Final Fantasy XV
6.5
Final Fantasy XV

Jeu de Square Enix et Hexa Drive (2016PlayStation 4)

Une Queue de Phénix sur la licence à défaut d'un Méga-Phénix

Lorsque Final Fantasy XV se lance, il s'ouvre sur un message des plus surprenants : "Pour les fans et les nouveaux joueurs de Final Fantasy". Certains y ont vu une certaine subtilité, l'ambition affichée de respecter les codes d'une franchise tout en lui offrant un nouvel écrin plus en phase avec le jeu vidéo d'aujourd'hui. Une fusion élégante entre le J-RPG old school et les technologies modernes poussant toujours plus les développeurs à se diriger vers la forme de l'open world. Mais, pour ma part, j'y ai vu un message alarmant qui justifiait un probable Final Fantasy destiné aux casuals davantage qu'aux hardcore gamers. Ai-je eu raison de m'inquiéter ? Et bien en grande partie oui, mais pas forcément pour cette raison. Et ce test va vous expliquer pourquoi.


DIX ANS D'ATTENTE...


Il serait injuste de vous parler de Final Fantasy XV sans vous parler du joueur que je suis car, même si je vais faire mon possible pour être objectif, le rapport que l'on peut avoir avec la dernière production de Square Enix n'est clairement pas le même selon le degré d'attente qui est le nôtre.


J'ai eu la chance de découvrir Final Fantasy premier du nom en import sur Famicom dès sa sortie au Japon. Mon père voyageant beaucoup à l'étranger, il a pu me ramener quantité de jeux vidéos des États-Unis et du Japon bien avant leur sortie en France. Voilà donc bientôt trente ans que cette saga accompagne mes pérégrinations vidéoludiques. J'ai pu la voir évoluer, grandir, et devenir culte en même temps que je devenais un homme. Si certains épisodes m'auront davantage marqué que d'autres, il faut bien dire que cette série ne m'a jamais déçu jusqu'au neuvième épisode. Neuf épisodes qui ont tous été de véritables hits du jeu vidéo, certains étant même bien plus que cela. De fait, lorsque l'on vit et grandit avec une série qui a atteint un tel niveau d'excellence, les attentes ne peuvent être que gargantuesques. Pour ma part, je trouve cet état de fait légitime. Et c'est pourquoi le déclin qualitatif de ces dix dernières années ne pouvait que m'atteindre...


Le premier coup de mou, je l'ai ressenti dès Final Fantasy X : longs couloirs, peu de liberté, exploration minimale, secrets faméliques, des cinématiques à n'en plus finir... L'épisode m'a déçu mais reste très plaisant avec le recul, notamment grâce à un univers de Spira bien chiadé et des personnages très attachants (#teamauron).
C'est surtout après le départ de Hironobu Sakaguchi puis de Nobuo Uematsu suivi de la fusion entre SquareSoft et Enix suite à l'échec de Final Fantasy : Les créatures de l'esprit que la marque "Final Fantasy" va sombrer plus bas que jamais. Première pierre à l'édifice : Final Fantasy X-2. Rien que la J-Pop en lieu et place de la musique symphonique d'Uematsu, ça a de quoi m'arracher la gueule. Et que dire de la structure-même du jeu qui n'a plus grand chose à voir avec un Final Fantasy (système de chapitrage, concepts privilégiés à la narration, etc.).
Je fais l'impasse sur Final Fantasy XI et Final Fantasy XIV - qui n'auraient jamais dû s'appeler "Final Fantasy" à mes yeux : "World of Final Fantasy" s'ils veulent, mais pas "Final Fantasy xx". Après tout, Blizzard n'a pas appelé son MMO "Warcraft 4" mais "World of Warcraft", et il y a une raison à cela. Bref, c'est un autre débat. Arrive donc Final Fantasy XII que je qualifierai de "grand jeu malade" : de par le renvoi de Yasumi Matsuno en pleine production, FFXII est inachevé. Dense dans sa première partie, fini à la pisse dans sa seconde, en plus du saccage de Square Enix qui a fait le forcing pour ajouter Vaan et Penelo avec le résultat que l'on connait tous.
Vinrent enfin les Final Fantasy XIII, imbuvables par certains aspects, notamment l'absence totale de liberté dans le premier volet. Tout n'est pas noir, mais je ne pense pas me tromper en affirmant que le projet Fabula Nova Crystallis est le plus bancal que Square Enix ait accouché à ce jour.


C'est là que se pointe Final Fantasy XV. Il a la délicate mission de sauver une licence en perdition tout en proposant une aventure justifiant dix ans de développement.


...POUR UN RESULTAT MITIGE


En réalité, le développement de Final Fantasy XV n'a pas pris dix ans : il a en effet été interrompu suite aux critiques essuyées par Final Fantasy XIII, FFXV devant à l'origine être "Final Fantasy versus XIII". C'est après avoir remodelé le projet de A à Z que Final Fantasy XV est devenu ce qu'il est aujourd'hui. Néanmoins, mon aparté sur le joueur que je suis a pour but de vous faire comprendre un point-clé de ce que je m'apprête à critiquer : en tant que fan de la série, j'ai des attentes, et si Final Fantasy XV possède de grandes qualités, il n'en est pas moins pourvu de terribles défauts, pour ne pas dire de maladresses impardonnables.


Du coup, qu'est-ce qu'un Final Fantasy pour moi ? Beaucoup de choses à dire vrai. Tout d'abord un scénario en béton armé. Des personnages charismatiques et attachants. Un méchant culte et badass au possible. Un système de combat novateur et un gameplay d'une grande richesse. Une musique inoubliable. Une durée de vie gargantuesque. Une direction artistique irréprochable voire, depuis Final Fantasy VII, des graphismes à la pointe de la technologie.


Côté scénario, Final Fantasy XV fâche surtout dans sa seconde moitié. Kingsglaive : Final Fantasy XV a posé les bases d'un conflit politique certes classique mais loin d'être inintéressant. Restait à Final Fantasy XV à prendre le relai pour nous faire vivre le dénouement de l'affrontement entre l'Empire de Niflheim et le Royaume de Lucis. Et si les sept premiers chapitres prennent cette direction, ils sont surtout prétexte à un road trip lorgnant du côté du cinéma hollywoodien et des voyages initiatiques à la Thelma et Louise ou Easy Rider qui n'est pas pour me déplaire. Car c'est au cours de leur voyage que les quatre héros vont tisser des liens qui justifieront ou consolideront leur détermination à voir le conflit trouver une fin heureuse. Et c'est dans un vaste open world que le joueur va être invité à vivre cette évolution tout en compilant les quêtes annexes en tout genre. Il faut en effet reconnaître qu'il est appréciable durant cette phase de jeu de pouvoir à tout moment vaquer à ses occupations et laisser de côté l'histoire principale pour s'adonner à des activités subsidiaires.


Cependant, dès le chapitre 8, Final Fantasy XV prend un virage à 180° qui frise la sortie de route : le jeu devient linéaire au possible et surtout s'avère totalement bâclé. L'intrigue principale est jetée aux orties et jamais plus il ne sera question de l'Empire, de l'Empereur et des débâcles politiques. Une fois le grand méchant révélé, tous les personnages secondaires seront expulsés de l'histoire avec pertes et fracas. De mémoire de joueur, je n'avais jamais vu un tel coup de balai dans aucun jeu de rôle de toute ma vie. Je ne peux rentrer dans les détails afin d'éviter de vous gâcher la mauvaise surprise, mais je peux vous assurer que le gruyère a bien plus de trous que de chair. Une sorte de version accélérée de Final Fantasy XV en quelque sorte, comme un résumé de ce qu'il était prévu de faire en seconde partie. Et sur ce point, je suis catégorique : aucun des Final Fantasy précédents n'avait réussi à faire pire. Et je ne vous parle même pas du chapitre 13 et du long, très long donjon que l'on arpente avec un Noctis orphelin de ses amis et qui est tout bonnement imbuvable tant en terme de gameplay que de scénarisation. Du coup, pour l'attache sentimentale et les enjeux scénaristiques, on repassera. D'autant que les personnages principaux sont relativement inégaux : Noctis occupe certes le devant de la scène, mais son positionnement et son évolution manquent de profondeur ; Ignis est trop peu développé, à la limite du monocorde ; Prompto trop souvent limité au rôle de trublion ; Seul Gladio s'en sort honorablement, même si sa relation avec sa soeur aurait mérité davantage de travail. Le quatuor marche étonnamment bien, les phases de roleplay durant les feux de camp aidant, mais cela reste tout de même léger pour que le joueur s'attache aux destinées de chacun.


Le bad guy de l'histoire lui-même pose problème : pas aussi charismatique que Sephiroth ni aussi diabolique que Kefka, ses motivations sont pourtant louables mais, tout comme le reste de l'histoire, elles auraient mérité un plus gros travail de développement. Surtout dans l'optique où son histoire supplante celle qui devait opposer Régis puis Noctis à l'Empereur, Le Lucis au Niflheim : or, à aucun moment le passage d'une trame à l'autre ne se fait avec finesse. Comme je le disais plus haut : virage à 180°, accroche-toi à ton slip et enjoy le twist le plus fumeux de la licence. Bien dommage, car avec davantage d'écriture, on aurait pu tenir là une histoire de grande envergure.


Fort heureusement, Final Fantasy XV est sauvé en partie par son gameplay : dynamique, fluide, simple tout en étant technique, le transformation de la licence en A-RPG est particulièrement réussie. Encore que de nombreux problèmes de caméra sont à déplorer, notamment dans les endroits exigus ou touffus durant lesquels la visibilité devient péniblement optimale. Je regrette également que la magie soit si peu développée dans cet opus. Pour tout dire, j'ai réussi à terminer Final Fantasy XV sans jamais m'en servir. Un comble quand on sait que certains Final Fantasy sont interminables sans jouer sur les faiblesses élémentaires de nos ennemis. Il faut dire que le friendly fire, que je cautionne dans un système au tour par tour, n'a absolument pas sa place dans un A-RPG qui tend vers des joutes endiablées. Et même si la possibilité de jouer en mode stratégique est louable, elle n'est pas indiquée au regard du gameplay proposé.
Dernier point critiquable, la conduite de la Regalia, trop limitée. Au final, vous n'aurez que peu la main sur votre voiture, celle-ci suivant un trajet prédéfini. Pire encore, la Regalia Type-F s'avère imbuvable à manoeuvrer en vol. Alors certes, Final Fantasy ce n'est pas Grand Theft Auto, mais puisque Square Enix a pris le parti de transformer son plus célèbre J-RPG en A-RPG à la limite du TPS, autant embrasser la démarche jusqu'au bout et proposer ce que les autres RPG du genre proposent, The Witcher 3 en tête. Imaginez donc si Geralt, chevauchant Ablette, ne pouvait suivre que les chemins de terre... C'est pourtant ce que Final Fantasy XV propose.


Ce n'est d'ailleurs pas sur cet unique point que le jeu accuse un sérieux retard. Son système de quêtes de chasse lui-même se montre très archaïque : impossible en effet de cumuler plusieurs quêtes de chasse sans avoir à les prendre une par une. Quant aux autres quêtes, elles sont pour la plupart décontextualisées de l'aventure que l'on est sensé vivre et très redondantes. Aller chercher des grenouilles ou des plaques de chasseurs disparus, ça n'a au final pas grand chose à voir avec le fait de devoir sauver son pays de l'invasion et reconquérir son trône. On appelle ça dans le jargon des quêtes "FedEx", et Final Fantasy XV en est rempli.


Ajoutons à cela une difficulté d'ensemble au ras des pâquerettes tant le titre ne nous propose pas de véritables challenges (le trophée platine notamment s'obtient fingers in the noise) ainsi qu'une sous-exploitation prégnante des activités annexes (chocobos, pêche, cuisine, photographie : autant d'éléments qui auraient mérité d'être creusés).


Demeure une musique qui relève grandement le niveau par rapport aux épisodes récents, Yôko Shimomura (compositrice notamment des Kingdom Hearts) ayant fait un travail remarquable.


Final Fantasy XV n'est pas l'épisode qui permettra à la licence de retrouver ses lettres de noblesse, mais tout n'est pas à jeter, et je préfère penser que Square Enix va dans le bon sens à défaut d'avoir retrouvé la formule magique qui lui réussissait tant il y a près de vingt ans.

Kelemvor

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