Tenter de résumer l'essence d'Hitman est une mission périlleuse. La première erreur serait d'en attendre un jeu d'infiltration classique où traverser la map en position du canard suffit à la satisfaction générale. La seconde d'espérer un jeu d'action où chaque PNJ à portée de canon est à considérer comme une menace pour son existence. Bon, techniquement ces deux affirmations sont mises à mal par l'existence de l'épisode Absolution mais tentons d'éradiquer ce douloureux souvenir de la mémoire collective. Hitman, c'est une odyssée cosmique, l'homme face à la machine, le combat acharné d'un chauve contre une intelligence artificielle attentiste. Une comedia dell'arte grandeur nature où l'on officie à la fois comme acteur, scénariste et metteur en scène. Un bal costumé guignolesque où le plus voyant devient le moins visible. Un puzzle ludique où l’observation et la compréhension prennent le pas sur l’improvisation. Mais travailler pour l'ICA (l'agence gouvernementale pas le distributeur d'aspirateurs), c'est aussi la possibilité de remplir son passeport à moindre prix, doublée de la promesse de pouvoir se moquer de tous les stéréotypes inhérents à chaque pays sans bouger de chez soi. Petit tour d'horizon.



Hawke’s Bay, New Zealand : Hello, Goodbye



Sur la photo l'endroit parait charmant, une bicoque high tech perdue sur une plage immaculée et on s'imagine déjà dorer les fesses des agneaux sur des pierres volcaniques. Dans les faits on participe simplement à une insignifiante mission tutoriel nous illustrant les innombrables nouveautés de cette suite. Et oui, tenez-vous bien les PNJ ont maintenant le pouvoir de voir dans les miroirs tandis que 47 se voit capable de se dissimuler dans les buissons. Un petit pas pour l’homme, un grand pas pour l'humanité comme dirait l’autre… Toujours est-il que le quota de destinations en prend un coup et certains s'en donneront à cœur joie pour relancer le débat sur le contenu et la durée de vie. Allez-y je vous regarde.



Miami, USA : Window Shopper



La Floride, un fleuron du tourisme et des cartes postales racoleuses pour la mission vitrine de la nouvelle fournée. Une mise en scène implacable, un level design éclatant, des éclairages lumineux, une gestion de la foule encore plus impressionnante, un terrain de jeu toujours plus grand, 47 sur son 31, les vacances parfaites avec en prime un billet gratuit pour une course automobile en temps réel, que demander de plus ? A voir l’épisode de game maker’s consacré à la création du niveau, par ailleurs certainement l’un des meilleurs de la saga. Pour ceux qui n’ont pas de temps à perdre sur youtube entre deux assassinats, noter une analogie cocasse mais pertinente entre le level design d’Hitman et celui d’un Ikea. En résumé, une aire de jeu où la densité des attractions visuelles freine constamment la progression du client, une absence presque totale de culs-de- sac, une architecture labyrinthique orchestrée autour d’un tracé pourtant très simple, et une multitude de petits raccourcis qui s’offrent aux employés ou à ceux qui font semblant d’en être un.



Santa Fortuna, Colombia: The Hippopotamus Whisperer



A peine 5min passées sur la terre du saint Pablo et déjà je recroise cet hippie que j'avais détroussé à Sapienza. Le dude me dit qu'il doit livrer un petit "cadeau" au baron de la drogue local (et accessoirement une des cibles) mais que manque de chance le jouet qui contient la marchandise est cassé. Bon seigneur, je prends sur mon temps pour trouver un tube de colle et réparer les dégâts me voyant déjà entreprendre une filature jusqu'au lieu de livraison. Autant vous dire que ce tire-au-flanc n'a jamais dérogé de sa routine et continue de se plaindre de son jouet cassé. C'est là l'une des limites de la formule, un aspect "figé" de l'environnement qui nuit à l'immersion avec à la clé un bouquet d’intrigues trop scriptées qui nous rappellent que tout tourne bien trop autour du joueur. En vérité Hitman obéit à sa propre logique. Une logique où les boucles narratives offertes ne sont qu’une invitation à la fête, un prétexte pour visiter les lieux, un en-cas pour ouvrir l’appétit. C’est un jeu de contrôle obsessif qui ne dévoile sa grandeur qu’à force de répétition, une horloge suisse agréable à regarder mais qui ne fascinera que ceux enclin à la dépieuter.



Bombay, India : The Laundromat



Si on reconnait bien vite les assets de la mission Marrakech en errant dans les ruelles marchandes il faut à ne pas s'y tromper comprendre que l'on a changé de continent. Si Hitman tend à nous dépayser, il sait aussi cultiver un certain confort en nous refourguant depuis 20ans les mêmes caches pour cadavres, les mêmes diversions à base de robinets qui coulent et les mêmes réactions hallucinées de PNJ face à la violence gratuite, sûrement les effets pervers de la mondialisation. Point d’ironie, la formule Hitman se perfectionne et fonctionne toujours, mais si IO Interactive veut continuer à prospérer en tant que studio indépendant, il faudra certainement trouver autre chose qu’un mode coop accessoire et des cibles fugitives. Heureusement tout cela est fait avec beaucoup d’humour, ça se ne se devine pas au premier abord mais 47 est un grand farceur.



Vermont, USA : Suburbicon



Le grand cliché du pavillon résidentiel américain, avec ses riverains bien propre sur eux en apparence mais qui préfèrent sans doute éviter de se faire cuisiner sur leurs activités externes à la soirée barbecue du week end. En calquant ses foulées sur la joggeuse du coin, le tour du propriétaire est assuré en 30secondes mallette en main, et n'y voyez pas là une performance athlétique de l'agent 47, seulement les limites de level design d'un niveau extrêmement plat qui nous rappelle au bon souvenir de cette mission au Colorado. Pas besoin de se déguiser un agent immobilier pour comprendre que les différentes maisons pénétrables ne sont qu'une répétition peu subtile de la même architecture. Il y a des fois où sortir les armes est la meilleure solution : deux tirs de sniper chirurgicaux et une mission bouclée en 5min, à une époque ce genre d'exploits était récompensé par une médaille, Clint Eastwood appréciera.



Sgáil island, North Antarctica : Requiem



Une fin champagne pour une mission de tous les excès. Exubérance d'un scénario sans grand intérêt tout d'abord, qui prend peut-être un peu trop d’ampleur sur les objectifs (escorter une cible jusqu’à la sortie en traversant toute la map on a vu plus palpitant). Abondance de défis au doux parfum de remplissage ensuite (sérieusement, qui s’amuse à neutraliser tous les PNJ pour jeter 50 corps à la mer ?). Vigueur du level design qui se laisse allez à des petits plaisirs de verticalité également (Avec la souplesse habituelle de 47). Mais surtout opulence d’une direction artistique qui ne fait quand même pas grand-chose pour être critiqué. A noter l’hommage poignant à Blood Money en sortie de cercueil, note finale idéale pour se dire qu’au final Hitman n’a pas beaucoup changé.

LeMalin
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Les meilleurs jeux vidéo de 2018

Créée

le 17 avr. 2019

Critique lue 731 fois

9 j'aime

LeMalin

Écrit par

Critique lue 731 fois

9

D'autres avis sur Hitman 2

Hitman 2
LeMalin
7

Catch Me if You Can

Tenter de résumer l'essence d'Hitman est une mission périlleuse. La première erreur serait d'en attendre un jeu d'infiltration classique où traverser la map en position du canard suffit à la...

le 17 avr. 2019

9 j'aime

Hitman 2
Maxime_Pointud
8

Oter une vie.

Tuer fait parti du jeu. Je dirais même que "tuer" fait parti de tout les jeux.Et ça, personne ne s'en plaint, moi y compris, car on est tous pareil. On veut tuer plus, tuer mieux, tuer vite, tuer...

le 31 déc. 2018

7 j'aime

Hitman 2
LinkRoi
8

M.NET est de retour !

Parlons de Hitman 2 ! J'avais beaucoup aimé Absolution dans l'absolue même si l'idée même derrière cet opus s'éloignait des anciens jeux. Je n'ai jamais fait les anciens (que je ferai très...

le 14 déc. 2019

6 j'aime

Du même critique

The Last of Us Part II
LeMalin
9

No country for Young Girls

C'était un après-midi humide à Seattle. Une virée en centre-ville, loin de la journée shopping habituelle. Dans les boutiques : reliques d'une vie lointaine, bricoles à amasser, silences de...

le 4 août 2020

56 j'aime

1

Hades
LeMalin
8

Hell Ain't a Bad Place to Be

On dit que la distance du Tartare jusqu’à la terre est égale à celle qui sépare les cieux de la surface. Au tréfonds de l'enfer, la lumière du jour n'a jamais existé. Coincés entre la lave brûlante...

le 30 sept. 2019

53 j'aime

Dead Cells
LeMalin
8

Le roi est mort, vive le roi

Dans l’échelle sociale de l’île, il y a les rats et les chiens et, juste en dessous, les prisonniers. Une épée mal aiguisée, une planche de bois pour bouclier, c’est avec un équipement rudimentaire...

le 27 août 2018

38 j'aime

6