur Eternal Sonata

Eternal Sonata
LaClobiche
5

Quel talent pour ruiner de bonnes idées ! Respect, les gars ! Respect !

Rah, mais ce jeu avait TOUT ! Le concept de base est vraiment puissant ; vivre les rêves de Chopin dans ses dernières heures (potentiel de traiter des thématiques comme la mort/la musique/la vie de...

le 9 sept. 2011

10 j'aime

1

Eternal Sonata
Adelyn
9

Un jeu pour les nanas

C'est incontestable, ce jeu ne peut plaire qu'aux nanas. Du design à l'OST en passant par les décors et les dialogues, tout, mais absolument tout, va rebuter tout gamer de type mâle qui se respecte...

le 17 juin 2011

9 j'aime

17

Eternal Sonata
Bunzer
5

S.O.S. rien à sauver, j'écoute ?

Je vais être honnête d'entrée de jeu : je n'ai jamais réussi à boucler ce jeu, malgré deux tentatives. Tout simplement parce que même si il est beau, même si l'OST a quelques jolies pistes dignes...

le 29 sept. 2012

6 j'aime

2

Du même critique

The Grey Album
DavideNoème
10

Critique de The Grey Album par DavideNoème

“The Black Album” est un chef-d’oeuvre, parce qu’il “pue” la musique noire, parce que la sueur de l’acte est telle qu’il n’a de reflet que dans “Sweet Sweetback’s BadAssss Song” de Melvin Van...

le 5 oct. 2012

5 j'aime

1

Ultravisitor
DavideNoème
7

Critique de Ultravisitor par DavideNoème

Dès le début, le public est pris en otage, entre admiration et absurdité. Admiration devant un artiste exceptionnel, compositeur de génie. Tout dans son travail est riche, subtile, travaillé par...

le 5 oct. 2012

4 j'aime

Saints Row 2
DavideNoème
9

Critique de Saints Row 2 par DavideNoème

Votre héros se réveille dans une prison, après un coma de cinq ans, les souvenirs intacts, le visage quelque peu refait. Les Saints ne sont plus, ce que vous vous êtes efforcé de les faire devenir...

le 5 oct. 2012

3 j'aime