J'avoue qu'à la lecture des tests déjà abondants qui critiquent la nouvelle direction prise par ce King's Bounty II, en grand fan de la quadrilogie de Katauri, je m'attendais à regretter comme jamais ma précommande. Au final, j'ai passé trente belles heures avec cette espèce de "suite/reboot", et, si j'avais un gros reproche à formuler au jeu, ce serait surtout qu'il ne dure "que" trente heures, pour un jeu à ce positionnement tarifaire. Car pour l'essentiel, en gros pré-boomer ayant grandi avec les Heroes of Might and Magic, j'ai trouvé que ce King's Bounty II assurait largement.


Mais l'essentiel, c'est quoi ? Avec plein de mots compliqués : du fantasy turn-based tactical RPG. En plus simple : Heroes of M&M, sauf qu'on contrôle un seul héros. On choisit sa classe parmi trois, zéro option de personnalisation, on n'est pas là pour faire plaisir au cahier des charges du AAA sans personnalité de 2021 mais plutôt pour plaire à un certain public nostalgique, pour lequel la possibilité de changer sa couleur de cheveux n'est pas forcément un gage de qualité. Et de qualités, King's Bounty II en regorge, à commencer par son gameplay parfaitement digéré, qui reprend presque à l'identique la recette Katauri. Si vous hésitez à franchir le pas et que vous avez aimé Legends, Armored Princess & cie, j'aurais tendance à vous recommander d'y aller les yeux fermés. Le jeu est aussi très mignon, coloré, engageant, visuellement à mi-chemin entre du King's Bounty canonique et un Fable. Pour le RTX et l'utilisation des dernières technologies de l'Unreal Engine, il faudra repasser, mais si la simple vue d'un bosquet verdoyant, d'une rivière qui serpente entre des tours en ruine ou d'un château aux murs blanc immaculé suffisent à vous émouvoir, il y a des chances que King's Bounty II vous embarque sans peine dans son univers.


Le jeu se divise en deux parties qui alternent perpétuellement. L'une où l'on explore, en vue à la troisième personne (pensez The Witcher ou, dans un registre plus proche, Fable), un petit monde ouvert bien dense, rempli de personnages avec qui bavarder, de marchands, de donneurs de quête, de papillons et de monstres. Ces derniers sont entourés d'un grand cercle jaune qui vous détaille quand vous pénétrez à l'intérieur les forces en présence, avant de vous offrir (et jamais de vous imposer) de démarrer le combat. Cela nous propulse dans l'autre partie du jeu, son versant "combat tactique", qui, sans doute injustement, a fait couler beaucoup d'encre. Son système au tour-par-tour, sur une grille hexagonale, fait certes le pari un peu hasardeux d'une simplification visuelle, mais sans pour autant sacrifier à la profondeur tactique des jeux de Katauri. Il faut reconnaître le gros défaut de cette "consolisation" de la licence : alors qu'on aime, dans ce genre de jeux, être renseigné au survol de la souris sur les effets, buffs, débuffs... qui, on le pensait, resteraient pour toujours la base sur PC, les développeurs ont fait le choix peu pertinent de masquer la plupart des informations, sans doute pour "nettoyer" la vue de chiffres en tous genres sans pour autant s'emmerder à développer une vraie version PC. Résultat, quand le bon sens commun de la préhistoire à nos jours consistait à utiliser le survol de la souris pour afficher un statut, King's Bounty II nous demande de changer d'écran pour accéder à la même info. On peut espérer que la personne responsable de cette décision a depuis été jetées aux lions, mais il n'en reste pas moins que sur le papier, le jeu n'est pas moins riche que ses prédécesseurs : on y retrouve les différents alignements que proposent des embranchements de quête (qui influent sur le gameplay et non sur l'histoire, un bon point), les points d'expérience par type de créature, le tétrazillion de sorts si on est mage et l'excellente variété de créatures pour toutes les classes.


King's Bounty II, certes, est plutôt facile. Un peu comme Legends ou Crossworlds, finalement. Son équilibre, il le trouve surtout entre exploration et combat, dans l'alternance agréable entre le fait de se balader pour cueillir des quêtes, récupérer des bonus, customiser sa petite armée et vendre ses babioles. Le jeu propose un rythme maîtrisé, où l'on s'attache autant à combattre qu'à bichonner son armée, à choisir l'ordre dans lequel on explore les zones de la carte, jusqu'à retrouver ce petit côté "puzzle" dans lequel on s'amuse à déterminer dans quel ordre on va vaincre les différents monstres qui y pullulent. Le passage à l'exploration en "3D complète" est réussi. L'univers et les quêtes, évidemment, sont naïfs, mais soutenus par une écriture correcte qui nous donne envie de nous laisser porter tranquillement sans jamais se perdre dans la multiplicité des enjeux. Il n'est pas rare d'avoir plus de 3 quêtes principales et 12 quêtes secondaires actives en même temps, sans qu'on ne se sente perdu ou découragé, ni même qu'on ait l'impression d'un remplissage inutile. Surtout, à condition d'être de la vieille école, King's Bounty II est même un jeu très charmant, avec une campagne champêtre qui offre de jolis panoramas et une direction artistique efficace.


J'ai beau chercher à faire de vrais reproches au jeu, je réalise que la plupart d'entre eux auraient pu aussi bien s'appliquer aussi aux jeux de Katauri, sur lesquels j'ai toujours pris un immense plaisir : c'est tactique mais pas trop, beau mais pas tout le temps, bien fini mais pas toujours, etc. Bref, c'est du "double A", qui demande par nature d'être tolérant et ouvert aux imperfections de forme. Le constat est même finalement bien moins alarmant que prévu sur les finitions, avec notamment une localisation française de bonne qualité et assez peu de bugs. En-dehors de choix de design en combat un peu idiots mais auxquels on finit par s'habituer (la consolisation de l'interface avec la disparition des traditionnelles infobulles au survol de la souris, donc), King's Bounty II est maîtrisé et sait plutôt très bien comment satisfaire le public, assez spécifique, auquel il s'adresse. En y allant à son rythme, on peut être sincèrement entraîné par la nouvelle dimension du mode exploration, avec une construction du monde plutôt honorable ; avec, aussi, des twists de level design assez intéressants qui se traduisent par des choix de progression, à court terme, non linéaires (un petit exploit, mine de rien). Et puis, quoi de plus adorable que de balader son petit chevalier en armure dans la caverne du dragon, les marais des morts-vivants ou le Fourré Frauduleux (véridique) ?


J'ai, à vrai dire, passé les vingt premières heures de jeu à me dire qu'un tel amour de Tactical-RPG méritait bien un 8 réhabilitatoire, même si généreux. Et alors, la fin est survenue : même pas 30 heures au compteur, quêtes secondaires expurgées, personnage maxé, carte ratiboisée dans ses moindres recoins, l'odieux générique de fin est arrivé. Pour un RPG. A 60 balles. Avec celui-ci, la réalisation que la plupart de mon temps de jeu avait été passé à marcher. Lentement. A petits pas. A regretter le manque de points de téléportation, la vitesse arthritique du cheval. Et je me suis demandé : si, comme je l'aurais voulu, la vitesse des déplacements avait été au moins multipliée par 1,5, est-ce que j'aurais plié le jeu en 20 heures ? Sans doute. Là, quelque part, il faut admettre que les développeurs ont merdé. Ou est-ce l'éditeur, qui a marketé son jeu comme une expérience beaucoup plus complète qu'un The Legend ou un Armored Princess, sauf qu'au final, la partie n'est pas plus longue. C'est regrettable, même si, encore une fois, tout amateur du genre ferait bien de jeter un oeil sur ce King's Bounty II. Ou plutôt, en l'occurrence, de le couver amoureusement du regard en attendant les soldes.

boulingrin87
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le 30 août 2021

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Seb C.

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