Final Fantasy 7 a chuté sur moi d'une manière effroyable. Il m'a éclairé par sa noirceur. Sa morbidité apparente m'a fait vivre une expérience rare. Éclaboussé par les flammes froides de son génie. Envolé par la lourdeur de ses questions. Fatigué par sa vitalité.
Ce déversoir d'images cyniques. Métalliques. Organiques.

Premier « FF » en 3D, le jeu semble avoir globalement vieilli. Les décors pré-calculés en 2D sauve grandement la mise, car les sacs de polygones servant de personnages nous irritent les yeux.
D'ailleurs, ces décors, qui virent du parc d'attractions clinquant aux paysages décédés maussades m'ont bluffé. 17 ans plus tard !

Le casting, quant à lui, se révèle très inégale. Au « méchant » particulièrement cliché mais élégant s'oppose les personnages aux ossatures périmées. Seul le héros, Cloud, relève le niveau.

Côté musique, Nobuo Uematsu nous donne une bande-son juste magistrale. Le thème du boss final notamment, transcende le moment en bataille épique, terriblement stressante et grandiose !
Et puis, les combats. Tellement plus dynamiques que ceux d'un Final Fantasy IX, qui joue le rôle d'ersatz sur ce point. Moins redondants, plus cohérents. Deux mots-clés !
La fréquence des combats aléatoires est moindre et la fuite bien plus aisée. Bref, juste pour cela, l'idée de faire les 3 FF sortis sur la PS1 doit être à tout prix suivie de la pensée suivante « faire FFIX avant FFVII !» (et pourtant, j'ai adoré FFIX).

Niveau scénario et des questions qui en découlent, ce jeu reste, pour moi, le roi des oxymores.


Tuer pour sauver


Un groupuscule nommé « Avalanche » égaré dans une ambiance spleenétique nommée Midgar cherche à affaiblir l'entreprise régnant sur ce monde : Shinra.
Shinra a rendu le monde dépendant de sa nouvelle trouvaille. Une énergie appelée Mako, qui permet au peuple de vivre de manière confortable. Voilà l'intrigue.
Midgar, dans son conception est orignal. Le siège de la compagnie se trouve au centre. Gravitent autour d'elle huit réacteurs puisant cette énergie Mako qui divise la ville en autant de secteurs.
De plus, un second découpage se présente. En haut vit les gens au statut social fort, et en bas vivent les pauvres. Dans des taudis privés de lumière par le support où sont construites les habitations de gens au dessus.
Critique des ghettoïsations de certaines métropoles de la part de Squaresoft ?
Peu importe, à ce délire concentrationnaire, s'ajoute la fin programmée de la planète par la Shinra, la vidant de son énergie Mako.
Ainsi, pauvres et planète sont engagés dans un processus de morte lente et terne, sans relief et sans saveur.
C'est trop pour Avalanche. Ils passent à l'acte. Font sauter un réacteur, tuant des dizaines voir des milliers de personnes.
« C'est pour sauver la planète ! » disent-ils... Sauver la planète nécessite des sacrifices. Cette notion de meurtre préventif est profondément humaine. L'Histoire nous amène à plusieurs cas où cette question de sacrifice s'impose. (Truman eût-il raison de larguer deux bombes atomiques sur Hiroshima et Nagasaki ? Eût-il sauvé des millions de personnes au prix de milliers de vies ?)
Cette ambition de vie qui doit à tout prix perdurer, en semant la mort partout ! La survie... La notion de survie, ce vieux sentiment macéré et égoïste refait surface... Ils en mangent tous les jours, de leur survie. Que ce mot à la bouche, mais sans jamais le prononcer. Ils le gardent bien au fond d'eux. Tellement bien. Veulent-ils sauver la planète ou leur propres personnes ? Leurs enfants ? Eux-même ne les savent pas, ces petits animaux.


Faire vivre une mort


Squaresoft nous offre un moment violent, marquant : la mort d'Aeris.
Avec un ami, on a un léger arrière-goût bien étrange après la mise à mort. Ce sentiment de malaise, de perversité.
Je ne sais pas si Squaresoft a voulu cela, ni même si d'autres ont ressenti ça.
Aeris qui vous donne un joli sourire. Séphiroth aussi. Comme si l'exécution était le fruit d'une connivence. Scène qui semble presque libératrice, quasiment religieuse. Belle et sentant la pourriture. Ça suinte la macération !
Squaresoft vous fait vivre cette mort. Vous rend acteur. Et spectateur. Absurde.
D'abord Séphiroth (ou plutôt Jenova, sous le contrôle de ce dernier) qui essaie de donner la joie du meurtre à Cloud. Et donc à vous !
Et puis, il va vous offrir un spectacle vu que vous refusez d'être acteur. Malsain. Odeur du sang qui se retrouve presque atténué par le décor bleuté.
Pourquoi l'a tue-t-il ? Aeris a déjà fait ce qu'il fallait pour contrarier Séphiroth. Quel est l'intérêt de la tuer alors ? Punition. Pour qui ? Aeris ? Cloud ? Il tue Aeris pour mieux affecter Cloud. Une pierre deux coups. Logique parfaitement humaine que d'essayer d'être astucieux. Tout en se rendant inhumain. Vieille tradition de l'Homme. C'est mieux de faire souffrir que de tuer. Si on peut faire les deux, alors soit, prenons du plaisir en toute désinvolture !


La mère, créatrice de mort


Séphiroth, cet embryon mort dans un utérus de vie. Répand la mort pour redonner vie. À sa mère. Jenova.
Son visage de morte, caricature étonnante du tissu organique, est d'un bleu royal. L'être au-dessus de tout. Tête mortuaire à l'expression incohérente, féminine par ses formes mais finalement non-donneuse de vie par son histoire, Jenova joue un rôle du bras droit malgré tout.
Comme un enfant, Séphiroth cherche sa mère. Ses origines. Qui est-il ? Des idées de flétrissures commencent à apparaître sur son arbre généalogique.
Voilà une question humaine. Après de longues études, il comprend que ce sont les humains qui ont anéanti son espèce. Tristesse, égarement, haine, revanche, violence. Des sentiments très humains, finalement, non ? Séphiroth tue tout ce qu'il croise maintenant. Quel inhumanité. Curieuse chose que de se dire que son inhumanité est le résultat de sentiments parfaitement humains...
Cela ne veut dire. L'Homme est humain par son inhumanité. Mais n'en a pas conscience. « Ouh, qu'il est vilain ce Séphiroth » dit-le jeune homme devant sa télé tout en s'empiffrant de nuggets issus d'élevages intensifs de sacs à viandes nommés « poulets ». En fait, l'Homme est humain quand il oublie son inhumanité et perçoit celle de l'autre. Ridicule.
Finalement, un personnage comme Barrett est-il plus humain qu'un Séphiroth ? Il tue et il peut mourir. Seules les motivations changent.


Une chute pour une ascension


La chute du météore. Voilà le ce qui symbolisera l'ascension de Séphiroth. Mourir pour mieux renaître. N'est-ce pas finalement une meilleure solution qu'une vie grisée par des couleurs délavées aux allures lancinantes ? Blesser la planète pour mieux la cicatriser. Les os fracturés sont plus solides une fois cicatrisés, non ?
La chute de motivation est un sujet du jeu ? Pourquoi tant de gens ont hésité à continuer le jeu une fois Aeris décédée ? Pourquoi les gens ont eu le même comportement que les personnages dans le jeu au final ? Squaresoft ont-ils réussi à nous toucher via la lame de Séphiroth. Chute de motivation pour mieux rebondir ? Sentiment de vengeance pour nous faire continuer. Comme Séphiroth ?


En parlant de chute, difficile de ne pas une analogie hasardeuse avec la situation de Square. Acclamé par la sortie de Final Fantasy VII, Squaresoft continue sur sa lancée. Un huitième. Un neuvième. Sur le toit du monde. Et puis, ça y est. On est sûr de soi. On est suffisant. On surf sur la vague de FF7. Catastrophe. Situation financière désastreuse. Fusion avec Enix. Et puis, on cherche à se faire de l'argent. Facilement. Miracle, on a trouvé une poule aux oeufs d'ors. Faisons des spin-offs. Partout ! Pompons le potentiel de cet opus jusqu'à la fin ! Les gens sont tellement accros à ce jeu, qu'ils achèteront ! Ils sont dépendant ! Aussi dépendants que le peuple à l'énergie Mako dans FF7...

On devient ce que l'on mange visiblement. Au-delà des émétiques prescrits aux accros du genre, essayer d'étendre un champ d'action n'apportera rien, sinon de mauvaises herbes. Une pollution vidéo-ludiques, synonyme de chute qualitative. Après l'avalanche de critiques, il faut cesser d'être Shinra.

Final Fantasy VII, un j-rpg précurseur en Europe, pas si anodin au final. Il me reste plus qu'à souhaiter qu'il y ait beaucoup de jeux de ce calibre pour combler un peu le vide étouffant offert par les titres « grand public » d'aujourd'hui. Se relever après la chute.

Créée

le 10 août 2014

Critique lue 689 fois

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Meursault

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