Final Fantasy XII
7.1
Final Fantasy XII

Jeu de Square Enix, Yasumi Matsuno et Hiroyuki Itō (2006PlayStation 2)

Final Fantasy XII, je l’ai fait deux fois. La première, à sa sortie, fut une déception. La seconde, treize ans plus tard, a été celle de la réconciliation.


J'aime FFXII. Et pourtant, lorsque je relis mon ancienne critique plutôt dépréciative, j’y trouve de nombreux points d’accroche. J’y vois les mêmes qualités, les mêmes défauts, mais mon appréciation a bel et bien changé. Voilà pourquoi Final Fantasy XII me pose question, et pourquoi je réécris cette critique, edit (massif) de la précédente que je citerai parfois, afin de mettre en perspective ces deux expériences, et tenter de comprendre pourquoi certains ont été déçus, et d’autres pas.



Qu’est-ce qu’un « vrai » Final Fantasy ?



À l’époque, j’écrivais :



Si cet épisode possède sans nul doute des qualités, je n’ai simplement pas su les apprécier, car il ne correspondait pas à mes attentes. En effet, c’est la désagréable sensation d’avoir été floué que j’ai ressentie après plusieurs heures de jeu, car on me servait un Final Fantasy qui n’en était pas vraiment un.



Ouch ! Voilà qui donne le ton. Et voilà qui pose une étonnante question : c’est quoi un « vrai » Final Fantasy en fait ?


Il m’est arrivé de qualifier cet opus de « faux Final Fantasy. » Et de mes diverses lectures et discussions avec d’autres joueurs déçus de cette douzième itération, j’ai souvent retrouvé une idée commune : le jeu n’est pas mauvais, mais il trahit son héritage. Sentiment de trahison aux sources multiples : la suppression du tour par tour, le scénario au second plan, la linéarité mise de côté, etc. Par bien des aspects, FFXII tranche nettement avec ses prédécesseurs.


Ainsi, les débats ont fleuri pour déterminer si FFXII était un bon Final Fantasy, voire un « vrai » Final Fantasy. Et si c’était juste une question con ?


Il n’y a pas de recette Final Fantasy. C’est une saga ambitieuse. Une saga qui ne se repose pas sur ses lauriers. Qui se renouvelle à chaque opus. Qui propose un nouveau monde, de nouveaux personnages, un nouveau gameplay, une nouvelle expérience. Attendre d’un nouvel épisode qu’il réitère la démarche du précédent, c’est s’exposer à la déception.


À force de discuter de la saga, j’en suis venu à penser que beaucoup de joueurs ont pour Final Fantasy favori le premier auquel ils ont joué. Et c’est bien normal. Ce sont, en général, des jeux de qualité, et les suivants auxquels ils joueront seront toujours un peu différents de ce premier jeu qui les a émerveillés.


Comme tous les FF, ce douzième épisode se renouvelle. Plus encore que d’habitude, c’est vrai. Avec plus d’audace. FFXII est porté par des choix francs qui, pour certains, s’opposent directement à ceux de ses prédécesseurs. Inévitablement, il a fait des déçus. C’est pourtant bel et bien un vrai Final Fantasy, avec ses spécificités, ses nombreuses spécificités, qui déroutent, interpellent, frustrent parfois, mais qui n’en font pas moins un bon jeu.



Le poids des attentes



Autant dire que cette seconde expérience de FFXII m’a renvoyé ma propre subjectivité en pleine gueule.


Comment expliquer un tel fossé dans mon appréciation du jeu alors que je lui trouve les mêmes défauts qu’à sa sortie ? Qu’est-ce qui peut modifier à ce point notre subjectivité pour le recevoir si différemment lorsqu’on le juge selon les mêmes critères ?


Autant mettre fin au suspense tout de suite : ce sont clairement mes attentes qui ont conditionné ma réception du jeu. En treize ans, ce n’est pas mon jugement qui s’est modifié, mais la manière dont j’ai reçu certains défauts. À l’époque, ces derniers se sont érigés comme des murs infranchissables. Aujourd’hui, refaire l’expérience en connaissance de cause, m’a permis de voir au-delà de ces murs, de voir, même s’ils sont toujours un peu gênants, qu’ils cachent derrière eux quelques trésors insoupçonnés.


C’est donc le moment de s’attaquer à ces murs, à ces deux gros morceaux de FFXII qui ont divisé, générés à la fois de la déception et de l’admiration : le scénario et le gameplay.


Scénario



J’en viens alors au principal problème du soft. Pour ma part, j’appréciais jusqu’alors les Final Fantasy parce qu’ils proposaient une profondeur dans le scénario rarement atteinte par les autres franchises. C’est donc tout naturellement que je me suis tourné vers ce douzième opus, croyant y trouver une nouvelle fois une histoire à la fois complexe et envoutante. Et j’ai eu tort.



Treize ans plus tard, rien n’a changé. Le scénario de Final Fantasy XII est faible. Et c’est un véritable problème, car c’était jusque-là une des forces de la franchise. Mais là où je ne voyais à l’époque qu’un scénario fade et pauvre, je vois surtout aujourd’hui un agrégat de bonnes idées non exploitées.


Les bonnes idées ? Notre équipe qui est une équipe de circonstance. Pas de team liée par le pouvoir de l’amitié dans FFXII, les personnages peinent à se faire confiance et subissent les événements, et on tenait là un levier d’importance pour développer leur psychologie. L’héroïne, Ashe, n’est pas motivée que par son apparente volonté de libérer son peuple, mais par un profond désir de vengeance et de pouvoir. N’était-ce pas un choix couillu ? L’idée ne sera que peu développée. Tout comme le personnage de Gabranth, dont l’immense potentiel sera vite mis de côté.


Enfin, beaucoup ont vanté le choix du jeu de se concentrer sur une intrigue politique, sur l’impact que peuvent avoir les choix de quelques hommes sur tout un peuple. Et ils avaient raison. On effleure des thématiques graves : la guerre, le contrôle par la peur (thème cher à FFXIII par la suite), le racisme. Mais si l’intention était plus que pertinente et ambitieuse, les scénaristes n’en ont pas fait grand-chose. Aucune des trajectoires initiales, empruntées par les divers personnages, ne sera infléchie au cours de l’aventure, pas un élément perturbateur, pas une surprise ne viendra relancer les enjeux, redistribuer les cartes. Bref, on attend que l’histoire décolle, mais ça n’arrivera jamais vraiment. Il suffisait pourtant de peu.


Le scénario de FFXII n’était pas dénué de bonnes idées. Il était armé pour faire quelque chose d’inattendu et de mémorable, pour porter un discours sur le pouvoir et les élites. Mais il n’en fera rien. Tel est son véritable problème. Plutôt que d’assumer sa maturité, il préfèrera intégrer Vaan et Penelo pour se rendre plus « grand public ». Il n’exploite pas sa singularité, n’utilise pas ce qu’il a mis en place. Et retombe donc un peu à plat, comme une promesse qu’on peine à tenir.


Gameplay



Le système de gambits consiste à préconfigurer les actions de nos personnages avant le combat. Exit le tour par tour, place au dynamisme : chaque personnage effectue ses compétences en temps réel, tout se déroule simultanément. Il faut l’avouer, c’est plutôt sympa et original d’élaborer ses stratégies au préalable. Le souci, c’est que si l’action apparait comme dynamique à l’écran, le joueur, ayant automatisé les comportements de son groupe, n’est plus qu’un spectateur des affrontements.



Cela aussi est toujours vrai. Quoiqu’avec le recul, les gambits apportent aussi du bon. Premièrement, on conserve la dimension stratégique de la saga qui aurait pu être perdue avec un Action RPG. FFXII parvient à s’affranchir du tour par tour sans pour autant trahir l’esprit de la saga. Et cet affranchissement du tour par tour permet de fusionner combats et exploration. C’est là son tour de force. Il n’y a plus de scission entre les écrans d’affrontements et l’overworld, et c’était une véritable innovation dans le J-RPG. Innovation qui conduit elle-même à la possibilité de déployer un monde (semi-)ouvert vivant et immersif.


De ce système de gambits découlent donc pas mal de nouveautés qui font de FFXII un jeu unique. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il est exempt de défauts. Deux, en l’occurrence.


En premier lieu, ce « dynamisme » qui n’est qu’un dynamisme de façade. Si vous programmez vos gambits avec un minimum d’intelligence, la majeure partie des combats pourront se dérouler sans votre intervention (ce qui est d’autant plus vrai avec la version Zodiac Age et sa baisse drastique de difficulté). Deuxièmement : un gros souci d’ergonomie ! Si un boss récalcitrant requiert une autre stratégie, n’espérez pas la régler en temps réel. Il va falloir passer par les menus, modifier ses gambits, analyser les changements, les modifier à nouveau si besoin, réordonner votre configuration initiale à la fin du combat… Vous allez passer un temps fou dans les menus, et par là-même, dynamiter le rythme des affrontements et le dynamisme tant vanté du jeu. Pourquoi ne pas avoir ajouté un système de sauvegarde de gambits pour pouvoir switcher entre deux builds ? Ça paraissait tellement évident…


En somme…


…il y a du bon et du moins bon. Que ce soit dans son histoire ou son gameplay, FFXII fait preuve d’un immense potentiel en même temps que d’un goût d’inachevé, deux faces d’une même pièce condamnées à diviser la communauté. La question est, sur quelle face le joueur va-t-il tomber ?


Si ses attentes sont conditionnées par son expérience des opus précédents, il y a des risques que la face arborant les défauts se présente à lui, comme ce fut mon cas à la sortie du jeu. Sans cela, il est bien possible que les qualités de FFXII lui apparaissent avec plus d’évidence.



Du charme et des imperfections




S’il y a une chose qu’on ne peut pas reprocher à FFXII, c’est sa technique hors du commun. Les graphismes sont sublimes, comme jamais on n’en avait vu sur une ps2 poussée au maximum de ses capacités. La patte artistique, très inspirée de l’univers de Star Wars, est plutôt sympa et on apprécie de pouvoir se balader dans l’immensité d’Ivalice.



L’immensité d’Ivalice… Ouaip. On ne peut pas tout critiquer non plus. Ivalice a de la gueule ! Et pas seulement parce que FFXII était une prouesse graphique et artistique — plus mise en valeur encore avec la version Zodiac Age. Ivalice est un monde qui grouille de vie, que ce soit par le nombre pnj dans les villes, ou par leur variété avec toutes les races qu’on y rencontre.


On peut en dire autant de de la diversité des environnements, splendides, et qu’on voit parfois se modifier au fil des tempêtes ou des saisons. Environnements qui ont toujours une histoire, un lore que les pnj se feront une joie de nous raconter si on prend le temps de leur adresser la parole.


Pour peu que le système de gambits parvienne à vous convaincre, FFXII commencera à cumuler les bons points à mesure qu’il vous transportera dans son univers. C’est un opus qui a beaucoup de charme, et qui parvient à envouter malgré une orientation résolument plus terre-à-terre que ses prédécesseurs.


Malgré tout, difficile pour les plus tatillons de ne pas lui trouver quelques imperfections qui pourront entacher l’expérience de jeu. En vrac :


• Une progression qui manque de logique. Des quêtes secondaires mal placées et indispensables au déblocage de certaines primes. Récupérer « Allonge » à la fin de la zone avec toutes les bêtes volantes ? Récupérer « 1000 épines » après que tous les persos aient dépassés les 1000 dégâts ?


• Faire des choix de jobs définitifs au début, sans comprendre les tenants et aboutissants du système de permis.


• Un nombre pharaonique de techniques et de magies useless : « Arithmétique » qui double ses dégâts à chaque coup mais qui rate une fois sur trois (et donc se réinitialise), « Coup Aveugle » qui augmente les dégâts mais qui ne touche pas à cause de la cécité, les magies de débuff inutiles sur les petits mobs qui meurent en deux coups mais auxquelles les gros mobs sont largement immunisés, etc.


• Une RNG omniprésente ; des armes qui font entre 150 et 15 000 dégâts ; les allers-retours incessants qu’il faut se fader pour trouver le monstre de prime qui a 30% de chance d’apparaitre sous telle condition météo qui a elle-même 30% de chance d’apparaitre à chaque entrée dans la zone, tout ça pour se faire éclater car on n’a pas encore le niveau ou la bonne stratégie ; et bien entendu les loots des coffres, où là il faut carrément attendre l’alignement des planètes, faire trois fois le tour de la map à cloche-pied en priant sa Sainte Divinité Joe la Moule pour espérer obtenir ce qui vous intéresse… raaaaaah !!


C’est souvent le cas avec les Final Fantasy, mais dans cet opus plus que jamais, on a souvent la sensation que le jeu est conçu pour être joué avec un guide ou une soluce. Et ça, c'est chiant ! Je veux pouvoir découvrir un jeu sans avoir l'impression de passer à côté de la moitié de son contenu parce que rien n’est expliqué correctement ou qu’il faut accomplir des tâches inconcevables pour obtenir un item important.



Conclusion



Que Final Fantasy XII ait à ce point divisé son public n’a rien d’étonnant. C’est un épisode radical qui tente par ses choix francs de révolutionner la saga, voire peut-être même le J-RPG.


Novateur et visionnaire, mature et audacieux, il n’en laisse pas moins un petit goût d’inachevé et d’inexploité. En fait, c’est sans doute l’opus qui aurait tiré le plus de bénéfice d’un XII-2 — bien plus que le X et le XIII en tout cas. Prometteur mais imparfait, un épisode secondaire aurait été l’occasion d’y perfectionner ses mécanismes et d’y assumer la maturité de son univers.


À l’époque, je concluais :



Avec le temps, j'ai fini par me dire que FFXII n'était pas un mauvais jeu en soi, simplement qu'il m'a déçu sur les points auxquels j'accordais le plus d'importance, […] qu’il ne s’est pas posé les bonnes questions.



C’est peut-être là son seul vrai problème : FFXII est bon là où on ne l’attendait pas, et déçoit là où on l’attendait.


Aux déçus de la première heure, acceptez de lui donner une seconde chance. Avec un nouveau regard, ses défauts ne disparaitront pas, mais ses qualités pourraient bien transparaitre avec plus d’éclat qu’à l’époque.

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le 16 sept. 2013

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Gilraën

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