Far Cry 3 est un FPS qui nous fait jouer quelqu'un. Ça a l'air idiot à préciser, mais quand on a joué à quelques titres qui emprunte cette vue à la première personne (même pas forcément pour du shooting) on se retrouve régulièrement dans les chaussures d'un être sans voix, sans personnalité et sans charisme. Ici à l'instar d'un Deus Ex : Human Revolution, Ubisoft Montréal a pris le parti de nous donner un vrai personnage avec une vie passée et des objectifs présents et personnels. Jason Brody, sa petite-amie, ses deux frangins et trois autres potes de son université ont décidé de se payer un voyage dans l'archipel paradisiaque de Rook Islands. Ce groupement d'îles situées probablement dans la mer dans l'Ouest du Pacifique va être pour nos jeunes américains le début d'un long cauchemar puisque passés quelques jours de franche marades avec sauts en parachutes et poursuite en jet ski, ils vont se faire capturer par des pirates dirigés par un psychopathe.


Far Cry 3 base son histoire sur deux influences. La première c'est le slasher movie, tendance adolescente ou jeune adulte où l'on suit les péripéties d'un groupe impair avec plus de garçons que de filles qui va tenter de survivre à un tueur imprévisible et increvable. La seconde plus sérieuse est celle du film de guerre où l'on suit un jeune se transformer en machine à tuer ''pour la bonne cause''. Si le premier aspect me plaisait beaucoup au début car il permettait de rester léger sur ce que l'on pouvait bien faire du jeu, le second aspect en revanche est un peu plus délicat à évaluer. Alors qu'on trouvera sans doute louable d'avoir envie de mettre le personnage face à ses crimes (bien qu'à ce stade de la vie du jeu vidéo, cela en devient presque un cliché) le jeu peine très souvent à nous faire vraiment "regretter" le fun qu'il procure, faisant souvent plus office de rabat-joie que de véritable moralisateur bien pensé.


Si je m'attarde aussi longtemps en début de critique sur le scénario, c'est parce qu'on sent clairement que les développeurs ont voulu y réfléchir. Le jeu veut nous proposer l'histoire d'un jeune homme qui se magnifie dans la violence mais qui regrette ses actes quand il en est réduit à des extrêmes. Si le délire fonctionne pas trop mal au début, il s'essouffle rapidement et repose quand même sur une idiotie certaine de son héros, Jason, qui court toujours à sa perte. Le jeu en sus distille son scénario via des personnages toujours outrancièrement designés, tant en terme visuel qu'en terme de personnalité. Entre le violeur homosexuel, l'américano-allemand qui parle n'importe comment, l'amazone frappadingue de violence qui a abusé des champignons et son frangin qui cabotine sans raison quand il ne fait pas de la philosophie de pilier de bar, on en arrive régulièrement à se demander comment de tels guignols peuvent avoir autant d'hommes de main à leur disposition.


Si on peut avoir des doutes sur la finalité de l'histoire et de son déroulement, on pourra admettre une chose en revanche, le jeu est ludiquement un vrai canon. La réalisation technique est d'enfer. Si la version console ne jouira pas d'une profondeur de champ très nette et souffrira d'un peu de clipping, pour le reste, il faut vraiment faire la fine bouche pour ne pas apprécier les splendides effets de lumière, la richesse de décors et le soin apporté au fameux body-awarness. Surtout et c'est là que sera toute la force de ce Far Cry 3, le jeu est très riche en terme de possibilités d'action et de situations tout en restant constamment lisible, ce qui en fait sa plus grande force.


Loin de se contenter d'être un FPS bas de gamme qui ne propose que du tir au pigeon, Far Cry 3 mélange un ensemble de systèmes (peu complexes il est vrai) et une IA bien pensée car manipulable de manière à nous proposer d'aborder toute les situations à notre guise, sans être complètement déphasée. Le jeu conserve l'utilisation du feu dynamique du précédent opus ; celui ci peut se répandre et bouger en fonction du vent de manière à bloquer les ennemis. Il y ajoute, toujours sorti de l'opus précédent, des notions de furtivité avec la possibilité de distraire les ennemis en jetant des cailloux, d'utiliser un paquet d'armes silencieuses ou encore de réaliser des meurtres au couteau puis de traîner le corps hors de vue des autres assaillant. Par dessus tout cela qui est plus ou moins maîtrisé par le joueur, il y ajoute une faune active et agressive qui amènera de temps à autre ce qu'il faut de piment et d'imprévu pour que tout les plans ne se déroulent pas sans accro. Avec ces trois piliers feu/furtivité/faune, Far Cry 3 permet de créer des situations complètement épiques et ne reposant que sur le gameplay. Cependant ces situations sont toujours (ou presque) liées à des missions annexes de prise de bâtiments puisque les missions principales elles sont souvent beaucoup plus encadrées et scriptées.


C'est pourquoi au lieu de faire la quête principale qui consiste à sauver ses amis de la torture, du viol, d'une mort douloureuse ou d'une simple revente à un esclavagiste, quête qui peut se réaliser en une dizaine d'heures, on préférera souvent se concentrer sur la prise en charge des différents camps ennemis, les contrats de chasses et d'assassinats au couteau. Ce sera également l'occasion de faire évoluer son personnage en terme de skill et d'équipement.


Le jeu est cependant trop généreux avec le joueur, lui permettant à son maximum de porter quatre armes de son choix sur lui, en plus d'une dizaine de grenades et cocktails molotov et encore de mines et de pain de C4. Si l'on désire abuser du jeu, on pourra le faire sans même avoir à trop "grinder". Far Cry 3 proposant d'améliorer ses compétences en gagnant de l'XP en mode RPG-light, on pourra apprendre à faire un meurtre instantané au couteau, se soigner plus vite, augmenter son nombre de barres de vie etc. L'équipement en revanche sépare les armes qu'il faudra soit acheter (assez cher) soit débloquer en déconnectant des tours de brouillages qui parsème l'île, à la Assassin's Creed. En somme si on ne veut pas payer ses armes, on peut se contenter de monter à chaque tour pour les rendre gratuites; il ne faudra payer que les accessoires qui se montent dessus.


Pour ce qui est de la contenance de l'équipement, le jeu a choisi une manière qui me semble assez maligne, même si elle mène à des possibilité d'abus. En fait chaque niveau de contenance est lié à un objet, comme par exemple le holster pour porter les armes ou le carquois pour les flèches. Pour avoir un meilleur holster, il faudra trouver des peaux d'animaux qui correspondent en commençant souvent par un animal peu dangereux (le cochon, le chien) et pour finir sur une bestiole plus retorse (le tigre, l'ours, le komodo) voire légendaire que l'on ne pourra tuer que dans les quêtes de chasse. On trouve deux peaux de cochons et on peut fabriquer un holster permettant de porter deux armes. Le fait est qu'encore une fois, si on le désire on peu chasser très rapidement à peu près toutes les proies nécessaires pour avoir les poches très larges d'un personnage de jeu vidéo classique. Ayant un style de jeu assez économe (je n'abuse jamais d'un système tant que le jeu ne m'y pousse pas) cela n'a pas réellement été un souci dans mon cas. J'ai par exemple transporté deux mines pendant une quinzaine d'heure de jeu et lorsque j'ai finalement atteint la seconde île offrant des ennemis plus retors, j'ai fait le nécessaire en terme de chasse pour pouvoir en transporter plus. Bref, je ne me suis jamais senti tout puissant, mais simplement parce que je n'ai pas cherché à le faire.


Pour finir sur les mécaniques, le jeu propose aussi une bonne part d'exploration et de contemplation qui va avec. Cela aurait été en effet dommage de proposer un bel environnement aussi ouvert sans donner l'occasion au joueur de prendre du plaisir à y crapahuter. On trouvera dans les décors des reliques, des lettres de soldats japonais écrasés en avion dans le coin ou encore des cartes SD contenant des informations sur des trafiques de drogues. En eux même, ces objets n'ont que peu d'intérêt même si on trouvera peut-être agréable les histoires de soldats. En revanche c'est toujours un plaisir de trouver une grotte, un temple ou de sauter dans un lac souterrain à l'aveugle pour y chercher quelque artefact. Ça n'atteint jamais la sensation d'exploration d'un The Elder Scrolls, mais ça donne tout de même un sentiment de liberté appréciable.


Far Cry 3 croule sous le nombre de choses à faire. On pourrait croire que cela devient presque gênant et qu'on finit par s'y perdre, mais le jeu à l'inverse d'un Assassin's Creed III par exemple est toujours clair et limpide sur ce que l'on peut faire et comment on peut le faire. Reprenant un système de marquage de Conviction (sans reprendre avec le Execute) pour localiser facilement ses cibles une fois repérées, donnant de vraies bonnes sensations de tirs et proposant des solutions en pagaille et juste ce qu'il faut d'imprévu de temps à autre pour causer des moments épiques seulement avec le gameplay, Far Cry 3 est une vrai piqûre de fun sur le plan purement ludique et ce même si le joueur pourra en abusé. En revanche, il pêche sans doute par excès au niveau de l'histoire. Ne sachant pas très bien s'il veut faire dans le nanardesque tendance film d'épouvante pour adolescent, ou dans l'étude de l'homme normal face à sa propre violence, le scénario se perd souvent et accumule les idées saugrenues et les personnages sans intérêt. C'est dommage parce que certains moments sont prometteurs en terme de réflexion mais sont systématiquement maladroitement exécutés. Pour cette raison, Far Cry 3 ne restera pas dans les annales du jeu vidéo comme un chef-d'oeuvre. En revanche je m'en souviendrais personnellement comme d'un jeu qui est parvenu à rendre lisible et jouable un tissu de mécaniques qui s'entremêlent tout en proposant du challenge et beaucoup de fun à l'usage.

seblecaribou
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le 18 déc. 2012

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