Final Fantasy XV
6.5
Final Fantasy XV

Jeu de Square Enix et Hexa Drive (2016PlayStation 4)

Une décennie. Rares sont les titres à pouvoir se targuer d'une période de développement aussi longue et ça même s'il est évident que le titre que vous avez peut-être eu le malheur de pouvoir essayer n'a pas vraiment profité de l'intégralité de cet intervalle avant de sortir estropié sur les machines d'aujourd'hui. Pensons-y un bref instant, tiens, au monde d'il y à dix ans. Histoire de se rafraîchir la mémoire. George W. Bush était Président des États-Unis d'Amérique et nous laissait penser qu'il serait presque totalement impossible de voir quelqu'un de plus incompétent un jour se hisser à cette fonction que certains pensaient encore purement honorifique. La Wii, sur un étrange malentendu bâti sur des promesses intenables, était devenu le jouet favori d'une génération de dames entre deux âges qui pensaient qu'un pèse-personnes interactif serait l'arme ultime nécessaire à tuer leur surcharge pondérale. Ailleurs, dans le monde de l'esprit, Raymond Devos venait de mourir laissant derrière lui des générations entières d'orphelins espérer un jour voir l'humour francophone se hisser à la hauteur de son œuvre. Ah, et histoire de faire plaisir au petit peuple, j'imagine que l'on doit aussi mentionner qu'un pays nommé l'Italie a battu un pays nommé la France dans la finale d'une forme d'événement sportif nommé la... Coupe du Monde de Voetbal?! Jamais entendu parler, mais ça semble être précisément le genre de faits sans valeur historique que les gens du commun aiment voir poindre dans les récapitulatifs de ce qui s'est passé à une époque donnée. Après tout, ça ne peut pas faire de mal d'avoir quelques anecdotes dans un texte comme celui-ci.


Telle était la tronche de notre planète lors de l'annonce d'un titre qui – du moins, à l'époque – était censé s'intituler Final Fantasy Versus XIII. Chapeauté par Tetsuya Nomura, ce fameux spécialiste des designs mièvres et pourtant bien trop ornementaux, le jeu avait pour but de tirer un univers nocturne de celui soi-disant lumineux de Final Fantasy XIII. (Pour rappel, c'était ce fameux RPG dont la structure se résumait à emprunter un escalateur à sens unique encombré de personnages mal écrits occupés à réciter avec une ferveur malsaine les motivations éculées qui les avait poussés à prendre part à ce récit soi-disant épique et pourtant plus ou moins digne d'une pièce de théâtre écrite avec les pieds par un(e) adolescent(e) analphabète.) La dualité de façade, voyez-vous, est généralement une bonne piste de départ si vous manquez d'idées. C'est un artifice assez aisé à utiliser et il est devenu très populaire à la télévision. Prenons un exemple afin d'illustrer ma théorie. Disons, au pif, The Flash. Vous avez un protagoniste avec des qualités évidentes : c'est un beau jeune homme, il est très rapide/sait chanter de manière normative et il a un costume qui met en valeur son anatomie. Comment en tirer un antagoniste susceptible de plaire au public de cette série ? Simple. D'abord nous en produisons une copie inversée – mais pas trop, hein, c'est une série pour filles il faut donc que le résultat soit malgré tout un beau jeune homme doté d'un costume en cuir qui moule bien ses fesses – et afin qu'il n'y ait pas de doute sur le fait qu'il est maléfique... nous allons l'orner de couleurs sombres. Ah et il est susceptible de se battre contre notre protagoniste car il a une version parallèle et peut-être même un brin supérieure de son talent pour se mouvoir à haute vitesse. Pan. Vous avez réussi à vous doter d'un protagoniste et d'un antagoniste en n'ayant qu'à imaginer un seul personnage et en appliquant la formule. C'est pas pratique ?


Cela fonctionne aussi pour l'univers sous-jacent de vos franchises favorites, d'ailleurs. Prenez Final Fantasy XIII. Les intellectuels de la discipline lui reprochent d'être trop linéaire ? C'est pas grave, on va donner l'impression de faire l'inverse ! Le monde ainsi dilué et sera exploré au volant d'une voiture dont vous pouvez être certain que notre très crédule public ne se rendra pas compte que nous venons juste d'ajouter de nombreux escaliers mécaniques linéaires à notre univers utopique. Ceux-ci leur permettront d'atteindre les divers objectifs que nous venons tous de séparer de quelques kilomètres. L'illusion de se déplacer dans un monde vaste et divers leur donnera l'impression d'une plus grande variété face aux quatre pauvres objectifs interchangeables sur lesquels nous pouvons compter pour construire nos missions secondaires. De toute manière ce sont des fanboys : ils ne peuvent s'empêcher d'aimer de manière irrationnelle nos produits et ça aussi caducs soient-ils. Les systèmes de combat sont considérés comme une version trop frénétique de ce qui est traditionnellement proposé par la série ? Ici, histoire de brouiller nos pistes, on va aller plus loin dans le même sens afin d'en produire une version « en temps réel ». Cela donne l'illusion d'une variété entre les deux manière de faire et ça même si notre version « en temps réel » des combats se résume à alterner entre deux touches représentant la défense et l'attaque tout en se remettant de temps à autres de la vie. Comme ça, les deux produits sont clairement différenciés. Et voilà, vous en savez autant que Tetsuya Nomura sur le domaine du développement de jeux vidéo. Ta-daaa.


Avançons maintenant le cours du temps pour tomber quelque part aux alentours de 2010/2011. Le projet est un échec. Rien ne fonctionne correctement et la machine qui est censée faire tourner cette gigantesque usine à gaz est maintenant obsolète. Avec résignation les pontes d'une compagnie connue pour sortir l'une des meilleures séries de RPG de tous les temps – au fait, c'est Dragon Quest – accepte d'étendre la période de gestation du projet maudit. L'on vise maintenant une sortie sur les consoles qui seront d'actualité dans deux ans. Elles doivent bien avoir assez de puissance pour faire tourner une version approximée de ce qui était impossible sur PlayStation 3. Bon, cela nécessitera très certainement de mettre à la poubelle tous les éléments graphiques concoctés pour ce qui est maintenant devenu la génération précédente... mais faut ce qu'il faut. Après tout, Square Enix ne peut absolument pas répéter le cauchemar publicitaire que représentait la sortie de Final Fantasy XIV sur PC. Leur réputation est en jeu. Il faut à tout prix que ce produit finisse vaguement solide sur les étals et ça même si cela nécessite de couper environ un tiers de l'aventure afin de respecter la date de sortie prospective. Histoire de brouiller les pistes vous annoncez un film situé dans le même univers avec Jesse de la série Breaking Bad dans l'un des rôles principaux. Ah, et ce n'est plus Final Fantasy Versus XIII. Non, c'est Final Fantasy XV : un tout nouvel opus de la fameuse série de jeux à succès. Voilà qui devrait rendre le public confus. Quelques années plus tard, aux alentours d'Août 2016, vous apprenez – pour le coup, assez surpris – que malgré tous les efforts financiers consentis par votre puissante organisation... le titre ne sera pas terminé à temps. Il a besoin d'au moins trois mois pour sembler terminé. Bon, à ce stade, le titre est amputé d'un bon tiers de son contenu – et ça à tel point que son scénario fait considérablement moins sens qu'au début – dure une vingtaine d'heures très répétitives et nécessite un peu moins de deux minutes de patience par chargement. Le titre, en somme, accuse son âge. Pire, il semble clairement avoir été commencé il y à dix ans de cela. Patrick Bruel pourrait presque en tirer une chanson tant l'affaire est pathétique. Alors... vous acquiescez. Le jeu, maintenant à deux doigts de devenir votre Waterloo personnel, sortira dans trois mois. Aux alentours du 29 Novembre 2016.


Ça y est, le titre est sorti ! Les premières critiques sont dithyrambiques. Ce qui est normal, après tout, c'est précisément le type d'engouement exigé par ceux et celles qui ont signé le contrat leur permettant d'être parmi les premiers servis par ce grand carrousel publicitaire qu'est le domaine du placement produit. Les fans - enthousiastes et parfois mêmes en larmes ce qui n'est pas du tout psychologiquement malsain comme réaction face à la sortie d'un produit de consommation courante - produisent des vlogs de réaction en temps réel chroniquant le téléchargement jubilatoire du patch de vingt gigas nécessaires à faire fonctionner de manière plus ou moins correcte le titre tant attendu. (Il ne tournera correctement que lors du prochain patch qui sortira dans un mois mais bon, à ce stade les intéressés auront très certainement terminé le titre... donc, voilà, quoi.) Pendant un temps, les nouvelles sont bonnes : la publicité remplit son office et le titre se vend. Oh, il faudrait sans-doute que ce soit l'une des plus grosses ventes de la série pour réellement faire un profit. Mais, bon, la situation aurait été bien pire s'il n'était jamais sorti. Puis... petit à petit, les vrais critiques s'attaquent au titre. Ceux qui ne sont pas à vendre. Ceux qui sont dotés d'un esprit critiques. Pour faire simple... ceux qui ne sont pas asservis par un amour aveugle. Ils ne pourront très certainement rien face aux hordes de fans de la série, hein, mais quand même. On ne sait jamais. Leurs arguments – pour la plupart – sont sensés. Scénario éculé bâti intégralement autour des canons de la série. Action acceptable mais sans rien de spécial. Structure des missions empruntées de manière très large à Witcher III sans jamais savoir se hisser au niveau de l'audace du classique Polonais. Car, sans que vous le sachiez, en dix ans... le monde avait changé.

MaSQuEdePuSTA
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le 13 févr. 2017

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