L’année dernière, je vous proposais une courte rétrospective sur Mario Kart et plus particulièrement Mario Kart 8 (version WiiU et Deluxe), un épisode qui s’est imposé sans véritable successeur pendant plus de dix ans. Initialement sorti sur Wii U, les faibles ventes de la console ont incité Nintendo à le ressortir sur Switch en incluant tous les dlcs sortis jusqu’à présent, puis quelques années plus tard, ajoutant de nouvelles vagues de contenus payants, transformant ce qui était à la base un portage en Mario Kart de la Switch dans l’esprit des joueurs.
Pour une version mieux mise en page, ou une version vidéo, c'est par ici :
https://truffemax.wordpress.com/2025/07/26/mariokartworld/
Avec son gameplay accessible à tous et pourtant technique dans l’apprentissage des circuits, et les ajouts progressifs (que ce soit des personnages comme des pistes), Mario Kart 8 Deluxe est devenu petit à petit une sorte de Mario Kart Ultimate (à la manière du dernier Smash Bros) qu’il n’avait pourtant jamais prétendu être. Devenu un véritable incontournable, et peut-être le meilleur épisode (ne serait-ce qu’avec la présence d’énormément de circuits des précédents), Deluxe questionnait également sur l’avenir de la saga. Comment créer un nouvel épisode qui ne souffrirait pas de la comparaison avec celui-ci ? Un simple Mario Kart amenant 8 nouvelles coupes sur le même modèle n’aurait pas justifié de passer à la caisse, encore moins quand l’achat en question s’accompagne d’une nouvelle console. Pourtant, les ventes et précommandes de la Nintendo Switch 2 l’ont prouvé, Mario Kart est une licence porteuse, un system seller potentiellement plus important même qu’un nouveau Mario ou Zelda 3D. Difficile d’estimer à quel point cependant, étant donné que l’équation comprend aussi un état d’esprit d’achat très différent par rapport à 2017 et la Switch 1. Depuis, les pénuries sur plus d’un an de la PS5 et Xbox Series X ont envoyé un très mauvais message aux consommateurs qui se sont peut-être rués sur la nouvelle console de Nintendo, de peur qu’elle soit en rupture de stock. Toujours est-il que quitte à acheter la Switch 2, autant prendre le nouveau Mario Kart avec, d’autant plus que sa communication a été particulièrement maligne.
Mario Kart 8.5 ?
En un revers de main, Nintendo a balayé les craintes concernant l’effet « redite » d’un nouvel épisode. A travers sa première bande-annonce, Mario Kart World montre l’inauguration d’un monde ouvert qui en plus d’offrir des perspectives de balades paisibles, seul ou entre amis (ou entre ennemis, vous faites ce que vous voulez), a également un impact sur la structure des championnats classiques dans lesquels le chemin entre les circuits compte aussi dans la course. On y découvrait aussi un nouveau mode survie, déjà vu dans plein de jeux de courses mais inédit pour Mario Kart, qui s’apparente à un battle royal de course dans lequel les derniers joueurs sont éliminés à chaque passage de checkpoints. Plutôt que de montrer véritablement des nouveaux circuits, la communication a mis l’accent sur le renouvellement. Un pari qui semble finalement évident : ne pas chercher à égaler Mario Kart 8 Deluxe, mais proposer une nouvelle approche. Un objectif atteint…à moitié.
Dès la première prise en main, Mario Kart World passe pour un imposteur. Si le renouvellement des modes de jeu reste à voir, le gameplay du 8 semble inchangé. La physique des véhicules est quasiment identique, les dérapages s’effectuent avec le même timing qu’auparavant, les figures en plein sauts qui offrent un boost à l’atterrissage sont toujours présentes, on récupère toujours des pièces pour augmenter la vitesse maximale… On n’est pas dépaysé. En revanche, puisqu’on parle des pièces, le maximum à avoir au sein d’une course passe de 10 à 20. Il s’agit d’une conséquence d’une volonté de surenchère pour cet épisode, mais pas la plus impactante. La palme revient au changement de 12 conducteurs à 24 décuplant l’effet chaotique des courses quand on se retrouve dans la mêlée. Un ajout facile, et pas forcément pertinent. Finalement, seules les prises en main des avions et des bateaux sont différentes des parapentes ou de la conduite sous-marine de MK8 mais ne constituent pas non plus le cœur du gameplay, qui globalement semble inchangé.
En réalité cependant, si la base reste la même, Mario Kart World amène des subtilités importantes qui viennent petit à petit changer notre perception des circuits. Il y a la possibilité de grinder sur des rails ou des rampes par exemple, qui offre de nouveaux raccourcis ou simplement une forme de sérénité sur leur segment étant donné qu’on y reste accroché dans la bonne direction tant qu’on ne s’en dégage pas. Ce serait mal les utiliser cependant, étant donné que si l’on cumule bien un boost comme lors d’un dérapage classique en étant dessus, le fait d’accéder à un boost en sautant sur place ou en le quittant puis en y retournant est plus rentable. De même avec le fait de pouvoir désormais rouler sur les murs. Au début, on cherche à comprendre l’intérêt en restant dessus, mais petit à petit, on comprend que c’est justement le fait de sans cesse changer de plateforme qui offre un boost à chaque changement. Le gameplay de Mario Kart World incite donc à beaucoup moins rester statique qu’auparavant et ne s’appuie plus autant sur les dérapages. Il faut profiter de chaque opportunité pour avoir un gain de vitesse, y compris en bateau où la moindre vague peut servir de tremplin pour bénéficier d’un boost.
Le sabotage
Dans l’idée, ces ajouts ou modifications sont géniales et amènent une dimension technique qui fait très plaisir en plus d’une jolie courbe de progression. On le voit déjà sur les réseaux sociaux, Mario Kart World est d’ores et déjà l’épisode le plus technique et le plus fou à travers des raccourcis dingues qui n’ont surement même pas été pensés par les développeurs, grâce au wall run et aux rails. Dans l’exécution, pourtant, le résultat est plus mitigé justement à cause des modes de jeu qui ne mettent pas assez cet aspect en valeur. Le mode championnat, classique de Mario Kart, proposant ici 8 coupes (dont une à débloquer) s’est vu modifier sa structure à cause du monde ouvert. Les coupes sont toujours découpées en quatre courses, mais seule la première est construite de façon « classique » avec plusieurs tours sur un même circuit. Les trois suivantes intègrent le monde ouvert et imposent de traverser de longs tronçons (sans laisser les joueurs se faire leur propre tracé malheureusement) avant d’arriver sur le véritable circuit qui sera donc l’équivalent d’un troisième tour (les deux premiers étant la route pour l’atteindre). Ces morceaux du monde ouvert manquent grandement d’inspiration et se révèlent être de larges segments bien souvent en ligne droite. On a beau chercher à jouer de façon technique, ces tronçons ne laissent pas vraiment de possibilités. Seuls les derniers tours de chaque course, se déroulant donc sur des circuits dignes des précédents jeux, laissent les joueurs expérimenter et demandent un minimum d’apprentissage. Après deux ou trois minutes de tracés franchement ennuyants, c’est une bouffée d’air frais d’arriver sur un segment exigeant et amusant, mais en n’y restant qu’un seul tour, c’est aussi très frustrant.
On s’y habitue malgré tout, en se consolant avec la possibilité de faire des courses versus personnalisées que l’on peut construire de façon classique à base de plusieurs tours. De plus, ces tracés linéaires permettent à Nintendo d’introduire les circuits avec une certaine forme de mise en scène parfois fascinantes. Découvrir comment le monde a été construit autour des pistes est franchement intéressant. L’arrivée progressive vers le château de Bowser est très cool par exemple, mais alors l’approche vers la route arc-en-ciel (en ligne droite…) est un des moments les plus jouissifs de toute la saga. Mais une fois la découverte passée, la frustration redevient de mise.
C’est tout de même très étonnant d’avoir une proposition aussi contradictoire entre des circuits classiques qui invitent autant au gameplay émergent et l’impossibilité de les faire de façon traditionnelle. C’est d’autant plus frustrant en ligne où la courbe de progression est habituellement visible mais pas sur les tronçons linéaires. Pour le moment, le fait de pouvoir choisir un circuit à trois tours est très aléatoire et n’arrive quasiment plus. Ça enlève pas mal d’intérêt au multijoueur axé compétitif. A l’heure où j’écris ces lignes, si les raccourcis des circuits trouvés par les joueurs sont déjà démentiels, la tactique optimale pour les tronçons linéaires est de rester en bas du classement en stockant deux excellents objets pour les utiliser dans le dernier segment et arriver sur le podium. C’est véridique. On est face à un véritable sabotage qui se retrouve être le plus gros défaut du titre, en espérant une mise à jour qui laisserait les joueurs choisir les circuits qu’ils veulent. A l’instar du premier Splatoon qui imposait deux maps qui changeait toutes les quatre heures, ou Arms qui ne débloquait son mode classé qu’à ceux ayant fini le mode solo, Mario Kart World est une nouvelle victime de la politique tyrannique de Nintendo qui refuse que les joueurs puissent s’amuser comme ils le souhaitent.
Une belle variété
C’est d’autant plus agaçant que Nintendo a, en parallèle, justement développé un mode dédié à ces tronçons linéaires. Le mode survie est inédit dans Mario Kart et demande aux joueurs de valider des checkpoints en étant de mieux en mieux classés dans une seule course. Ceux qui sont en dessous du rang demandé sont éliminés. En termes de durée c’est quasiment équivalent à un championnat de quatre courses étant donné que ce mode peut parfois atteindre une quinzaine de minutes. Une longue course pleine de tension qui nous fait traverser de longs tronçons et apercevoir les circuits classiques sans jamais nous y attarder, mais sans frustration cette fois tant la proposition se situe justement sur un challenge lié à l’endurance et bien sûr met en valeur le chaos des objets. Les premiers n’ayant pas vraiment de moyen de prendre des raccourcis ou de bien mieux jouer que les autres, le stress est constant, et le classement peut changer en un clin d’œil. Il s’agit d’un mode drôle, chaotique, et bien entendu injuste. Il représente à lui tout seul tout un aspect de Mario Kart essentiel qu’on déteste et qu’on adore à la fois, en plus d’être très accessible.
La volonté de variété de cet épisode s’illustre d’ailleurs grâce à ce mode de jeu qui amène un vent de fraîcheur à une structure bien connue. Idem pour le monde ouvert relativement anecdotique, mais agréable. Il n’a malheureusement pas grand-chose à proposer si ce n’est différents types de collectibles à chercher (comme les costumes pour les personnages, et beaucoup de stickers) ou alors à récupérer en accomplissant des petits défis : obtenir des pièces bleues, atteindre l’objectif, rouler à travers tous les checkpoints, à chaque fois dans un temps limité. C’est amusant mais ça manque d’un petit quelque chose de plus engageant. Le fait de ne pas pouvoir comparer nos temps avec nos amis, par exemple, est franchement dommage. Au rang des étrangetés de ce mode, on découvre aussi l’impossibilité de poser un marqueur sur la carte. Ça ne me dérange pas outre mesure, et ça peut inciter à plus explorer, mais à côté la mini-map qui n’indique pas les points cardinaux n’aide pas à se repérer. Impossible non plus de s’y promener à deux sur le même écran sans passer par un lobby local qui laisse constamment afficher « en attente de la prochaine course » en bas de l’écran.
Dans l’ensemble cet open world est donc une sorte de parc d’attraction mignon où l’on peut souffler entre deux courses, mais il ne propose pas grand-chose d’autre. Comme les korogus dans Breath of the Wild, ses défis sont là pour distraire mais pas pensés pour être complétés à 100%. On prend plaisir à découvrir les divers clins d’œil de ce monde, mais le fan service aurait pu être poussé plus loin. Il porte finalement bien son nom, c’est un mode « balade » et rien de plus. Vraie nouveauté, et toujours dans cet objectif de varier les plaisirs, on l’accepte tel qu’il est mais plutôt que de me plaindre de son manque d’objectif (Shadow of the Colossus en son temps n’était pas rempli de marqueur et c’est tant mieux), je regrette surtout son manque de vie.
La bonne ambiance
Alors voilà, on a couvert tous les modes de jeu, énoncé les défauts et qualités, froidement, méthodiquement. Mais Mario Kart World est tout sauf froid. Mario Kart World est festif. Conscient d’avoir été attendu plus de dix ans, ce nouvel épisode est un véritable festival de bonne humeur dans son ambiance, et c’est évidemment communicatif. On pense aux animations de sauts des personnages en course, plus amusantes que jamais, aux costumes parfois géniaux à débloquer, ou à leurs danses dans l’écran de sélection des personnages que je me suis surpris à contempler plusieurs fois pour vérifier si leurs rythmes correspondaient aux musiques (pas toujours, non). Et quelles musiques… Là aussi, Nintendo s’est donné pour objectif de nous faire constamment sautiller sur place ou chantonner en même temps que le jeu. Un tour de force encore une fois brillant, et bien que 80% des compositions ne soient que des reprises, ça pioche dans un répertoire tellement large qu’on est constamment enthousiaste en réentendant certains thèmes remixés en versions jazzy, eurodance ou de façon lente atmosphérique. Si la qualité technique ne me semble pas avoir passé un énorme gap par rapport à Mario Kart 8 Deluxe (j’ai même le sentiment que c’est exactement le même moteur), les couleurs flashy et saturés contribuent, aux côtés de cette bande son fabuleuse, à faire de ce Mario Kart World un peu plus que la somme de ses qualités ou de ses défauts. Un condensé de bonne humeur ultra communicatif.
Avec son ambiance joyeuse, et ses nouveaux modes de jeu, on ne peut nier le plaisir de voir enfin arriver un nouvel épisode de Mario Kart. Le pari d’une plus grande variété est même réussi pour Nintendo avec les ajouts des modes survie et balade. Pour y avoir beaucoup joué en coop’ local à deux joueurs, les sessions sont bien plus digestes que sur Mario Kart 8 où la tension des championnats m’empêchait de passer deux heures d’affilée dessus. Le simple fait de pouvoir alterner avec le mode survie ici laisse Mario Kart World se distinguer de ses prédécesseurs, malgré une physique de base très proche de son grand frère. Une base qui sert finalement à amener des subtilités qui font du gameplay de cet épisode le plus jouissif et le plus riche de toute la saga.
Malheureusement, il faut aussi se farcir les décisions absurdes de Nintendo qui à l’heure actuelle empêche les joueurs d’en profiter totalement. Il faudra voir si les mises à jour viennent corriger le tir, mais c’est déjà râpé en solo pour le mode championnat extrêmement frustrant. Si mes presque 15 heures sur l’aventure m’ont conquises malgré ses défauts, il est très peu probable que je passe autant de temps que sur Mario Kart 8 Deluxe qui demeure un incontournable. Après des sessions en ligne où je ne suis jamais tombé sur un circuit classique mais uniquement des tronçons, force est d’admettre que j’ai le sentiment d’avoir fait le tour du jeu. Soyons bons joueurs, Mario Kart 8 Deluxe a lui aussi bénéficié de plusieurs années de dlcs avant d’être aussi complet. Les modifications et surtout les ajouts de contenu semblent donc évidents sur World également, tant ce nouvel épisode, sans être particulièrement chiche, a l’air de s’être laissé une certaine marge pour enrichir ses différents modes, le monde ouvert en premier lieu. A quel prix cependant ? Vendu officiellement à 90€, mais faisant illusion en se plaçant en bundle et surtout comme seule exclusivité de la Nintendo Switch 2, la pilule des dlcs payants aura plus de mal à passer. A mi-chemin entre l’emballement total et la déception, Mario Kart World a tous les atouts pour devenir le meilleur épisode de la saga. Il passe pour le moment à côté, tant que Nintendo n’en prend pas conscience.