Après le prodigieux Hollow Knight sorti en 2017, la Team Cherry annonce une suite. Cette dernière n’a cessé d’être repoussée au point de devenir une légende. Soudain, c’est officiel : le jeu sort dans deux semaines, au modeste prix de 20 €. Les attentes sont grandes, le studio a la pression. Le jeu est-il à la hauteur de son aîné ?
On retrouve de nombreux codes connus dans Hollow Knight. Le gameplay est proche, mais présente plusieurs différences. Premièrement, la ridicule portée de l’aiguille d’Hornet est compensée par la possibilité de grimper depuis le rebord d’une plateforme. Autre ajout jouissif, c’est la possibilité de parer une attaque ennemie. Si celui-ci donne un coup, il est possible pour le joueur d’attaquer en même temps, de parer et ainsi de ne pas prendre de dégâts. Une fois maitrisés sur certains patterns, les combats prennent une autre tournure. Malheureusement, les hitbox semblent parfois punitives et injustes.
Le système d’emblème est changé pour restreindre le joueur avec des gadgets limités par catégorie. Chaque emblème offre un gameplay différent (défensif, offensif, à distance…) et propose des espaces pour placer un nombre limité de bonus par couleur. Qui dit metroidvania implique l'amélioration de la palette de mouvements. Si le jeu peut paraitre avar et peu original, je dois admettre qu’après 60h de jeu, je me suis rendu compte que je me servais de toutes les actions et qu’elles rendaient Hornet nerveuse et dynamique. Il reste radin sur les améliorations de statistiques. Même en fouillant, on peine à gagner de nouveaux points de vie et à augmenter notre bobine. Parlons de cette dernière. À l’instar de la jauge d’âme de HK, chaque coup donné à un ennemi fait augmenter notre jauge de soie sur notre bobine. À partir d’une certaine quantité, on peut l’utiliser pour une action, notamment se soigner. J'admets n'avoir jamais utilisé les autres actions qui demandent un cout en soie, car il me semble que le soin est beaucoup trop important, au vu de l'exigence du jeu.
Le level design est toujours riche, très vertical et accompagne le gameplay nerveux et dynamique. On retrouve plusieurs poncifs du jeu de plateforme, avec peu d'originalité, mais une maîtrise assurée. Cependant, durant ma partie, malgré moi, j'ai réussi à casser la map. Pour une zone, je suis entré par la sortie et j’ai découvert l’environnement dans le sens inverse. Comment sais-je ? Je réussissais à franchir une porte qui était fermée dans l’autre sens. Elle était dans la sortie. La construction du niveau allait en ce sens également. Pourtant, il m’a semblé presque inévitable de parcourir le monde dans cette direction. En cela, le jeu fait preuve d’une grosse imperfection. Pour ce qui est des environnements, ils restent classiques, mais se démarquent grandement grâce à l’esthétisme général.
En effet, sur le plan graphique, c’est un grand oui. Le jeu garde une technique similaire à Hollow Knight : de nombreuses couches de décors, en background ou au premier plan, ce qui rend le jeu très riche visuellement. La parallaxe est remarquable quand on se trouve devant les grandes natures du monde. De plus, chaque couche est riche en petits détails. Ceci contraste avec Hornet, les PNJ ou les ennemis qui ont un trait plus grossier, moins détaillé et du coup ressortent clairement. Le choix des couleurs est aussi magnifique. Sur ce point-ci, c’est formidable. Ce qui est regrettable, ce sont les quelques fois où les éléments au premier plan viennent gâcher la lisibilité des combats. Il en est de même musicalement. On reste sur le style Hollow Knight, musiques et mélodies souvent légères pour les environnements, contribuant à l’ambiance. La différence est marquée avec les boss qui ont toujours des thèmes forts, rythmés, qui en font des caisses. De nombreuses musiques valent le détour.
Pour ce qui est de la map, je trouve qu’ils ont fait quelques modifications pour la rendre plus viable, mais elle reste peu pratique. Déjà, je n’adhère pas à cette idée de la mettre à jour uniquement quand Hornet a posé son postérieur sur un banc. On finit par se perdre. Juste revenir en arrière pour rejoindre un banc est une épreuve. Dès qu’on achète la carte, elle devrait pouvoir la mettre à jour automatiquement, toute seule en direct. De plus, il manque un zoom pour pouvoir y voir. Les pictogrammes sont gros et des éléments nous échappent à cause de ce problème de dimension.
Ma plus grosse surprise réside dans la difficulté qui s’est vue augmentée par rapport au jeu précédent. Silksong est très, très, très exigeant. De plus, quand on croit arriver au maximum du jeu, il est capable de nous remettre une couche pour nous faire roter du sang. J’ai trouvé cette volonté de nuire particulièrement usante à la longue. Silksong est un long jeu (pour le genre), qui comprend au moins une trentaine d’heures pour qui veut avoir un taux de complétion correct. Vers la fin du jeu, chaque étape paraît être un mur supplémentaire qu’il nous faudra gravir pour pouvoir faire face à un mur encore plus haut. C’est trop. Je ne pense pas qu’il était nécessaire de pousser les curseurs à ce niveau. Surtout que sur la quarantaine de boss dans ce jeu, une poignée deviennent indigestes, car uniquement réfléchies pour être infectes à affronter. Pourtant, nombreux sont ceux qui cherchent à être originaux et à se démarquer. Autant dire que le plaisir de jeu s’amoindrit malgré nous. En cela, le jeu tend presque vers le souls-like.
Ainsi, tout est ici pour nuire. Les nombreux ennemis ont des patterns riches et vifs. Les pires restent les créatures volantes, imprévisibles et énervantes. Sans parler du droit qu’ils se donnent de tirer des projectiles ou de foncer sur nous alors qu’ils sont en dehors de l’écran. Certains boss sont affreusement difficiles. Par moment, la Team Cherry semble avoir trouvé être une bonne idée de faire respawn le joueur loin du boss ou après un parcours fastidieux. Cette idée était merdique dans un Dark Souls et reste pourrie ici. En parlant d’idée de merde, pourquoi les développeurs ont souhaité mettre une telle quantité de pièges à cons ? Il y a de quoi devenir fou. On en vient à se demander à quel moment ils ont trouvé que ce n’était pas assez.
L’autre grande surprise fut la narration. Si HK était simple sur ce point, Silksong fait des efforts notables. Déjà, Hornet parle. Elle s’adresse à de nombreux PNJ, crée des liens et on suit des histoires parallèles. Le jeu possède un menu de quêtes annexes, dont certaines servent à approfondir l’histoire de personnages ou du monde, quand d’autres sont inintéressantes et proposent du vide à réaliser. Tuer x fois le même mob reste toujours une idée pauvre. L’histoire, qui parait légère en début de partie, s’avère posséder plusieurs retournements de situation. On se surprend à la suivre avec enthousiasme. Le découpage en acte vient amplifier ce sentiment, sans pour autant casser le rythme, car ces parties sont presque évidentes. J’ajoute également l’élégante narration par le décor dont fait preuve le jeu, tout n’est pas explicite et on devient attentifs aux détails qui nous entourent.
Bref, Hollow Knight: Silksong est un jeu qui peut rendre addictif et stimuler les personnes qui aiment l’exploration et les gameplay nerveux. Cependant, il ne s’adresse pas au même public. Il y a une véritable volonté de nuire auprès du joueur, et on a souvent l’impression d’être puni de vivre. Il arrive à surpasser le premier jeu sur quelques points, mais ne l’égalise pas sur d’autres. On est loin de la déception ou du jeu raté, il est juste un chouïa en dessous du premier. Peut-être que le genre metroidvania-action commence à tourner en rond et qu’il faut se renouveler. Depuis Hollow Knight, peu sont les jeux qui peuvent se targuer d’être novateurs. Ça reste une prouesse remarquable de la part des développeurs de proposer deux jeux aussi excellents dans un même genre. L’attente valait le coup. On a hâte de voir la suite et de découvrir ce dont ils sont encore capables.