Metal Gear Solid
8.5
Metal Gear Solid

Jeu de Konami (1998PlayStation)

Metal Gear Solid fait partie de ces titres cultes, de ceux qui ont considérablement gravé leur marque dans l’industrie toute entière. On passe rapidement sur le fait qu’il est à l’origine de tous les jeux d’infiltration modernes, même si les épisodes MSX avaient déjà tout compris, mais Kojima a surtout réussi à donner une nouvelle direction au jeu d’action en rendant possible l’expérience cinématographique dans un jeu vidéo. Concrètement, c’est avec Metal Gear Solid qu’on a pu se rendre compte des capacités des jeux en 3D, à savoir mettre en scène de véritables séquences en se servant des codes du cinéma.


Mais Metal Gear Solid, ce n’est pas seulement des prouesses techniques 3D. Psycho Mantis, Sniper Wolf, Gray Fox, Revolver Ocelot… Autant de noms qui ont donné au jeu ses lettres de noblesse, des noms qui sont entrés au panthéon des personnages les plus connus de la saga et même du jeu vidéo. A l’exception de certains comme The Boss ou Raiden, les autres épisodes n’ont jamais réussi à concrétiser cet état de grâce qui réussissait à lier le charisme de ses personnages avec une caractérisation qui frisait certes avec le grand guignolesque (Raven et ses discours chamaniques, Liquid Snake et sa motivation de maternelle) mais qui arrivait avec brio à se mélanger avec un pur script d’espionnage qui ne laissait pourtant pas échapper ses invraisemblances et ses retournements de situations épiques. Autant dire qu’à notre époque, réaliser un film d’envergure avec un scénario pareil serait suicidaire quand on voit les haters réagir violemment dès que l’on pousse le bouchon de la crédibilité un peu trop loin.


Pourtant, Metal Gear Solid a du charme. Il bénéficie de ce curieux mélange de kitsch naturel poussé par une sincère volonté de son créateur de parler de choses qui lui tiennent à cœur, notamment de mettre en place le thème principal de la saga, à savoir l’héritage du patrimoine, le danger des nouvelles technologies militaires (qui seront développées à chaque épisode avec les sociétés militaires privées dans le 4 par exemple) ou encore le clonage. Même si on sent une certaine volonté pacifiste à travers ses jeux, il n’aura pas la possibilité de mettre toutes ses idées dans ce premier épisode, mais se rattrapera pour le second, en insistant bien sur la possibilité de ne tuer personne dans le jeu (chose impossible dans le premier). Et c’est surtout dans son attention aux détails en tout genre que Metal Gear Solid a su profiter d’un statut de jeu culte bien particulier. On se souvient que les développeurs aiment cacher des secrets dans leurs jeux (souvenez-vous des nombreuses cachettes de Wolfenstein). Kojima n’hésitera pas à ajouter plein de subtilités apparemment anodines mais qui auront une incidence sur le gameplay : les traces de pas sur la neige détectées par les gardes, le fait que Snake puisse éternuer et se faire repérer s’il ne prend pas de médicaments, l’utilisation de la cigarette pour détecter des lasers, la possibilité d’aborder les boss de plusieurs façons différentes, les magazines érotiques pour faire diversion…


C’est ici aussi que Kojima prend un malin plaisir à s’amuser avec le joueur. La confrontation contre Psycho Mantis, brisant le quatrième mur, est certainement le plus bel exemple, celui qui représente le mieux l’esprit de Kojima : celui d’un créateur qui ne cesse de s’amuser avec son média. Le jeu enchaîne les moments de bravoure, et propose aussi un arsenal conséquent, forçant le joueur à se creuser les méninges pour passer certains passages, intégré dans cette construction très « konami-esque » où l’avancée de l’histoire permet de débloquer des zones en se servant des clés magnétiques ou d’armes pour solutionner un casse-tête. Nombre de petites énigmes soulignent encore une fois le côté ultra-ludique du jeu : la traversée du champ de mines avec l’aide du mystérieux Deepthroat, le couloir électrifié en dirigeant le missile Nikita, le combat dans l’ascenseur contre les soldats invisibles, la salle de stockage où on devait taper sur le mur pour distinguer celui qui était creux, l’énigme de la carte magnétique qui changeait de couleur suivant la température… Autant de petites trouvailles de gameplay qui ne perdaient jamais en qualité et qui se permettaient d’être glissées au cœur d’un scénario qui ne cessait de surprendre tout en étant passionnant à suivre.


Les boss n’étaient pas en reste. Je parlais plus haut du charisme des protagonistes, mais tous les affrontements de boss de Metal Gear Solid restent en mémoire parce que les combats étaient souvent homériques et se réglaient de plusieurs façons. On se souvient du magnifique duel avec Sniper Wolf au milieu d’un terrain enneigée, de l’affrontement avec un Hind en haut d’une tour de communication, du clash avec Vulcan Raven en pleine salle frigorifique ou encore du duel à mains nues sur les ruines du Metal Gear REX. Autant de situations purement cinématographiques, et qui donnaient au joueur l’illusion de participer à une histoire incroyable. Mauvaise foi pour ceux qui parlaient à l’époque d’un jeu blindé de cinématiques : ce n’était pas encore l’état de MGS4 (bien trop pompeux et bavard) et ce premier épisode arrivait à trouver l’équilibre parfait entre cinématiques purement illustratives qui récompensaient le joueur et séquences de gameplay d’une inventivité sans faille.


Metal Gear Solid est peut-être le jeu le plus représentatif de l’ère PLAYSTATION. Il est celui dont tout est parti, le jeu qui aura su prouver au monde vidéoludique que oui, on peut très bien raconter une histoire passionnante avec énormément de cinématiques sans pour autant sacrifier le gameplay. Et tout ça avec une maîtrise des codes du cinéma et une inventivité sur le gameplay qui fait encore aujourd’hui figure de modèle du genre. Au-delà d’avoir acquis son statut d’ancêtre du jeu d’infiltration, Metal Gear Solid est certainement le tout premier jeu AAA moderne de l’histoire du jeu vidéo.

Cronos

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