Vous pourriez me dire que cinq ans après la sortie du jeu - et trois ans après celle de sa suite - la présente critique arrive un peu tard. Et vous auriez raison. Mais pour ma défense, quand l’envie me prend de jouer à un nouveau jeu sans idée précise en tête, je fais d’abord un tour dans ma bibliothèque. C’est une façon assez simple pour moi d’éviter les achats compulsifs, en plus de redonner un peu d’amour à d’anciens titres ayant eu le temps de m(o)ûrir. Résultat, alors que mes pulsions de gestionnaire commençaient à revenir, j’ai jeté mon dévolu sur ce « vieux » Jurassic World Evolution. Mes souvenirs étaient plutôt flous, tout juste me rappelais-je avoir terminé la campagne, ce serait donc une bonne redécouverte.


Il faut dire que sur le papier, le jeu a tout pour me séduire : des dinosaures (tout le monde aime les dinosaures !*), un parc d’attractions (tout le monde aime les parcs d’attractions !*) et une place en or de directeur (tout le monde aime les direc… Ah non.*). Le tout dans l’univers d’un des meilleurs films au monde, Jurassic Park. Oui, je sais, c’est marqué « World » dans le titre, mais on ne va pas commencer à chipoter. L’équipe derrière le projet se trouve être Frontier, connue notamment pour ses Planet Coaster et Planet Zoo, deux bons jeux de gestion dans la même lignée. Franchement que demander de plus ? J’allais enfin pouvoir montrer à John Hammond que j’étais plus intelligent que lui en plaçant les toilettes à côté du restaurant plutôt qu’en face de l’enclos du T-Rex !


Et mine de rien, le jeu envoie du lourd dès le début. Niveau musique, on a droit à la bande originale du film, parfaite pour nous mettre dans l’ambiance, et on est rapidement accueilli par un Ian Malcolm et sa doublure voix officielle. Je peux reprocher beaucoup de choses à ce jeu (on va y venir), mais on sent que les moyens ont été mis sur cet aspect : que ce soit pour les têtes connues ou les nouveaux venus, le doublage français est au top.


Autre point fort, difficile de faire la fine bouche sur les graphismes ; il y a un vrai souci du détail, que ce soit sur les bâtiments, les dinosaures ou la végétation. Les effets de météo sont impressionnants, avec les arbres qui se couchent sous l’effet du vent, la pluie qui mouille le pavé et autres réjouissances liées aux typhons. Les dinosaures sont magnifiques, d’autant plus qu’il est possible de les « customiser » et c’est un véritable plaisir que de les voir déambuler dans leur enclos et s’organiser en troupeaux. Le jeu est d’ailleurs conscient de son potentiel à ce niveau-là puisqu’il incorpore le mode photo au gameplay à travers les équipes de gardes du parc (J’adore vendre des photos de dino plus chères que le salaire des bonshommes à l’intérieur de ma jeep).


En termes de sensations, je dois admettre que j’ai une vision assez « classique » d’un jeu de gestion ; en théorie je suis là pour équilibrer les besoins, jongler avec les ressources, et si tout se passe bien, créer quelque chose de joli avec mes briques de Lego, le tout dans une ambiance plutôt chill. Si le côté « besoin » de ce Jurassic World est sympathique - il faut en gros créer des enclos adaptés à chaque espèce en plus de les rendre attractifs aux yeux du public - j’ai eu un gros problème avec toute la micro gestion que cela implique. Il faut sans cesse chercher de nouveaux fossiles, passer à la prochaine recherche, commander la bouffe pour les carnivores, envoyer une équipe médicale, activer l’alarme météo… Oh ! Du calme ! Je n’ai pas signé pour jouer à StarCraft, doucement avec les APM ! Au risque de passer pour un vieux râleur, le jeu ne nous laisse jamais respirer : impossible de se poser et de s’occuper d’une tâche calmement sans se faire harceler par une alerte. Alors ok, si Jean-Paul du service marketing n’a pas de réponse à son mail dans les deux minutes ce n’est pas grave, mais quand maman vélociraptor n’est pas nourrie dans les temps, ce n’est pas la même ambiance. Je peux comprendre ce côté « manuel » au début du parc, mais le minimum aurait été de me fournir la possibilité d’automatiser certaines tâches, que ce soit par le biais d’améliorations ou de recherches. Je ne pense pas qu’il aurait été déconnant de pouvoir mettre les recherches « en queue », de pouvoir faire un planning pour les équipes de terrain ou que ce put*** de bunker s’ouvre de façon automatique sans avoir besoin de mon approbation (heureusement pour les touristes que je travaille 24/7).


Je citais le service marketing un peu plus haut, mais ce dernier n’est pas venu tout seul. Afin de dynamiser un peu les rentrées d’argent du parc, trois gugus vont chercher à se partager notre attention contre rémunération. Sur le papier l’idée est plutôt bonne : on est régulièrement amené à entreprendre de petits objectifs spécifiques, en plus de valoriser le travail d’équipe avec nos conseillers. Dans la pratique, je me suis demandé comment on avait pu recruter ces énergumènes : autant je comprends la demande de Monsieur sécurité quand il souhaite un meilleur taux de couverture de protection de l’ile, autant je pense avoir un motif de licenciement quand il me demande d’ouvrir la cage du T-Rex pour « entraîner les gardes à réagir face à une situation d’urgence ». Bref, plus on avance et plus les demandes deviennent psychédéliques, avec pour seul but de foutre le bordel dans notre parc.


C’est difficile d’expliquer mon ressenti quant au prochain point, mais j’ai trouvé le jeu particulièrement pauvre en terme de créativité laissée au joueur. Les îles sont affreusement petites (ok c’est lore friendly) et les bâtiments tellement énormes que l’on bataille pour placer le moindre restaurant. Les outils de routes ou d’alignements sont d’une telle rigidité que j’ai rapidement abandonné tout espoir de faire de belles choses. On se contente donc d’aller au plus simple afin de combler les attentes des clients et tant pis si c’est moche. D’ailleurs petit aparté mais quelqu’un peut m’expliquer pourquoi je dois mettre un bowling sur mon île ? Je viens d’ouvrir l’enclos des dilophosaures, ce n’était pas suffisant comme animation ?


En fait après quelques heures en mode bac à sable, j’ai eu le déclic. On remplie tellement vite son île rikiki et il y a tellement peu de décorations possibles que les gars de chez Frontier ont du tiquer eux-aussi. Il faut bien l’occuper le joueur, sinon il va s’ennuyer ! Alors vas-y que je te demande de mettre le carnosaure avec le tricératops pour voir ce qui se passe, que je te coupe l’électricité toutes les deux heures et que des saboteurs pillent ton laboratoire à ADN. Forcément qu’on n’automatise pas l’hélico ou la jeep, voir même qu’on te pousse à piloter puis tirer au fusil par toi-même puisqu’il n’y a rien d’autre à faire. Ce jeu de gestion n’en est pas un, tellement bourré d’actions et de combats qu’il en devient ridicule. Les manipulations d’ADN, qui ouvrent pourtant tellement de possibilité dans cet univers, ne sont encore une fois présentes que pour jouer au kéké, en rajoutant des dents et une peau plus épaisse aux bestioles. Ce jeu Jurassic World est à l’image du film ; il exploite la licence et la nostalgie des fans sans comprendre ce qui fait son âme. Finalement, non, ce n’est pas du chipotage : c’est bien un jeu « World » et non un jeu « Park ».


Évidemment que cet opus a surfé sur la sortie des films en parallèle pour vendre un maximum de copies au prix fort. Et parce que visiblement le gain n’était pas encore assez important, on a eu droit à une toooonne de DLC pour rajouter du « contenu » ; skin Jurassic Park pour les voitures, nouveaux dinos de Jurassic Park, reprise du parc de Jurassic Park… Vous la sentez l’arnaque ? Honnêtement de la part d’Universal ça ne me choque plus, mais quand je vois le travail fourni sur leurs autres titres, impossible pour moi de ne pas me sentir floué par Frontier. J’ai comme l’impression que quelqu’un s’est contenté de faire le strict minimum, quitte à garder les bonnes idées (et l'argent ?) pour un certain Planet Zoo


Le Jurasiqote Park ferme ses portes

* Sondage d’opinion effectué auprès de 3 personnes, ma copine, mon chat et moi-même.

Yumiqote
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le 25 janv. 2024

Critique lue 7 fois

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