Le génie de Mass Effect par son Level Design

Tout ou presque a été dit sur Mass Effect. L’aventure épique que vit le joueur en incarnant le Commandant Shepard, l’univers cohérent mis en place, le développement des personnages secondaires, les thèmes abordés comme la xénophobie vis-à-vis des aliens, la réelle implication qu’a le joueur sur le déroulement de l’histoire, tout le monde sait à quoi se tenir en jouant à Mass Effect. Le seul point négatif pour moi serait éventuellement le système de combat, qui le rend légèrement moins accessible que les deuxièmes et troisièmes volets de la trilogie.


Cependant, je trouve que je jeu a un énorme point fort en plus, et que je trouve dommage qu’il n’ait pas été plus souligné par la communauté. Il s’agit tout simplement des trois missions principales du jeu : Féros/Novéria/Virmire. Il est une chose d’avoir un excellent scénario, mais il en est une autre de faire progresser l’histoire au travers de niveaux palpitants. Et ça, Mass Effect le fait avec génie. C’est ainsi que je pense que ce trio de 3 missions fait partie de la crème de la crème du jeu vidéo. Explications.


Mass Effect débute donc par une première mission d’introduction qui tient parfaitement son rôle : mettre le joueur dans l’ambiance et dévoiler quelques peu les enjeux de l’aventure. Le ton mature est donné, et le joueur a l’occasion de prendre ses premières décisions. La destination qui s’en suivra sera la Citadelle, qui fera office de Hub central au jeu. C’est là que le joueur prendra connaissance de ses premiers coéquipiers, de l’organisme politique de l’univers et verra l’importance de Shepard au sein du monde grandir petit à petit. Tout le processus d’introduction est très bien conçu, car le joueur se voit donné des décisions de plus en plus ambiguës (déjà), et il commence à en voir les conséquences. Et c’est ainsi que quand le joueur se voit familiariser avec les système de jeux, que la suite de l’aventure arrive. Celle-ci prend la forme de deux missions, Féros et Novéria donc et il est important de le noter, mais le joueur peut choisir de les aborder dans l’ordre qu’il le souhaite.


Et c’est ainsi que le génie de Bioware entre en place. Bioware, après avoir préparé le joueur dans le niveau d’introduction, ne va plus le prendre par la main et le guider dans les missions qui suivent pour faire avancer l’histoire. Non. Le joueur est prêt. C’est ainsi que Bioware va simplement se contenter de créer un niveau épique où le joueur pourra interagir avec l’histoire de la manière qui le souhaite. Le joueur créera vraisemblablement son aventure, et se retrouvera systématiquement au cœur de l’action.


Ainsi, Féros (je commence souvent par cette mission en premier) est le meilleur modèle de descente aux enfers que j’ai pu voir dans un jeu vidéo. Je ne révélerai pas l’intrigue pour réserver la surprise à ceux qui n’ont pas encore eu la chance de jouer au jeu. Le joueur arrive tranquillement dans une colonie humaine attaquée par les geths (ennemis synthétiques que l’on rencontre dans le jeu), et après avoir fait le ménage, on se rend vite compte que les colons se comportent d’une étrange façon, entre crises d’hystérie et maux de tête. Quelque chose cloche vraiment, mais rien n’est dit directement au joueur. Il y a un véritable malaise qui est mis en scène de la plus brillante des manières. Le joueur ainsi comprend très vite qu’il va vite falloir découvrir ce qu’il se passe dans cette « paisible » colonie humaine. Serait-ce les geths présents sur la planète ? Mais que font les geths ici en première instance ?


Des détails sont dispersés ici et là, et la structure du niveau réalisé par Bioware, dans cette quête de réponse, tient du génie. Une quête lente et douloureuse. Et cette autoroute dans les nuages ? Et ces grattes ciels ? Et ce vaisseau geth accroché telle une sangsue à la tour ? Féros joue avec vous. Elle vous présente des paysages magnifiques, mais vous fait tourner en rond, vous fait revenir sur vos pas, vous fait part des mensonges de l’entreprise supervisant les colons. Féros est l’enfer, mais quand le joueur s’en rend compte, il est trop tard : les portes se sont déjà refermées. Tout cela se finira par un final en apothéose, au sein même des entrailles de la colonie, l’origine du mal. Une fois cet affrontement finis, jamais vous n’aurez été aussi content de remonter à bord de votre vaisseau. Splendide.


Après ces sueurs froides, le joueur n’aura pourtant pas le temps de souffler, car Novéria, la planète de glace, s’offre alors à lui. Noveria est diamétralement opposée à Féros, mais est tout aussi passionnant. Plus institutionnalisée, Novéria abrite un complexe scientifique connu, et fourmillant de vie. Une vie plus diversifiée avec de nombreux aliens, changeant de l’ambiance humaine de Féros, et la solitude dérangeante qu’y ressentait paradoxalement le joueur. Cette mission sera marquée cette fois ci par la multitude d’options possibles pour réussir la mission, mais quand je parle de plusieurs options, je suis très sérieux ; Bioware poussant son système de jeu à son paroxysme. Par example, lorsque le joueur arrive sur la planète il se retrouve bloqué dans le complexe et il lui faudra un pass pour pouvoir prendre le téléphérique et pouvoir progresser. Alors, pour parvenir à ses fins le joueur pourra littéralement coffrer l’administrateur corrompu de la station au terme d’une mission dans la mission, ou simplement obtenir le pass après cinq minutes en lui donnant une marchandise qu’un vendeur veut faire passer en contrebande. La morale du joueur est ainsi titillée depuis le début. Une mise en garde pour la suite…


En effet, après quelques combats le joueur réalisera vite les embranchements qui se présentent à lui et devra choisir entre différentes options très ambiguës impliquant encore le duo morale/difficulté. Le joueur est torturé, il souffre avec Shepard, dans ce froid et cette glace. Au point de le rendre froid dans ses prises de décision ? Là encore, Bioware tiraille le joueur de la plus brillante des manières. Il pourra ainsi passer en force devant l’obstacle qui se présente à lui en massacrant froidement des dizaines de scientifiques innocents, ou pourra être conciliant et s’efforcera à trouver une cure pour une maladie que ces nouveaux colons ont développés sur place. Il est aussi important d’ajouter, et je pense que c’est la première fois que cela m’est arrivé, qu’un PNJ m’a mentis au nez. Il tentera de protéger celle que vous recherchez en vous envoyant prendre un mauvais chemin, et vous mènera à une véritable boucherie. Même en essayant d’être conciliant, en faisant confiance aux gens et en voulant éviter de sortir les armes inutilement, le joueur peut finir dans un bain de sang, après qu’un supposé allié vous ai mentis. Je n’avais jamais vu cela auparavant. Cela tient du génie. Puis à la fin (décidemment Bioware chercher toujours à bien finir les choses), le joueur fera face à un choix moral d’une grande importance dont il trainera les conséquences jusqu’au troisième volet de la série. Inouïe.


Et ce trio se finit par la mission sur Virmire. Une merveille également, même si légèrement plus classique dans sa construction. Cependant c’est surement ici que vos choix sont les plus importants, car vous aurez beaucoup de vies alliées qui dépendront de vous. Bioware voudra vous faire croire qu’il s’agit d’un niveau plus classique, au début, jusqu’à ce que cette fois ci, ils feront venir la discorde d’un de vos coéquipiers, et celui mettra en péril la mission qu’on vous a confié, car ce dernier verra un élément de l’antagoniste principale du jeu comme une possible cure d’un mal génétique dont est victime son peuple. Vous pourrez ainsi tenter de le raisonner, ou simplement le liquider. Comme ça, froidement. Parce que la conciliation parfois, et bien c’est fatiguant. Et c’est ainsi que les missions précédentes prennent tout leur sens. Encore un blocage par un supposé allié ; vous aurez-t-il menti lui aussi ? Un joueur conciliant peut être ainsi fatigué par ces missions antérieures, et pourra parfaitement choisir de le tuer pour enfin avoir un peu de « facilité », et si le dilemme met trop de temps à se résoudre, c’est un de vos alliés raciste qui se chargera de le liquider. Ce choix est ainsi très représentatif de ce qu’a accompli Bioware avec Mass Effect.


Enfin, la mission s’enchainera par des combats très dynamiques, la découverte d’un labo où de nombreuses manipulations génétiques bien dérangeantes ont été réalisées, et une véritable progression dans l’histoire, car le joueur aura enfin l’occasion de rencontrer le véritable ennemi du jeu, et de prendre conscience de tous les éléments en place sur l’échiquier. Il fera également face aussi à la décision la plus connue de la série, où


il vous faudra choisir entre qui de deux de vos coéquipiers se sacrifiera pour le bien de la mission : un des deux devra y rester, quoiqu’il arrive.


Pour la première fois, le joueur se retrouve en situation d’échec, il n’a pas pu sauver tout le monde, là où un joueur conciliant et résilient avait pu tout réussir jusqu’à présent. Le choc. La musique qui tourne en boucle une fois rentré sur le vaisseau après cette succession de choix difficiles vous le rappel bien, et c’est aussi parmi les plus belles qu’il m’a été d’écouter dans un jeu vidéo. Un vrai moment d’émotion. Virmire est ainsi donc une mission plus classique, mais qui n’épargne pas le joueur et le met pour la première fois en situation d’échec, et le fait douter pour la suite des aventures. Toujours à la limite et en s’en ayant sorti de justesse, le joueur failli, pour la première fois. Magnifique.


Et ainsi le jeu se finira après une nouvelle mission principale et un nouveau finale en apothéose.


Mass Effect est épique. Bioware a réussi à tirailler le joueur de manière unique, en le faisant titiller la port des enfers, en lui mentant au nez, en lui faisant croire qu’il peut à chaque fois tout sauver et s’en sortir de justesse, pour mieux pouvoir lui affliger un gros choc sur Virmire. Le joueur ainsi se relèvera, plus déterminé que jamais, pour finir le travail et infliger leur première défaite aux Moissonneurs. Car il sait que si lui ne le fait pas, personne ne le fera. Bioware ainsi communique avec le joueur sans jamais s’adresser directement à lui. S’en produit une sensation de lyrisme, de solitude dans cette univers surpeuplé et de brutes, uniques dans la série, et qui manqueront quelques peu aux épisodes suivant.


C’est ainsi qu’avec un Level Design de génie, en plus de tous les accessoires autour, Bioware lança brillamment l’une des meilleures sagas de l’histoire du jeu vidéo, et l’une des aventures les plus épiques créée à ce jour. Personnellement, ce premier épisode reste mon préféré, malgré son système de combat imparfait, et il est pour moi inconcevable de commencer la saga Mass Effect par le deuxième épisode en sautant celui-ci. Car la descente sombre de Mass Effect 2 ne peut être comprise que par un joueur qui sait par quoi est passé Shepard dans ce premier épisode. Shepard ne se relève que parce qu’il tombe, et seuls tombent ceux qui se tiennent debout.

Ramsay
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le 12 nov. 2016

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