Mass Effect
7.8
Mass Effect

Jeu de BioWare Corp, Xbox Game Studios et Electronic Arts (2007PlayStation 3)

L’univers.
Immensité aux confins infinis.
Source de fantasmes et de projections en tous genres.
Vaste champ dans lequel les esprits peuvent voyager sans limite, et divaguer…
Ah ça ! On peut en faire tourner des têtes avec un univers…
Et quand je constate toutes les réactions enamourées qui ont ressurgi suite à la sortie récente de la fameuse « Legendary Edition » de « Mass Effect », je me dis que s’il y a bien un jeu qui s’est construit une aura grâce à son univers, c’est bien celui-là.


Or c’est amusant comment le hasard est parfois fait.
Parce que pendant que tout le monde se jetait sur le remaster de la célèbre saga galactique sur PS4, Xbox One ou PC, moi je poursuivais mon pèlerinage personnel parmi les Triple A de la septième génération ; pèlerinage qui me conduisait justement – suite aux recommandations SensCritique – vers le tout premier opus de cette saga, mais me concernant dans sa version originale, en l’occurrence sur cette bonne vieille PS3.
(…Ou pour être plus exact je l’ai découvert au travers de la version « Trilogy » sortie sur PS3 en 2012 parce qu’en 2007 « Mass Effect » n’était encore pas sorti sur cette plateforme… Enfin on se comprend.)


Et c’est alors que j’étais en train de rédiger ma critique à son sujet – tel de nouveaux feuillets à rajouter à mon exploration des (pas si) anciens temps du dixième art – qu’est sortie une vidéo de l’ami Frédéric Molas (alias « Joueur du Grenier ») ; une vidéo dans laquelle il expliquait justement pourquoi « Mass Effect » était l’un des jeux qui l’avait le plus marqué.
Dès lors, j’ai compris que je ne pouvais plus écrire mon billet sans prendre en considération ce qui semblait être les vraies raisons de ce culte.
Alors soit – puisqu’il ne semble être essentiellement question que de ça – commençons en mettant les pieds dans le plat : parlons de l’univers de « Mass Effect ».


Parce qu’en effet, partout où j’ai porté mes yeux et mes oreilles, c’est cet élément-là qu’on m’a toujours mis en avant : si « Mass Effect » est un jeu aussi extraordinaire c’est parce que c’est son univers qui l’est.
Et même si certains adorateurs peuvent parfois reconnaitre – avec un minimum de ludicidité – que le titre est certes perfectible en termes de ludisme (et on en reparlera), il n’empêche qu’un consensus a l’air de s’imposer à chaque fois parmi eux : pour « Mass Effect » tout est pardonnable tant l’univers proposé vaut son pesant d’or.


Alors soit, je comprends. 
C’est vrai qu’on ne pourra pas reprocher au studio Bioware de ne pas avoir été généreux en la matière.
Oui, dès les premières minutes de la partie, « Mass Effect » nous plonge dans un univers qui sait tout de suite afficher sa richesse et sa vastitude.
On se retrouve ainsi lancé au cœur du XXIIe siècle, en pleine période d’essor de l’humanité.
Car après une longue période d’expansion spatiale modérée, l’espèce humaine connait un brutal bond en avant sitôt tombe-t-elle – un peu par hasard – sur un vieux relais de téléportation laissé-là par une ancienne civilisation extraterrestre disparue.
Dès lors, ces relais – dits « cosmodésiques » – vont se retrouver au cœur de l’essor humain, à la fois en termes de progrès technologique que de découverte de nouveaux systèmes solaires… Et cela jusqu’à cet essor percute celui d’autres civilisations extraterrestres ayant suivies la même méthode et le même chemin.
Et c’est donc dans cet élan là que nous lance « Mass Effect ». Sans préavis.
On n’est qu’un simple officier de l’Alliance humaine plongé brutalement dans le bain.
A peine la partie est-elle lancée qu’on nous annonce déjà que le fragile équilibre de la galaxie est menacé et qu’il va falloir agir.
Pas de repère. Démmerde-toi. Il faudra combler les trous en allant…
…Et je dois bien reconnaitre que cette façon de faire est effectivement des plus efficaces.


Pour moi c’est là que se trouve tout le choc de « Mass Effect » : dans cet « effet de masse » qu’on se bouffe dès le départ.
Parce que l’air de rien, une entrée aussi brutale dans un univers d’apparence aussi riche et dense nous oblige déjà – et dès le départ – à faire un véritable effort d’immersion ; un effort d’autant plus gratifiant qu’il n’apparait pas comme obligatoire.
Après tout on pourrait très bien faire le soldat : ne pas chercher à comprendre tout ce tralala et aller dézinguer les méchants qu’on nous a désignés comme tels.
Seulement voilà, tout nous invite à nous intéresser aux enjeux de fond de cette histoire ; des premiers personnages rencontrés sur le vaisseau aux premiers couacs face auxquels on se retrouve confrontés lors de notre première mission.
Dès lors, identifier les différentes espèces aliens, les différents lieux, les différentes institutions devient rapidement un enjeu dans le jeu.
Et l’air de rien « Mass Effect » finit par nous accompagner plutôt bien dans cette aventure, traçant immédiatement un axe narratif simple et clair sur lequel s’appuyer, et proposant rapidement une étape dans la partie qui va nous permettre de partir à la pêche aux informations.


…Pour celles et ceux qui ont fait le jeu : je parle bien évidemment du long passage au sein de la Citadelle.


S’ajoute à cela un « codex » dans notre journal de bord qui se complète au fur et à mesure et qui nous délivre du lore à l’envie.
En d’autres termes, tout est fait pour qu’on creuse et qu’on ait envie de creuser cet univers.
On sent d’ailleurs que Bioware a vraiment confiance en ce dernier et on ne saurait leur donner tort quand on voit comment certains et certaines mouillent leur slip sitôt il s’agit d’en parler.


Sauf que…


Eh bah sauf que – me concernant – le voyage s’est vite arrêté.
Alors certes, je ne dis pas : pendant deux ou trois heures, j’y ai cru. J’étais dedans sans trop d’efforts. J’ai « joué le jeu »…
…Et puis une fois qu’est passée la première mission, l’illusion concernant cet univers s’est vite éventée.
Sitôt le jeu m’a-t-il invité à mettre les pieds dans ce lieu qu’il avait pensé pour déclencher chez moi une sorte de « Waouh Effect » que cet univers a subitement fait pschitt.


Et oui, là encore, je parle toujours de la Citadelle.


Bah oui – et désolé de le dire aussi crûment pour les fans – mais ce premier passage au sein de ce qui est censé être le cœur politique et culturel de la galaxie, ça a clairement été le moment où l’univers de « Mass Effect » s’est révélé chez moi pour ce qu’il est vraiment : c’est-à-dire généreux certes, mais terriblement quelconque dans son ensemble, un brin ridicule, voire même carrément creux.


Ah ça ! Pour peu qu’on ait un peu baroudé dans les œuvres de SF qu’on ne sera pas souvent surpris par ce qui est proposé là-dedans !
En effet, la très grande majorité des éléments qui font l’univers de « Mass Effect » existent souvent ailleurs à l’identique, et cela sans qu’aucun effort réel de réinvention n’ait été opéré.
Et à ce petit jeu là, c’est clairement la série « Babylon 5 » qui s’est faite le plus pillée sans vergogne.
Quiconque a déjà vu la saga de J. Michael Stracszynski ne pourra que contempler l’évidence. Et pour peu qu’on rajoute à cela un peu de prélogie « Star Wars » et un soupçon de « Starship Trooper » qu’on se rendra compte qu’à peu près 80 à 90% de l’univers de « Mass Effect » n’est que du banal repompage d’autres sagas.


Alors soit, je peux encore entendre que – tels des Lavoisier du futur – on me rétorque que chaque œuvre prélève forcément une grande partie (si ce n’est la totalité) de son contenu au sein des œuvres qui l’ont précédée. Sur ce point je serais d’accord : pourquoi pas…
Mais à un moment donné, on est aussi en droit de faire preuve d’un minimum d’imagination et de créativité.
Parce que, par exemple, au rayon des espèces présentes dans le jeu, on ne s’est quand même franchement pas foulé chez Bioware.
Les Turiens sont des humains avec des écailles sur la gueule.
Les Galariens sont des humains avec des yeux de poissons.
Les Asaris sont des humaines bonnasses à la peau bleue…
Les Volus sont des hommes taupes.
Les Hanaris des hommes crustacés…
Franchement ça fait carnaval à deux balles.
Autant je peux comprendre que soit présente la problématique de l’antropomorphisme dans une série comme « Babylon 5 » où – à cette époque là – il était difficilement envisageable de ne pas faire jouer les personnages aliens autrement que par des acteurs maquillés, autant là, dans un univers tout en images de synthèse, je trouve que ça vire clairement à la fainéantise et à la faute de goût.
Nous ressortir en 2007, dans un jeu vidéo, des espèces aliens qui ne valent pas mieux que les Klingons, c’est juste kitsch, fade, et franchement limite plouc.


Et ce manque de créativité on le retrouve malheureusement dans tous les aspects de l’univers.
On le retrouve par exemple dans la représentation qui nous est donnée de l’humanité du futur : l’éternelle humanité réduite à la seule civilisation américaine ; les autres cultures étant – ici comme ailleurs – reléguées au rang des simples figurants, voire de noms de systèmes lointains que personne ne va jamais visiter.

Mais cette fadeur créative, on la ressent également dans toute cette représentation qui nous est donnée du futur en général, de la modernité au sens large, voire même de la diversité des lieux et des cultures rencontrés.
Ainsi, dans « Mass Effect », un relais issu d’une ancienne civilisation très avancée a juste l’air d’un gros machin métallique à antennes ; massif et peu mystérieux.
Sur ce plan-là, même « Babylon 5 » avait su faire preuve de davantage d’imagination quand il s’était agi de représenter la technologie des « Premiers ».


Et que dire des espaces ! Que dire des lieux !
…Vides au possible.
Les murs, les statues et les objets rencontrés (quand il y en a) ne racontent rien. Ils sont juste des éléments décoratifs sans réflexion – interchangeables – qu’on duplique dans une même zone à l’infini, au point qu’on finisse par les ignorer.
Pour toutes ces raisons-là « Mass Effect » manque terriblement d’épaisseur.
Et je pense qu’il manque d’épaisseur tout simplement parce que ses auteurs manquent d’horizons culturels.


C’est triste à dire, mais à mes yeux tout pourrait se résumer à cette représentation qui nous est donnée de la Citadelle ; ce lieu qu’on nous annonce pourtant comme étant le centre politique et culturel de toute la galaxie, l’héritage ultime des grandes civilisations éteintes…
Inspire-t-elle le sacré de par son épure et de sa gestion géométrique des espaces et des lumières, comme le ferait une basilique Saint-Pierre à Rome ?
Suggère-t-elle au contraire l’étrangeté du moderne, comme le ferait l’ancien siège du parti communiste français pensé par Oscar Neimeyer?
On bien est-ce qu’au contraire elle impressionne par sa surcharge de détails et son éclat baroque comme le ferait l’Opéra des Margraves à Beyreuth ?
Rien de tout ça au final. Bien au contraire.
…Car dans « Mass Effect » l’aboutissement ultime de la civilisation faite lieu a des allures de grand hall de centre commercial californien, avec ses larges allées au sol lustré, ses panneaux lumineux pour vous indiquer les différents points d’intérêt et surtout ces quelques pupitres d’accueil où une réceptionniste saura guider le consommateur égaré…
Au fond il pourrait se résumer à ça tout l’univers de « Mass Effect » ; un univers conçu par des ados californiens qui ne se sont jamais nourris ailleurs – nutritivement et culturellement parlant – qu’à l’hypermarché du coin…
…Des ados certes généreux, mais qui n’ont visiblement pas pris la peine de beaucoup explorer, ce qui est quand même ballot quand on aspire à créer tout un univers.


Alors après – d’accord – tout le monde aura sûrement dans sa besace un contre-exemple susceptible de rentrer en rupture avec le triste tableau que je viens de dresser.
Moi-même d’ailleurs j’ai les miens !
J’ai par exemple particulièrement apprécié découvrir la manière avec laquelle parlaient les Elcors ; cette espèce pachydermique à l’expression monocorde qui se retrouve obligée de commencer chacune de ses phrases en exprimant verbalement l’émotion dont ils veulent connoter leur propos. J’ai trouvé ça destabilisant, original et amusant.
Ça m’a également fait sourire de remarquer que les Galariens – espèce à l’espérance de vie courte – avait tendance à parler très vite et à se montrer très expéditif dans leurs prises de parole. Un choix tout simple mais malin et cohérent.
Et puis enfin, ça m’a même fait plaisir de constater que « Mass Effect » était capable de faire parfois preuve d’étrangeté lors de certaines rencontres aliens.


…Pour ma part, j’ai particulièrement apprécié faire la rencontre de la Reine rachni et de ses « chants », ainsi que du Torien et de ses spores.


Ces éléments, je ne les nie pas.
Mais qu’est-ce qu’ils pèsent dans l’univers de « Mass Effect » ?
Que pèse le décalage d’un Elcor à côté de toutes ces bimbos extraterrestres à gros seins ?
Que pèse la nuance d’une reine rachni face à cette caritature de méchant ridicule qu’est Saren ?
Et puis plus généralement, que pèse la vastitude de cette galaxie face à la tristesse du chemin qu’on nous invite à arpenter ?
…Car oui, à un moment donné il va falloir aussi qu’on parle de ça.


Parce que – quelque soit l’œuvre – un univers, ça se parcourt.
Et le parcours a pour ma part autant d’importance que l’univers lui-même.
Je doute qu’on émette le même jugement à l’égard d’un voyage en Birmanie selon qu’on ait parcouru docilement la vallée des mille temples en bus touristique ou bien qu’on se soit égaré dans un trek en plein triangle d’or en pansant la cicatrice purulente qu’on nous a infligé au niveau des reins.
Une œuvre – quelque soit le médium qu’elle sollicite – invite à un parcours. C’est inévitable.
Et moi je veux bien qu’on glose pendant des heures sur des bibles de lore, seulement j’aimerais bien qu’en contrepartie on me reconnaisse la pertinence de juger un jeu vidéo aussi au regard de l’expérience ludique qu’il offre.


Or c’est quoi parcourir « Mass Effect » manette à la main ?
Eh bien c’est certes parcourir un jeu ambitieux qui entend proposer de multiples expériences ludiques différentes – combat en third person shooter, jeu narratif à choix multiples, exploration en véhicule – mais c’est aussi devoir se rendre à une triste évidence : aucune de ces phases ne parvient non seulement à convaincre pas leurs qualités intrinsèques elles-mêmes, mais elles échouent aussi pour la plupart à faire explorer convenablement ce fameux univers dont on ne cesse de parler depuis le départ.


D’abord il y a donc ces phases de combat en TPS.
Certes, au premier abord, celles-ci semblent les plus adaptées à un jeu qui aspire à nous faire vivre les frissons d’une grande guerre spatiale. Seulement, dans les faits, sitôt le premier combat est-il engagé que cette grande guerre prend très vite des allures d’enchainement de parties de paintball.
On avance arme à la main jusqu’à ce que soudain – ô surprise – on retrouve des barrières entreposées ça et là pour qu’on s’amuse (sarcasme) au petit jeu de « je me planque / j’attends que tu recharges / je tire ».
A ce moment là, on sent déjà les fantômes d’ « Uncharted » et autre « Deus Ex » en train de souffler leur haleine putride sur notre nuque, avec leurs bons vieux relents de cache-cache-pan-t’es-mort ad nauseam jusqu’à ce que mort (d’ennui) s’en suive.
L’horreur…


Pourtant on sent que Bioware avait quelque peu anticipé le problème en substituant l'enjeu des munitions à celui d’une surchauffe du canon – censé rajouter du dynamisme à ces passes d’armes – mais le souci c’est qu’à cette bonne initiative y répondent rapidement quelques autres qui viennent immédiatement saborder l’idée première.
D’abord il y a cette gestion très aléatoire des commandes automatiques du jeu. Que ce soit sur la course ou bien dans les mises-à-couvert, il arrive régulièrement que le jeu s’oublie, faisant ainsi en sorte qu’on s’en prenne plein la gueule, même sur des phases qu’on contrôlait jusqu’alors très bien. Pour ma part, par exemple, il n’a pas été rare de me retrouver à courir d’une barrière à une autre au petit trôt – et cela en pleine fusillade – pour qu’au final mon personnage se refuse à se mettre à planquer en bout de course. Un régal.


Ensuite, comment ne pas aborder cette brillante idée de nous avoir collé au fion deux coéquipiers gérés par l’IA du jeu. Ces deux guignols s’exposent en permanence, se foutent même assez régulièrement dans notre ligne de mire alors qu’on est en train d’arroser l’adversaire et – mon préféré – ils nous coincent même parfois contre des barrières de protection, nous empêchant LITTERALEMENT de poursuivre le jeu. (Parce qu’attention : je parle d’un vrai coinçage en règle ! Avec obligation de recharger une partie derrière hein !)
Et puis enfin – histoire de cloturer tout ça avec le tiercé gagnant habituel – n’oublions pas de mentionner l’intelligence artificielle adverse absolument lamentable. De vrais piquets. Au mieux on peut encore espérer un ennemi qui fasse une valse entre trois ou quatre positions préétablies, mais rien de plus.


Ah ça ! – pour moi le bilan est sans appel pour ce qui est des phases de TPS – c’est DE LOIN l’aspect le plus loupé du jeu.
C'est répétitif au possible. Sans enjeu. Pas ou peu immersif.
D’ailleurs, à croire que les gars de Bioware avaient conscience du problème puisque assez régulièrement l’intrigue vient au secours de ces phases poussives et ennuyeuses, les entrecoupant régulièrement afin d’y intégrer des enjeux narratifs.
Mais peut-être qu’en fait le problème est-il justement à prendre dans l’autre sens.
Peut-être qu’en fait c’est parce que les gars de chez Bioware se sont trop focalisés sur la structuration narrative de ces phases en TPS qu’au final ils n’ont accordé aussi peu d’intérêt à leur narration par le jeu.


D’ailleurs, au passage, on pourrait aussi clairement interroger ce choix de miser sur une conception très cinématographique de la narration lors de ces phases là, car non seulement ces codes ne sont clairement pas maitrisés – aboutissant de ce fait à des scènes plus que navrantes formellement parlant – mais en plus elles lacèrent totalement les phases de jeu, au point de conduire certains combats à se transformer en séquences totalement absurdes.
A ce petit jeu, les confrontations avec les boss sont de loin les pires. Combattre Bénézia ou Saren c’est vingt secondes de combat, puis deux minutes de scène cinématique, puis à nouveau trente secondes de combat avant de se recoltiner une scène cinématique…
La narration tue le jeu au lieu de l’appuyer. Pire, elle tue aussi au passage toute possibilité d’immersion dans ce fameux univers.


Et c’est franchement con, parce que ce n’était pas comme si « Mass Effect » n’était pas capable d’en produire de la narration par le jeu ou par l’environnement !
Etonnamment, c’est sur les phases de jeu les plus délaissées par les programmeurs qu’on sent tout le potentiel que ce titre aurait pu avoir.
Parce qu’au-delà du TPS, il y a aussi pas mal de temps qu’on sera amené à faire en véhicule.
Et ces phases – sur leur principe de base – elles sont loin d’être si inintéressantes que cela.
Pour ma part, je peux notamment vous dire que c’est vraiment la première fois où on m’a basardé sur une planète avec mon « Mako » que j’ai vraiment eu l’impression de partir à la conquête de l’espace !
Dans cette phase-là on a vraiment l’impression d’être livré à soi-même. On galère avec un relief inhospitalier. Des fois on doit avancer selon les indications données par nos sattelites mais sans vraiment savoir sur quoi on va tomber et puis d’autres fois c’est en navigant à vue qu’on tombe sur quelque chose d’intéressant…
D’ailleurs, le seul moment de « vertige » que j’ai ressenti dans ce jeu, je l’ai ressenti en Mako…


J’étais aux abords de Terra Nova. Des terroristes venaient de détourner un astéroïde pour le faire s’écraser sur la colonie humaine et ma mission consistait à rouler de long en large du caillou astral pour couper chacun des réacteurs installés sur place.
…Et c’est là, en gravissant une butte avec mon Mako, que soudain j’ai vu la grande planète bleue vers laquelle l’astéroïde fonçait. Dans les faits c’était juste un vieux mapping dégueulasse en 720p, mais à ce moment-là ça m’a refilé un frisson.
Là j’ai pris conscience que je n’étais pas n’importe où…



Mais bon – même les adorateurs du jeu vous le diront – dans les faits, ces phases de Mako, elles sont abjectes tellement c’est manifeste que Bioware n’y a consacré que peu d’effort.
La maniabilité du Mako est primitive au possible, n’offrant aucun enjeu d’apprentissage.
Les phases de tir en mouvement sont une purge tant la caméra fait n’importe quoi.
Les planètes à visiter sont vides au possible. Les textures sont dégueulasses. Le peu d’éléments présents sur la map à des allures d’ajout minimaliste et totalement daté techniquement. (Un vrai retour à la PS2).
La fainéantise est telle que d’une planète à l’autre, seul le relief et la couleur de la texture changent. Par contre, les ennemis rencontrés, les bases visitées, sont toutes EXACTEMENT les mêmes. Mêmes salles, même disposition, et pratiquement même contenu.
Alors autant je peux encore essayer de justifier la duplication des bases par une logique de standardisation menée par le Conseil galactique (voyez comme je force), autant le fait de tomber tout le temps sur la même mine avec les mêmes galeries disposées de la même manière ne peut en rien se justifier.
Les gars ne se sont même pas foulé à penser à une forme de modulation de leurs différents composants. Non, au lieu de ça ils nous refilent vraiment la même chose à chaque fois. Seules la disposition des caisses à l’intérieur de l’endroit a été changée et that’s it !
« Emballez c’est pesé ! »
Pour le coup c’est vraiment du gros foutage de gueule.


D’ailleurs les gars de Bioware ne cachent tellement plus leur fainéantise sur ces phases de jeu qu’ils n’ont même pas pris la peine de nous faire une animation de sortie ou d’entrée de nos personnages du Mako. Ils popent comme ça à l’écran en une frame.
Idem pour le retour au vaisseau. Autant on a le droit à une animation de débarquement sur la planète à explorer (tout le temps la même par ailleurs) mais par contre que dalle quand vient le moment du retour au bercail !


Alors après, moi je pourrais encore entendre qu’on passe sous silence cette phase de jeu sous prétexte qu’elle ne serait finalement qu’un aspect annexe du jeu ; argument que j’ai pu trouver ici ou là…
Mais sauf que – désolé – mais ce n’est pas le cas !
A bien tout prendre, si on se décide à finir le jeu à 100% – et franchement on peut se permettre de le faire parce que ce dernier n’est pas bien-bien long – eh bien on se rendra compte que ces phases de Mako composent en fait environ un tiers du temps passé manette en main : facile !
C’est pas « annexe » ça !


Alors OK – c’est vrai – si on y regarde bien, 90% de ces phases de Mako relèvent de l’exploration de planètes plus qu’optionnelles.
Ni l’armement qu’on y trouve, ni les ressources qu’on y collecte – ni même les bribes périphériques d’intrigue qu’on peut y apprendre – ne nous seront utiles ou perçues comme dignes d’intérêt.
Sauf que – justement – est-ce que ce n’est pas un problème ça aussi ?
Est-ce que ça ne ressemblerait pas qu’à du stupide remplissage mal fait, ça ?!
Parce que ce n’est pas comme s’il n’y avait pas moyen de les remplir ces foutus phases d’exploration de planètes !
…Et pour ça il suffit de finir le jeu pour s’en rendre vite compte !


Car oui, comme dit plus haut, « Mass Effect » a beau faire valoir un univers énorme à explorer qu’il se finit malgré tout assez rapidement.
Pour ma part il m’a fallu une petite trentaine d’heures, et encore j’ai pas mal trainé.
Et autant j’ai été plutôt agréablement surpris de constater que l’intrigue n’allait pas s’étaler inutilement en longueur – rendant finalement l’ensemble assez compact et dense – d’un autre côté je n’ai pas pu m’empêcher de me sentir floué.
Floué parce qu’au final, cet univers sur lequel ce jeu n’a jamais cessé de me faire saliver, eh bien en fin de compte ma partie ne l’aura carressé qu’en surface.
Et s’il y a bien une phase de jeu qui se retrouve finalement le dindon de cette farce trop vite, c’est celle que je n’ai pas encore eu le temps d’aborder : la gestion des interractions avec les multiples personnages rencontrés.


Parce que l’air de rien, cette dernière phase de jeu là, elle occupe elle aussi une place prépondérante dans notre partie : sûrement un tiers de notre temps passé manette en main.
Et elle était loin d’être anodine cette phase de jeu là, parce qu’on sent que c’est celle-ci que Bioware a développée pour nous immerger le plus intensément dans cette intrigue et cet univers.
Parce qu’en effet, au cours de ces multiples discussions, on est amené très régulièrement à faire des choix – parfois très tranchés – et dont on nous fait comprendre qu’ils impacteront forcément notre aventure voire l’évolution globale de tout notre univers de jeu.
Faut-il négocier ou pas avec les terroristes ?
Accepte-t-on d’éradiquer définitivement une espèce dans l’intérêt de la préservation des équilibres entre puissances galactiques ?
Est-il préférable d’être un chef qui a la parole drue et crue ou bien au contraire incarner une autorité qui est capable de faire preuve de souplesse et de compassion ?
Autant de choix qui viennent conclure certaines phases de TPS, voire même qui peuvent carrément occuper l’essentiel du temps passé dans certaines bases, et qui auraient pu effectivement favoriser notre immersion dans cet univers au regard des déficiences des autres phases de jeu…
Mais sauf que, une fois le jeu se finit-il précocement qu’on en vient subitement à se rendre compte d’une chose.
Tous ces choix qu’on a fait – toutes ces décisions qu’on a prises – en définitive, ce jeu n’en fera ressortir RIEN !


J’ai sauvé la reine rachni plutôt que la tuer.
Conséquense sur la trame du jeu : aucune.


J’ai tué tous les Butariens jusqu’au dernier parce que je suis du genre à ne pas rigoler avec les terroristes. J’ai d’ailleurs assumé le fait que les otages soient aussi victimes – indirectement – de ma stratégie.
Conséquense sur la trame du jeu : aucune.


J’ai décidé de participer à l’arrestation de l’administrateur Aloneis sur Novéria plutôt que de rentrer dans son jeu de corruption.
Conséquense sur la trame du jeu : aucune.


J’ai sacrifié Kaidan plutôt qu’Ashley sur Virmire. Et je l’ai fais seulement parce que j’étais persuadé qu’en forçant un peu, je pourrais sauver les deux.
Conséquense sur la trame du jeu : aucune.


J’ai été sympa avec l’équipage. J’ai refusé de répondre aux journalistes. J’ai envoyé chier Terra Firma. J’ai sacrifié le Conseil pour concentrer les forces de l’alliance sur Sovereign. Je n’ai soutenu aucun des deux candidats humains à la succession du Conseil.
Conséquense sur la trame du jeu : aucune.


Non mais franchement : n’y a-t-il pas plus grand foutage de gueule que celui-là ?
La suite de ton jeu au prochain épisode ? Sérieux ?
« Tu as appuyé sur la touche saut. Est-ce que Mario sautera ?! La suite au prochain épisode ! » Non mais oooooh !
Autant je ne suis pas opposé à ce qu’une saga s’en garde sous le coude pour ses futurs épisodes, autant je m'insurge si ça concerne TOUT le contenu de la partie !


Non mais – sérieusement – sur ces trente heures de jeu, n’y avait-il vraiment pas moyen d’en découvrir un petit peu plus sur le background du jeu ?
Est-ce que par exemple ça n’aurait pas pu être sympa de visiter quelques colonies humaines, découvrir leur histoire autrement que par du lore vite expédié ?
Est-ce que d’ailleurs ça n’aurait pas été intéressant de visiter en parallèle des colonies turiennes, asaris, ou butariennes, juste pour sentir les contrastes et les oppositions ?
Mieux encore : est-ce que ça n’aurait d’ailleurs pas été intéressant de prendre parti – dans le jeu – pour une communauté plutôt qu’une autre ?
Est-ce que ça n’aurait pas été plus intéressant d’aller sur une planète où – au lieu d’investir la même putain de base et accomplir ad nauseam le même mini-jeu à base de touches à appuyer – on aurait pris part à une tension entre deux communautés cherchant à coloniser la même planète ?
Est-ce que ça n’aurait pas été plus jouissif que le jeu réagisse à notre manière d’avoir mené le combat sur ces planètes – tirer dans le tas, menacer, discuter, tirer pour seulement blesser, épargner les civils quelque soit l’espèce, etc… – plutôt que de réduire cet aspect là à un simple choix de discussion ? Ça aurait tellement enrichi les enjeux des phases de TPS !
Et puis d’ailleurs, est-ce que ça n’aurait pas été plus immersif d’avoir à subir régulièrement des attentats de la part de Terra Firma ou de terroristes aliens plutôt que de réduire nos positions politiques qu’à une banale discussion au cours d’une manifestation ?


Ce jeu avait un paquet d’opportunités vachement intéressantes qui s’offrait à lui pour nous faire explorer son univers !
Des opportunités qui étaient d’ailleurs totalement compatibles avec les moyens techniques de l’époque !
Transposer l’essentiel de son intrigue sur les planètes plutôt que de tout concentrer dans des bases, non seulement ça aurait rendu l’exploration des planètes bien plus passionnantes – ça aurait d’ailleurs rendu l’expansion de l’espèce humaine dans la galaxie bien plus palpable – mais surtout ça aurait permis de contourner toutes les contraintes techniques contre lesquelles le jeu bute en permanence !
Parce que franchement – les gars de chez Bioware – quand vous vous rendez compte que vous êtes contraints de foutre des couloirs tordus, des portes et des ascenseurs Stana absolument partout juste pour soulager votre logiciel, tirez en les conséquences putain !
Evitez les grands espaces – ou videz-les – réduisez le nombre de missions dans les espaces massifs ou bien révisez vos exigences visuelles à la baisse !
…Et surtout : éradiquez toute mission qui consiste juste à faire l’intermédiaire entre deux personnages séparés par huit portes et douze ascenseurs !


Tous ces points mis bout-à-bout devraient faire tilt dans tous les esprits tout de même !
« Mass Effect » est un jeu qui est mal conçu, mal pensé, mal réalisé. Et tout cela fait en sorte que cet univers dont beaucoup louent la richesse – richesse que pour ma part je trouve toute relative – est au final très mal exploitée par ce titre.


Donc – à faire le bilan de tout ça – est-ce qu’à bien tout prendre je suis en train de vous dire que « Mass Effect » est pour moi le jeu le plus sur-côté du monde du jeu vidéo ?
Eh bien étonnamment, pas tant que ça.
Il l’est incontestablement en tant que jeu, tant aucune de ses phases ne fonctionne pour elle-même et encore moins toutes ensembles.
Il l’est aussi en tant qu’univers, parce – bien que généreux – il n’offre rien de significativement nouveau et ne manque pas de sombrer dans tous les mauvais clichés du genre.
Il l’est également en tant qu’objet narratif, se pensant davantage comme un grand film très mal mis en scène plutôt que comme un vrai action-RPG dans lequel on a le temps de sentir la progression, l’ascension et le parcours de notre personnage.
Par contre, je reconnais que « Mass Effect » n’a pas volé ses galons d’œuvre-culte sur la question de l’ambition…
Et devrais-je même dire qu’il n’a rien volé non plus sur la question de la promesse.


Parce qu’en effet, je ne peux ignorer non plus dans mon jugement qu’en bout de course, je l’ai quand-même fini ce jeu.
Et si je l’ai fini c’est parce que, malgré les moments de frustration et d’intense consternation, il y avait aussi à côté tous ces petits détails qui savaient régulièrement m’interpeller ou me surprendre…
Que des détails certes. Mais suffisamment néanmoins pour traduire une intention.
…Une intention qui donnait envie d’aller plus loin.


Car on sent bien avec ce « Mass Effect » l’envie qu’a eu Bioware de faire basculer le jeu vidéo dans quelque chose d’autre ; dans quelque chose de plus grand…
…Le seul problème c’est qu’ils n’avaient pas la maturité pour le faire. Et le simple fait qu’ils se soient contentés de singer les codes du cinéma à grand spectacle plutôt que de creuser la narration propre au jeu me parait être en soi très révélateur de leurs carences.


Malgré tout, quand bien même Bioware a-t-il concrètement échoué dans les faits qu’il a néanmoins réussi dans l’intention.
Parce que, quand j’ai joué à « Mass Effect », j’ai certes joué à un jeu que somme toute je considèrerais comme mauvais, mais j’ai aussi senti en parallèle que, dans mon esprit, un paquet de portes étaient en train de s’ouvrir…
Or, constater que cet effet là fonctionne encore sur un joueur comme moi 14 ans après la sortie dudit « Mass Effect », pour moi ça dit quand même quelque chose.
…Ça dit qu’il ne s’est pas rien passé non plus dans ce jeu.


Du coup ai-je apprécié jouer à « Mass Effect » ?
Non.
…Et oui.
Ou plutôt devrais-je dire : non mais oui.
Enfin c’est compliqué quoi !
Et d’ailleurs je ne vous cacherais pas qu’écrire cette critique a été un exercice particulièrement fastidieux pour tout vous dire.
Parce que moi j’aime m’exprimer en cheminant autour d’un axe clair. Sauf que là, avec ce « Mass Effect », deux masses d’arguments ne cessaient de s’opposer en permanence. Des masses incompatibles. Contradictoires. S’annulant en permanence.
Si bien qu’en définitive, au moment de noter le jeu j’en suis arrivé à opter pour un 5.
Mais non pas le 5 moyen de l’œuvre fade.
Plutôt le 5 d’équilibre ; celui qui résulte d’une opposition égale entre deux masses de même valeur.
…Comme une sorte de somme nulle quoi.
Ni bon, ni mauvais.
Ou plutôt et bon et mauvais.


Et l’air de rien, en arrivant à une conclusion pareille, ça ne résout en rien cet autre problème que j’ai depuis que j’ai fini ce « Mass Effect »…
Etant possesseur de la fameuse édition « Trilogy » sortie en 2012, est-ce qu’en conséquence je (re)donne sa chance à « Mass Effect 2 » ?


Eh bien, face à une question aussi délicate, permettez-moi de faire mon Bioware de service…


…La suite (peut-être) dans un autre épisode. ;-)

lhomme-grenouille
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le 16 juil. 2021

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