Voir ressurgir la figure de Kratos, parangon du héros testostéroné, à une époque où la virilité est de plus en plus questionnée, m'intriguait beaucoup. D'autant que ses créateurs ont fait de lui un père, et l'ont complètement changé d’environnement, comme pour montrer leur détermination à ne pas se laisser enfermer dans une recette, fut-elle garantie de succès.


Difficile toutefois pour moi de savoir ce que j'attendais vraiment de ce reboot officieux de God of War, saga que je suis depuis ses débuts. J'étais content que le jeu sorte de la zone de confort de son public, mais en même temps j'avais peur qu'il n'y perde son âme. Bon point : ça n'est pas le cas. Ceci grâce au sens de la mise en scène du studio Santa Monica, resté intact, qui réserve (principalement au début du jeu, malheureusement) des moments de bravoure assez jouissifs. La représentation de la grandeur et de la force des dieux, et l'humilité du monde humain face à elles, est fascinante pour moi, et donne du poids aux combats qui parsèment l'aventure. La puissance de ces moments est encore renforcée par la beauté des graphismes, qui m'ont fait m'arrêter en plein jeu plus d'une fois juste pour profiter du paysage.


Malheureusement, les grandes confrontations, légion dans les autres volets (pour ne pas dire trop nombreuses), se font très rares ici. Dans une volonté sans doute bien intentionnée d'économiser ses effets, le jeu préfère se reposer sur des boss "moyens", créatures désincarnées et inintéressantes, qu'on massacre sans lever un sourcil faute du moindre enjeu dramatique lié à leur disparition. Dès lors, le jeu perd son aspect tragique qui faisait beaucoup pour son identité, tant les adversaires étaient enchevêtrés dans les histoires de familles morbides de son héros. Ici, hormis deux ou trois personnages, les antagonistes m'ont été absolument indifférents.


Le gameplay, malgré l'abandon de la caméra fixe, ne m'a pas déboussolé, et je l'ai même trouvé efficace. Atreus est un complément intéressant au système de combat, et le côté RPG donné par l'amélioration de l'équipement et des compétences est un renouvellement intéressant. En plus de ça, le jeu a la bonne idée de proposer des "mini-mondes" qui créent des règles à part qui forcent le joueur à changer sa stratégie de combat. Point noir toutefois : un bestiaire assez répétitif, qui fait qu'arrivé aux trois quarts du jeu, on s'ennuie sévère devant les vagues d'ennemis, aussi nombreux soient-ils.


Vient alors selon moi le point central de ce reboot : son changement profond de ton. Le choix d'un chemin plus intimiste m'a même semblé une grande force durant mes premières heures de jeu, me rappelant de bons souvenirs de The Last of Us. Mais c'était sans compter sur le manque régulier de subtilité de l'écriture, qui mène à de nombreuses scènes caricaturales dans la relation père/fils, souvent pas loin de me sortir de l'ambiance savamment construite jusque là. L'idée de montrer que Kratos ne pouvait qu'être un mauvais père, au moins au départ, est cohérente, mais son évolution est faite à trop gros traits pour toucher vraiment. J'ai pensé la même chose pour Atreus, dont les mouvement d'humeur m'ont semblé plus utiles aux besoins du scénario qu'à sa construction en tant que personnage complexe. Le scénario explore tout de même des domaines intéressants, et en premier lieu la paternité, mais sans me donner l'impression de jamais réellement approfondir les choses. De plus, le jeu est à mon sens tombé dans un piège en voulant se ménager la possibilité d'une suite, enlevant pas mal d'enjeu à sa résolution, qui retombe un peu comme un soufflé.


Je suis un peu en difficulté au moment de noter le jeu. J'y ai passé de belles heures, et j'ai apprécié l'expérience qu'il m'a proposé dans l'ensemble. Mais il lui manquait à mon sens comme un souffle épique, ou une proposition scénaristique plus radicale, pour me marquer vraiment. Je crains qu'à un changement visible et vendeur ait été sacrifié un sens du tragique qui aurait fait du bien à cette aventure.

Larsen
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le 26 nov. 2019

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