Medal of Honor, c'est une triste histoire. Licence phare au début des années 2000, elle a lentement périclité avec les années pour n'être plus que son propre fantôme.
Quand on sait que cette série légendaire a régné sur les FPS pendant des années, qu'elle a initié la mode des jeux de tir sur la seconde guerre mondiale et que ce sont ses développeurs qui ont créé Call of Duty, on a presque pitié de la voir là où elle en est aujourd'hui.
Le reboot de 2010 donnait envie d'y croire, a son retour triomphant. Exit la dernière guerre mondiale, nous étions parachutés en Afghanistan pour suivre le Tiers 1 lors de ses opérations. Le jeu commettait des erreurs mais il avait des qualités non négligeables.
Alors, voici Medal of Honor: Warfighter, qui continue dans la lancée de son prédécesseur, a savoir un jeu axé sur les forces spéciales du monde entier et surtout le Tiers 1, sorte d'unité d'élite de l'élite, des surhommes comme on en fait plus que même a côté d'eux, Chuck Norris est une petite bite ashmatique.

La campagne solo lancée, on retrouve donc les membres de Tiers 1: Voodoo, Preacher, Mother et Dusty. Seul manque Rabbit, tué dans les montagnes afghanes à la fin du dernier épisode. Et comme de coutume, on va se lancer a la poursuite d'infâmes terroristes, quand une opération d'antiterrorisme dans le port de Karachi révèle qu'un réseau de groupuscules islamistes se sont emparés d'un énorme stock d'explosif PETN, ou tétranitrate de pentaérythritol (a mes souhaits), un des plus puissants explosifs connus. Plus puissant que ça, c'est la bombe H. Pendant les cinq heures que comportent la campagne, on va donc courir après les extrémistes pour trouver et détruire les stocks de PETN, capturer les informateurs, libérer des otages, et d'une manière générale, plomber du terroriste avec tous les calibres possibles et imaginables. Je ne vais pas tout vous spoiler.

Alors, qu'est-ce qui va, qu'est-ce qui ne va pas. On doit déjà saluer les efforts de Danger Close sur la crédibilité de l'action. Et ils n'ont visiblement pas lésiné sur ce point, en travaillant avec de réels membres de l'unité Tiers 1 (qui existe bien, ça n'est pas une invention du jeu), des soldats et des experts militaires, afin de rendre l'histoire extrêmement authentique. Armes, uniformes, tactiques, véhicules, tout est modélisé avec une précision qui force le respect. Les techniques et les moyens des forces spéciales sont reproduites fidèlement et force est de reconnaître qu'on s'y croit vraiment.
Rien a redire a la bande-son, qui atteint un certain niveau de perfection, Danger Close ayant visiblement profité de sa collaboration avec DICE (Battlefield). Les hurlements, explosions et sons des armes sont extrêmement bien reproduits et participent a l'immersion.
Le jeu se permet même d'insister sur le côté humain des protagonistes en présentant des cinématiques sur la relation difficile entre Preacher et sa petite famille, qui supporte assez mal la dangerosité de son métier, ceci afin de donner du relief au personnage. On voit même ledit Preacher échapper de peu aux attentats de Madrid de mars 2004, qui ont causé près de deux cent victimes. Tout est fait pour impliquer le joueur dans l'histoire et la rendre aussi crédible que possible. Quelques nouvelles mécaniques sont introduites, comme l'ouverture des portes qui peut se faire d'une dizaine de manières différentes, débloquées au fur et a mesure par le joueur: par coup de pied, par charge explosive, en tirant sur les gonds, en explosant la serrure... cependant, la différence est purement cosmétique. Des phases en voiture sont également introduites, sous la forme de course-poursuite dans le rôle du chasseur puis du chassé, qui sont une agréable surprise car bien concues, bien que ça ne soit pas ce que l'on attendait du jeu.

Malheureusement, Medal of Honor Warfighter réitère les mêmes erreurs qu'il y a maintenant trois ans. Pour commencer les niveaux sont encore une fois désespérément linéaires. Bien que les objectifs varient d'une mission a l'autre, la finalité est systématiquement de les traverser et d'arriver au bout en un seul morceau. Il n'y a qu'un seul chemin de défini et on ne nous donne jamais le choix d'y parvenir autrement que par l'itinéraire prévu par les développeurs.
L'IA ne casse pas des briques non plus; bien qu'elle s'acharne a envoyer des grenades vers le joueur pour le forcer a changer de position, elle n'est là que pour se faire aérer le cerveau au 5,56, s'avère rarement capable de faire autre chose que de défourailler bêtement, et encore moins de se mettre correctement a couvert, ce qui permet d'enchaîner les tirs a la tête sans trop de difficulté.
Le jeu est, encore une fois, trop facile. On finit toujours par venir a bout des hordes de terroristes, de rebelles et autres voyous mal intentionnés qui veulent nous étriper, les points de sauvegarde étant trop régulier. Pas de risques non plus de se retrouver a court de munitions, car comme pour l'épisode de 2010, le joueur embarque une arme principale et une arme de poing. Le pistolet dispose de munitions infinies (oui oui) et quand le fusil tombe a court de balles, il suffit d'en demander a un coéquipier qui se fera un plaisir de vous ravitailler intégralement, ce qui fait qu'il suffit d'arroser comme un crétin pour se sortir de la plupart des situations.
On passera sur la trop courte durée de vie, cinq heures en mode normal, a peine deux de plus dans les niveaux de difficulté supérieurs.
Je n'ai pas parlé du moteur graphique. Rappelons que Danger Close a bénéficié de Frostbite II, l'énorme moteur développé par DICE afin de servir sur Battlefield 3. Seulement, on a du mal a y croire. Car non seulement les bugs sont légion (son qui se coupe inexplicablement, passage a travers les murs, textures absentes, etc), mais la destructibilité du décor, qui est pourtant inhérente a Frostbite, n'est absolument pas exploitée. Mis a part quelques franges de mur, impossible de tirer a travers le carton ou le bois, de détruire quelque bâtiment que ce soit, rien, nada, que dalle. Le jeu reste donc très beau, mais sous-exploité d'un point de vue graphique.

Et il faut ajouter que le jeu se conclut (attention, spoil) sur la cinématique d'enterrement militaire de Mother, tué par le grand méchant du jeu, scène enrobée jusqu'au cou d'un discours propagandiste absolument écoeurant sur les USA, la nation des justes et des héros-qui-protègent-le-monde-des-immondes-musulmistes. De deux choses l'une: vouloir rendre hommage aux hommes des forces spéciales est très louable en soi, mais si c'est pour le faire d'une manière aussi niaise, il eu mieux valu s'en abstenir, ou au moins étendre cet hommage a l'ensemble des forces spéciales mondiales. Sans parler que ce discours pro-américain, on nous le fait bouffer dans la quasi-totalité des FPS qui sont sur le marché à l'heure actuelle.

Et le multijoueur? Sans aucun scénario prédéfini, il permet a deux équipes de 10 joueurs de s'étriper sur huit cartes conçues a partir des environnements de la campagne solo. Il permet d'incarner des forces spéciales d'un certain nombre de pays différents; les SAS anglais, le SOG suédois, le GROM polonais, et ainsi de suite avec l'Australie, le Canada, l'Allemagne, la Russie, la Norvège, la Corée du Sud, et trois autres rien que pour les USA.

Oui je sais. A ce stade du test, en bon français, on est en droit de hausser un sourcil et de se demander pourquoi les français sont absents.
Ne me le demandez pas, je n'en ai absolument aucune idée. Allons, sans donner dans un chauvinisme notoire, il faut rappeler que la France compte parmi les premières puissances militaires mondiales et que la valeur de nos soldats n'est plus a prouver, encore moins celle de nos propres forces spéciales (les commandos de Marine, le 1er RPIMa..). Alors on peut légitimement trouver ça étrange de les voir ainsi boudées sans explications alors que des pays beaucoup moins présents de ce point de vue sont, eux, représentés.

Mais passons. Le multijoueur permet de jouer six classes (le sniper, l'assaillant, le démolition, l'homme de pointe, le "forces spéciales" et l'artilleur), qui sont multipliées par autant de factions qu'il y en a en jeu. Ainsi, chaque niveau passé avec l'expérience accumulée en jeu permet de débloquer un soldat d'une certaine classe appartenant a une unité prédéfinie, ce qui fait 72 soldats a débloquer. L'accent est mis sur la personnalisation des armes, toutes appartenant au matériel utilisé par les vraies forces spéciales, et customisables jusqu'au dernier boulon. Canon, optiques, receveur, chargeur, camouflage, accessoires, freins de bouches, on peut bricoler son arme préférée a souhait et s'adonner aux joies du gun porn.
Les modes de jeux? Du match a mort, une variante du mode conquête et une autre du mode Ruée de Battlefield et quelques autres a base d'objectifs a défendre, rien de bien transcendant, mais de toutes façon l'étroitesse des cartes n'incite pas a faire autre chose que du match a mort.
Et là aussi, on réitère les mêmes bonnes idées, et les mêmes bourdes. Le gameplay multijoueur repose sur un duo de joueur qui pourront se ravitailler et se soigner mutuellement, encourageant a travailler avec son camarade. Mais malheureusement, le multijoueur est encore plus bugué que le solo, le netcode est a pleurer et on se sent rapidement a l'étroit sur les huit cartes qui excèdent rarement les 300 m². La balistique est plus aléatoire qu'autre chose et malgré une flopée de patchs ayant suivi la sortie catastrophique du jeu, c'est un problème loin d'être réglé, un grand nombre de balles étant nécessaire pour fragguer qui que ce soit, a moins de jouer en extrême.

Vous l'aurez compris, Medal of Honor Warfighter est donc très mitigé. Et comme son prédécesseur, pour peu que l'on soit fan de la licence, on se sent rapidement désolé pour ce jeu qui accumule les erreurs de débutant avec un grand nombre de bonnes idées.
A la question: est-ce que ça vaut le coup de le prendre? Je répondrais, tout dépend. Sachez que malgré les bugs que je viens de citer, le multijoueur est encore bien peuplé, et il reste cependant jouable sans trop de problèmes; et le solo offrira un divertissement efficace pour peu que vous ne soyez pas trop regardant. D'autre part, les ventes catastrophiques du jeu ont entraîné une dégringolade des prix spectaculaire, qui permettent de se le procurer pour cinq euros un peu partout. Donc, si le jeu ne vous plaît pas, ça ne sera pas une grosse perte. Mais soyez prêt a jouer a un soft qui aurait eu désespérément besoin de plusieurs mois de développement supplémentaires avant sa sortie, et qui a été complètement abandonné suite au désastre de son accueil par le public et la presse.
VlocipdeAquatiq
5
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le 25 sept. 2013

Critique lue 287 fois

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