Considéré parmi les tout meilleurs Visual Novels jamais produits, voire le meilleur pour certains, c’est avec de grands espoirs que je m’étais lancé dans Ever 17, et je ne fus pas déçu.

Je pense que je commencerai par ce qui me semble le plus important, à savoir que si j’ai mis 9, la route finale, notamment à partir de ses révélations jusqu’à la toute fin, mériterait 10. J’y reviendrai peu après.

Le jeu n’est effectivement guère exempt de quelques défauts que je ne peux ignorer avant la dernière ligne droite, et qui à mon sens sont les suivants :

- C’est quelque chose qui n’est pas propre à Ever 17, mais que l’on peut retrouver dans pas mal de VN, à savoir une possible redondance. Certaines routes contiennent des moments identiques à une autre, bien qu’il soit possible de les passer en accéléré, ou très voisins sans que cette option ne soit disponible. Heureusement, ils ne sont pas si nombreux.

- Le rythme n’est pas toujours satisfaisant. Certaines scènes non connectées au mystère global ou à la trame principale peuvent se révéler inintéressantes. Le plus souvent, ce sont celles de transition, ou davantage slice-of-life. Bien évidemment, il y en a qui sont drôles, servent de breathers ou contribuent au développement des personnages, mais d’autres restent plus anecdotiques, suffisamment pour ressentir de l’ennui ou couper son élan.

Un autre élément qui me paraît important de souligner, serait en quelques sortes l’exotisme, somme toute relatif, du scénario. En effet, l’histoire prend parfois des tournures ou une ampleur difficilement prévisibles au regard du seul synopsis et de la situation initiale. D’un autre côté, c’est aussi ce qui concoure à la force du mystère tissé par la trame.

Et c’est bien là que réside l’essentiel de la grandeur du jeu, qui n’est pas sans rappeler le cinéma de David Lynch et certaines œuvres que je ne pourrai citer sous peine de spoil, usant de procédés analogues à la fois empreints de ses propres codes, et développés sur une durée d’autant plus longue.

Il est très difficile de s’aventurer sur ce terrain sans spoiler, mais le mystère qu’il déploie peu à peu, les questions qu’il suscite, ses twists et sa gestion des indices fait merveille. "OMG !" ou autres "WTF ?!" sont ainsi au programme, la trame parvenant à partir d'un certain point à nous interloquer ou à nous laisser perplexe à plusieurs reprises, dans un mind screw des plus délectables et réussis. Elaborer ses théories et tenter de trouver des explications aux questions devient un exercice courant et gratifiant.

Le mystère se trouve d’autant plus marqué qu’il sévit dans un contexte où l’urgence, le critique de la situation vécue par les personnages, ne peut qu’accroître la tension. Il est également assorti d’émotion, le jeu offrant d’ailleurs certains moments plus ou moins tire-larmes d’une grande beauté.

La route finale est tout simplement un modèle de construction narrative, parvenant à résoudre avec panache l’ensemble des interrogations (et les nouvelles qu'elle engendre) dans la grâce et la fluidité, tout en cultivant le mystère jusque-là. L’équilibre entre ce qu’il était possible de déduire et les "véritables" révélations y est parfaitement balancé, tout s’emboîtant avec précision. A titre personnel, à l’issue de ma lecture, il ne reste qu’un détail sur lequel je me pose des questions, doutant même de leur bienfondé, et ne pesant pas bien lourd face à ce dénouement glorieux.

Une autre qualité particulièrement notable, me semble résider dans le caractère plutôt visionnaire du jeu sorti en 2002. A titre d’exemple, il fait appel à des éléments qui furent gratifiés par un Prix Nobel des années plus tard, et brasse avec réussite des thématiques abondamment reprises depuis lors. Sans aucun doute, il exploite véritablement les possibilités conférées par le support qu’est le Visual Novel grâce aux différentes routes, et se révèle intellectuellement pertinent à plus d’un égard.

Enfin, les production values sont tout à fait convenables pour un jeu datant de 2002. De prime abord, je n’étais pas très enthousiaste par rapport aux OSTs, je trouvais que certains étaient médiocres, mais nombre d’entre eux se révèlent tout à fait efficaces par rapport aux situations rencontrées. Quelques-uns sont aussi vraiment biens en dehors de tout contexte. Le casting est sinon très bon, avec des seiyuus stars comme Sōichirō Hoshi ou Kana Ueda.

Petite précision pouvant se révéler utile, mais l'ordre dans lequel les routes sont faites me semble relativement important afin de profiter un maximum de l'expérience. A titre personnel, je recommanderais probablement de faire les routes de Takeshi d'abord (peut-être celle de Tsugumi pour commencer), et la route finale avec le Kid.
Phaedren
9
Écrit par

Créée

le 18 sept. 2014

Critique lue 957 fois

8 j'aime

Phaedren

Écrit par

Critique lue 957 fois

8

D'autres avis sur Ever 17: The Out of Infinity

Ever 17: The Out of Infinity
YoshiBlade
8

Open your third eye !

Ever 17 est l'un des premiers jeux pour lesquels le scénariste Kotarō Uchikoshi a travaillé. Ce dernier est la personne ayant scénarisé la série des Zero Escape (999 et Virtue's Last Reward) que je...

le 7 févr. 2015

5 j'aime

11

Ever 17: The Out of Infinity
leo03emu
7

Critique de Ever 17: The Out of Infinity par leo03emu

2017, un accident se produit dans le parc d’attraction sous marin LeMU. Un groupe de personne se retrouve coincé au niveau 3 de la station à cause d’un fuite d’eau submergeant le niveau 1, coupant...

le 20 avr. 2013

3 j'aime

Ever 17: The Out of Infinity
Veterini
9

Critique de Ever 17: The Out of Infinity par Veterini

Dans le futur, il existe toujours des parcs d'attraction. Et même des parcs d'attraction sous-marin, avec des attractions comme "Le labyrinthe de Lemuria", "le Carroussel aux dauphins" et même une...

le 24 août 2011

3 j'aime

Du même critique

Mawaru Penguindrum
Phaedren
10

"People bend and stuff their bodies into their own boxes."

Mawaru Penguindrum est un accomplissement tout aussi unique qu’audacieux, pouvant parfois se révéler difficile d’accès. Outre sa trame principale parfois complexe, la série comporte un deuxième...

le 18 juin 2013

51 j'aime

31

Hero
Phaedren
9

Pseudo-analyse d'une oeuvre taoïste

The greatest gift you have to give is that of your own self-transformation. - Lao Tseu Chef de file de la Cinquième génération du cinéma chinois (peut-être aux côtés de Chen Kaige), caractérisée...

le 29 janv. 2016

32 j'aime

4