Entre l’héritage de Crash et la portée d’une nouvelle licence

Après avoir brillé sur Playstation 1 avec l’immense succès commercial de Crash Bandicoot, c’est avec une nouvelle licence que Naughty Dog, en la personne de Jason Rubin qui avait déjà dirigé les 4 Crash du studio sur PS1, relève le défi de la Playstation 2 et cela très tôt dans sa durée de vie, comme il en avait été le cas sur 32 bits. Jak & Daxter débarquent ainsi avec ce premier épisode qui se doit donc d’être à la hauteur de son héritage, et pas seulement celui de ses précurseurs. La critique étant longue, que je vous propose d’écouter le thème Mountain Pass pendant la lecture.



RÉALISATION / ESTHÉTISME : 7 / 10



Puisque Jak & Daxter est un jeu de début de vie de sa console, en 2001, il ne faut pas évidemment s’attendre à un miracle mais Naughty Dog s’en est tout de même très bien sorti dans l’ensemble sur le plan visuel avec un niveau de détails très satisfaisant la plupart du temps, des couleurs éclatantes un peu partout, une distance d’affichage très élevée... Ça faisait sans doute partie des titres les plus impressionnants de la console a ses débuts qui en avaient bien besoin, pas tant sur plan commercial que sur le plan purement technique, histoire de réellement montrer qu’elle avait dans le ventre plutôt que de seulement s’en vanter.


Les animations de Jak et de Daxter sont très détaillées comme le jeu aime nous le rappeler fréquemment et c’est un détail assez appréciable vu le temps passé à voir nos deux amis à l’écran. Le chara-design un peu rebelle de Jak, longs cheveux verts fluo vers l’arrière, montre bien une envie de viser un peu plus mature, si on peut dire, que le design de Crash simplement loufoque, mais j’avoue préférer le design qu’il aura par la suite dans les épisodes 2 et 3 où ils assumeront encore un peu plus ce parti pris alors qu’ici il fait encore un peu gamin en pleine crise d’ado.


Par contre, l’aspect loufoque dans le design est toujours présent mais ailleurs, avec Daxter d’une part, une beloutre qui aurait sans problème fait une mascotte lambda à l’époque des jeux de plates-formes 16 bits qui pullulaient, mais aussi avec Samos qui a pris l’expression vieille branche un peu trop au sérieux par exemple (toutes mes excuses pour ce jeu de mot foireux). C’est un peu enfantin bien sûr mais je trouve que ça contribue à l’ambiance du jeu sans jamais aller trop loin dans le grand n’importe quoi.


La diversité environnementale attendue d’un jeu de plate-forme 3D de l’époque est au rendez-vous avec de la neige, une jungle, une plage, un volcan... tout y passe mais ce qui est très intéressant surtout c’est que tout ça se fait en continu sans temps de chargement et même avec un cycle jour / nuit permanent. Si ce dernier avait eu une vraie incidence sur le jeu ça aurait été encore mieux bien sûr mais en l’état c’est déjà un petit tour de force que de proposer tous ces environnements dans un monde ouvert qui évolue avec le temps.


Bon tout ça c’est bien joli mais c’est loin d’être parfait évidemment, les cinématiques réalisées avec le moteur de jeu se font sans grande mise en scène, on a des problèmes occasionnels de clipping d’orbes de précurseurs ou d’ennemis et c’est assez gênant quand ça arrive… des problèmes absolument pas résolus dans la version soi-disant HD bien évidemment. Réalisation comme esthétisme ne constituent pas l’intérêt majeur du jeu mais restent tout de même pas mal du tout, surtout remis dans le contexte de début de vie de la machine.



GAMEPLAY / CONTENU : 7 / 10



Le maniement de base reprend celui de Crash sans non plus le reprendre tel quel, on retrouve une attaque tourbillon mais qui change différemment l’inertie en l’air, un saut différent après une roulade au lieu d’une glissage, une attaque poing vers le sol en saut au lieu de l’écrasement... Globalement Jak a son propre maniement, il a juste ses bases extraites de Crash en toute logique. C’est pareil pour des idées de gameplay qui sont reprises ici ou là comme un niveau plongé dans l’obscurité qu’on parcourt en allumant des lumières en frappant comme de par hasard des cristaux et des gemmes (qu’on ramassait dans Crash).


Les échos de différentes couleurs apportent des variations de gameplay qu’il faut savoir parfois combiner, par exemple une caisse ne peut être dégommée qu’avec l’écho rouge mais cela libère une orbe qui ne peut être récupérée qu’avec l’écho bleu qui attire les consommables vers Jak. C’est intéressant dans l’idée mais un peu sous-exploité dans la pratique, il n’y a qu’à voir le boss final qui reprend le principe pour au final ne pas être si riche en possibilités qu’on aurait pu l’espérer.


Quelques phases de jeu originales avec mini-jeux, passages en véhicule ou en monture... sont déjà plus réussies et abouties pour faire varier les situations de jeu même si Jak & Daxter 1 reste encore très axé sur la plate-forme pour cet épisode. Plus généralement, on sent une maîtrise du game-design issu de l’expérience des développeurs avec plein de petites mécaniques de jeu qu’on comprend par soi-même grâce à la manière dont le jeu les suppose dès leur apparition pour ensuite les réinvestir en temps voulu sans être bloqué parce qu’on ne les avait pas saisi.


Il y a quand même des défauts qui montre que la maîtrise n’est pas total car si l’environnement est vaste à explorer sans temps de chargement, il y a quelques petits soucis de caméra pour cette première de Naughty Dog à autant ouvrir son espace de jeu, eux qui étaient très adeptes du linéaire et des petites zones jusque là. C’était pour eux un terrain familier qu’ils ont dû quitter pour faire plus next-gen tout en se distinguant des Crash à mon avis. De la même manière, le monde ouvert en soit est très appréciable mais les zones sont plus reliées au hub qu’entre elles et souvent il y a un seul point d’entrée / sortie.


Ça sous-exploite énormément ce que peut apporter ce genre de level-design comme le montrera Metroid Prime un an plus tard chez Nintendo. En même temps, c’est pas l’ambition du jeu et ça reste ambitieux vu ce à quoi était habitué le studio avant ça. Un autre point qui distingue Jak du marsupial c’est aussi la difficulté très largement adoucie : les collectibles ne sont plus à ramasser de nouveau quand on meurt et qu’on retente, il y a des checkpoints très souvent... Il reste des pics de difficulté bien sentis et facultatifs pour ceux qui en veulent mais je pense que la fin, la dernière zone de jeu, aurait dû être plus longue et plus complexe, l’ouverture au grand public est peut-être un peu trop large. Le gameplay marche pas trop mal et le contenu est dans les standards de l’époque mais il y avait encore mieux et encore plus à faire.



SCENARIO / HUMOUR : 6 / 10



Dès l’intro, le ton est donné avec le vieux sage qui débite un discours prophétique très sérieux qui entre de suite en conflit avec un héros rebelle qui s’en fout complètement. On a une histoire qui pourrait être très sérieuse en soit mais qui est vécue par des héros qui prennent ça à la légère, ça permet de cacher le fait qu’elle est très simpliste et pas très intéressante bien sûr. C’est un parti pris qui se défend tout à fait dans l’idée, surtout pour un genre de jeu pas bien réputé pour ses scénarios il faut bien le dire, mais il faut que l’humour suive, ce qui n’est pas toujours le cas pour être honnête.


Il y a beaucoup d’éléments burlesques en demi-teinte, pas de mauvais goût ou complètement ratés entendons-nous bien, mais c’est pas très bien écrit non plus. Ça vaut surtout pour les PNJ très secondaires qui confie des petites quêtes annexes souvent très brèves, sans le moindre intérêt scénaristique la plupart du temps, avec pour récompense dans le meilleur des cas un petit gag qui peut prêter à sourire avec un peu de chance. Ce n’est pas un RPG bien sûr mais ça aurait pu être soigné plus que ça je pense.


Par contre, la VF s’en sort plutôt bien pour les personnages principaux avec par exemple Marc Alfos, le doubleur attiré de Russel Crowe pour Samos, ou Sophie Arthuys, la doubleuse attitrée de Jennifer Love Lewitt, pour Keira. Par contre, Jak est pour le moment frappé de mutisme, ce qui est un peu dommage, je trouve que ça lui enlève du caractère et de la présence en tant que protagoniste, à moins que l’on soit de l’avis de Daxter qui affirme que c’est lui le véritable héros bien sûr.


Si ce n’est pas lui le protagoniste, en tout cas c’est lui qui frappe le plus avec ses nombreux traits d’humour et sa façon de briser quelques peu le quatrième mur. À ce sujet, je trouve quand même qu’un a une équipe assez attachante avec Daxter le comique de service, Keira l’intello séduisante, Samos le vieux râleur... ça participe à l’ambiance du titre et c’est un petit plaisir de simplement les retrouver dans leurs prochaines aventures donc c’est la preuve que c’est tout à fait correct et même sans avoir d’enjeux scénaristiques d’envergure c’est un petit plus.


Instaurer une nouvelle franchise efficacement, ça demande entre autres de créer et de présenter des personnages qu’on a su identifier, qu’on a envie de retrouver plus tard.... et là c’est un peu le cas même si on est d’accord que ça ne vole pas bien haut et que ça n’essaye pas d’y parvenir. Néanmoins, on est très loin du casting et de la richesse des opus suivants, après si on y accorde aucune importance parce que c’est un jeu de plate-forme ce n’est pas un soucis mais je trouve que c’est là que le jeu est le moins convaincant.



CONCLUSION : 7 / 10



Pour un jeu du début de la Playstation 2, Jak & Daxter 1 The Precursor Legacy est très plaisant à jouer, présente des aspects next-gen impressionnants, pose un petit univers sympathique mais par manque de contenu, de qualité d’écriture, de challenge... ce n’est pas un incontournable de la console, simplement un de ses titres sympathiques qu’on parcourt et reparcourt avec plaisir comme Naughty Dogs en est souvent capable.

damon8671
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le 4 mai 2018

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