I have a tender spot in my heart for cripples and bastards and broken things

Cyanide, Game Of Thrones, la rencontre d’un petit du jeu vidéo avec un géant de la fantasy moderne. On craint bien sûr une œuvre bâclée, comme tant d’autres licences qui sont passées sous le rouleau compresseur vidéo-ludique et en sont ressorti bafouées, piétinées. D’autant plus lorsqu’il s’agit d’un petit studio français, plutôt inexpérimenté et assez frileux. Mais chez Cyanide Studio, on est profondément fan de l’univers créé par Georges R. R. Martin, alors il n’est pas question de plaisanter cette fois-ci. Winter is coming, brothers of the nightwatch.

At the game of thrones, either you win or die, there is no middle ground

D’un côté, Mors Westford, frère juré et loyal de la garde de nuit depuis quinze longues années. Son temps il l’a passé à servir au Mur et à défendre les invasions provenant du Nord. Dans le froid sec, le gel et la glace, il n’a eu de cesse de repousser les attaques des pillards sauvageons : des humains aux comportements bestiaux et incontrôlables. Jusqu’au jour où son ami de toujours, Jon Arryn, Main du Roi, lui adressa une ultime requête testamentaire : protéger Jeyne Greystone, une femme au passé bien mystérieux, au péril de sa vie. Dès lors, Mors est à des lieues de prévoir les machinations dans lesquelles il va se voir embrigadé malgré lui.
De l’autre, Alester Sarwick, fils ainé de la maison Sarwick qui règne sur le domaine de Puysaigues. Après s’être exilé une quinzaine d’années dans des contrées éloignées, le fils prodigue revient en Westeros afin de rendre ses hommages à son défunt père et, comme le veut la tradition, de prendre sa suite à la tête du domaine. Malheureusement l’affaire n’est pas entendue de cette façon par la Reine Lannister, qui a déchu les Sarwick de leurs terres et prévoit un mariage arrangé entre le batard de feu seigneur Sarwick et une des filles légitimes de ce dernier. Commence alors le jeu des trônes afin de récupérer ce qui semble vous revenir de droit.

Vous l’aurez compris, dans Game Of Thrones, vous contrôlerez non pas un, mais deux personnages principaux. Fatalement, les deux histoires se rejoindront à un moment clé du récit. Et quel récit ! On ne peut que sentir la passion de Cyanide pour la licence suinter à travers chaque mot. Les personnages principaux et secondaires sont finement léchés, travaillés jusque dans les moindres détails. Leur psychologie est loin d’être à sens unique et dépendra parfois des choix que vous ferez, à la fois durs et bons, altruistes et égoïstes. L’homme y est représenté dans toute sa versatilité, son incohérence parfois, mais que diable, on s’y retrouve ! On s’identifie à l’une facette ou l’autre du héros, à l’une conviction qui le motive ou l’autre. L’introspection est de rigueur lorsqu’il le faut, mais ils ne laissent jamais une affaire en suspens. Ils font des choix. Des choix que, vous, ferez en réalité. Une réalité qui s’avérera parfois cruelle, ou au contraire clémente, bien que la désillusion soit toujours cachée derrière chacun des courts instants de bonheur dont vous profiterez. Le scénario est en effet maculé du noir de la faucheuse et du rouge du sang versé. N’espérez pas vous en sortir avec un happy ending dans Game Of Thrones. Mais peu importe en vérité l’issue de l’histoire, tant le cheminement est maitrisé de main de maître. Le sel de Game of Thrones réside en effet dans la maitrise exercée par Cyanide sur toute la dimension « littéraire » de son bébé.

The gods have no Mercy, that’s why they’re gods

Une petite anecdote avant d’aborder le cœur du soft. Sachez que le jeu Game Of Thrones narre une histoire qui n’est pas présente dans les livres de Georges R. R. Martin, bien qu’elle fut approuvée par l’auteur car elle respectait selon lui son univers. En cela, bien que le jeu ait été forcé d’utiliser les visages des personnages de la série télévisée d’HBO, l’œuvre possède une relation forte avec les livres et non avec le show. Qui plus est, le développement du titre avait débuté avant même la mise en production de la saga. Il ne s’agit donc pas ici d’un produit dérivé de dérivé, mais bien d’un jeu qui emprunte directement au livre.

Et le moins que l’on puisse dire, c’est que l’on sent sans peine l’inspiration littéraire qui a poussé Cyanide Studio à créer Game Of Thrones. Le soft est bavard, plus que de raison diront certains, mais il est également prolifique au niveau du codex. Cette véritable mine d’informations témoigne de l’immense background mis en place par Martin et comble tous nos vides, afin de maximiser la compréhension d’un univers délicieusement complexe. Les développeurs se sont habilement servis de cet héritage pour le tourner à leur avantage en tissant une véritable toile d’informations où les filiations se croisent et s’entrecroisent pour au final accoucher d’un codex passionnant, qui distille ses entrées au compte-goutte au fil de l’aventure. La cerise sur le gâteau dans tout cela réside dans la qualité d’écriture irréprochable de l’ensemble : dialogues, codex et menus compris.

Si l’on jette un regard plus précis sur le scénario, on y verra bien une légère inconsistance sur les quelques heures qui constituent le tout début de l’aventure, mais ce serait une erreur de s’arrêter pour si peu. La suite réserve de telles surprises et retournements de situation qu’il serait dommage de faire une croix sur de si bonnes séances de triturage d’esprit et de bouche grande ouverte. Game of Thrones reprend effectivement le flambeau des livres et de la série dans le registre « mindfuck » inattendu qui sort de n’importe où et lors desquels, bien souvent, un personnage important meurt. De même, tout du long, l'intrigue vous tient en haleine à grands renforts de conflits politiques, de machinations et de complots. Mais le soft ne fait pas que s’appuyer sur des acquis, il approfondit le background de la licence et donne plus d’ampleur à Westeros. Jouer à Game Of Thrones, c’est se trouver en quelque sorte dans les coulisses de quelque chose de plus grand. Et ce sentiment est loin d’être déplaisant tant le double récit est spectaculairement bien imbriqué dans le scénario mère.

(...)


Tout d’abord, Game Of Thrones, c’est un scénario en béton armé maitrisé de A à Z, un background savamment déployé et des personnages de haute volée. C’est de là qu’il tire sa splendeur et sa maturité. A ce titre, c’est un brillant exemple à suivre pour la concurrence. C’est aussi le fruit de la sincérité et de la passion sans faille de Cyanide Studio pour la licence de Martin. On le voit au soin apporté à chaque détail sur le récit. Mais on ne peut occulter les écueils de la technique, de la réalisation et du gameplay mi-figue mi-raisin, malgré une bonne capacité de personnalisation. Pour ces raisons, on ne conseillera ce soft qu’aux réels fans de l’univers du Trône de Fer. Ceux-là, s’ils sont indulgents, risquent d’être surpris et de passer un très agréable moment.
DocElincia
8
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Seul au monde, mais je le vis bien

Créée

le 4 nov. 2012

Critique lue 580 fois

5 j'aime

3 commentaires

DocElincia

Écrit par

Critique lue 580 fois

5
3

D'autres avis sur Game of Thrones : Le Trône de Fer

Game of Thrones : Le Trône de Fer
Asarkias
7

Un jeu fauché mais d'une incroyable qualité

Les jeux adaptés d'une série Télé ou d'un film à succès, c'est très souvent casse-gueule : moche, court, ambiance mercantile envahissante et scénario sans intérêt sont les principales qualités de ce...

le 25 oct. 2014

12 j'aime

4

Game of Thrones : Le Trône de Fer
DeadmanW
7

Critique de Game of Thrones : Le Trône de Fer par DeadmanW

Graphiquement c'est pas le rêve. Coté design des maps, c'est maladroit et un peu vide aussi. Niveau technique ca saccade parfois et le menu des options est extrêmement pauvre, au point que j'ai du...

le 23 mai 2012

10 j'aime

Game of Thrones : Le Trône de Fer
Marvelll
5

Vivre la lutte pour le trône

Quand on adapte un livre aussi populaire et surtout une série reconnue mondialement en jeu vidéo, on s'expose à de sérieux risques mais à la décharge des développeurs, ils avaient commencé à...

le 1 juin 2012

7 j'aime

Du même critique

Remember Me
DocElincia
8

Remember you soon

La nostalgie, la souffrance, la peur, mais aussi le bonheur ou l'euphorie. Autant de sentiments qui puisent leur essence dans nos souvenirs. Parfois on s'amusera d'un brin de passé cocasse, à...

le 6 juin 2013

37 j'aime

8

Tomb Raider
DocElincia
7

Without fear, there cannot be courage

La frontière entre le mythe et la réalité, la série Tomb Raider en fait son fonds de commerce depuis un certain temps maintenant. Avec ce reboot, Crystal Dynamics choisit de réorienter la...

le 2 mars 2013

29 j'aime

8