La forme au détriment du fond

J'ai toujours été majoritairement un joueur console. Pas par choix réel cependant : je n'ai jamais eu la somme nécessaire à l'achat d'un bon PC, et ai ainsi toujours trouvé dans les consoles une alternative viable, moins coûteuse sur le court-terme et me permettant de favoriser d'autres hobbys tout en squattant le gros PC de furieux de mon colloc à moindres frais. Pour autant, je dois bien admettre que, pour un joueur passionné et chevronné, ces plateformes présentent peu d'avantages face à ceux proposés par le jeu sur PC : qu'il s'agisse des possibilités techniques, du catalogue de jeux, des genres accessibles ou encore des communautés de joueur, les consoles tiennent difficilement la comparaison, un fait que les éditeurs ont bien compris. Les études de marché montrent que les acheteurs de console sont pour la plupart des joueurs occasionnels (les fameux "casuals", un terme malheureusement devenu péjoratif), des joueurs qui se foutent bien des considérations élitistes des "hard-core gamers" et qui veulent simplement, une fois la galette insérée dans leur machine après une vilaine journée de boulot, en prendre plein les mirettes pendant une heure ou deux. J'ai conscience que ce constat est simpliste voir affreusement lacunaire, mais il explique bien à mon sens la nature des exclusivités proposées sur console. La nature de ce Horizon : Zero Dawn, donc !

Il convient d'abord de consacrer le travail incroyable de Guerilla Games concernant la direction artistique du jeu et ses prouesses techniques. C'est beau, c'est très très beau, ce qui constitue un début d'implication positive et d'immersion du joueur durant les premières minutes du jeu, un aspect renforcé par l'univers atypique du jeu (même si on comprend rapidement qu'il s'agit d'un univers SF/post-apo finalement assez convenu), un début de scénario prometteur et une héroïne attachante. C'est donc dans sa forme qu'Horizon : Zero Dawn impressionne et fonctionne principalement, un choix que je pense délibéré et qui ne peut que fonctionner sur des joueurs justement occasionnels qui ne pourront ni ne voudront pas déceler les défauts de son fond.
Pour dresser un portrait bref mais évocateur de ce dernier, il suffit de le comparer à celui de Shadow of Mordor, Mad Max, Infamous ou encore Assassin's Creed. Tous ces jeux présentent des caractéristiques très similaires en terme de game-design : d'abord un monde ouvert saturé d'objectifs principaux, secondaires et tertiaires, des camps de méchants à nettoyer donc, des missions à effectuer, des collectibles à ramasser. Sans surprise, tout cela s'avère très (trop) rapidement ennuyeux pour peu qu'on y soit habitués, ce qui est forcément le cas des joueurs console friands de titres solo qui bouffent depuis des années cette même formule usée jusqu'à la corde, à tel point qu'on ne peut plus la leur dissimuler sous quelques artifices esthétiques ou quelques rares innovations trop éparses pour être déterminantes. On retrouve **les mêmes boucles de gameplay maintes fois éprouvée**s, de l'arbre de compétence épuré qui ne donne aucun relief au leveling à l'amélioration de l'équipement (comprenez l'amélioration de la quantité de flèches ou de bombes qu'Aloy peut porter, youpi) via la chasse. On peut rapidement évoquer le gameplay global, qu'il s'agisse des phases de combat ou d'exploration, qui a le mérite d'être efficace et lisible sans pour autant être transcendant ou original. Mention spéciale pour l'inventaire et sa gestion qui constituent à mon sens le réel point négatif du jeu.

C'est donc dans son fond que Horizon : Zero Dawn me semble pêcher, dépendamment du type de joueur qui s'y essaye. Les quelques rares originalités sont noyés dans un patchwork de mécaniques vues et revues, empreintées à une pléthore de genres différents (rpg, tps) mais épurées de leurs subtilités et de leur complexité afin de ne pas effrayer les joueurs occasionnels. Ainsi, on ne peut absolument pas dire de ce titre qu'il est mauvais, ce serait de la mauvaise foi et un grave manque d'objectivité. Il ne correspond tout simplement pas aux joueurs confirmés, forts d'un savoir vidéoludique hérité de leurs nombreuses heures de jeux.