Il n'est jamais facile de conclure une histoire, d'en finir avec un héros devenu culte, et c'est pourtant ce qu'a tenté de faire Metal Gear Solid 4 (mais visiblement ce n'est pas encore fini puisqu'un 5ème opus devrait être présenté prochainement). Avec pas mal d'arrogance et de suffisance, mais aussi avec une réelle volonté de contenter les fans.

Incompréhensible pour les non-initiés et pour ceux qui auraient la mémoire un peu défaillante, le scénario de MGS4 fait tout pour perdre son spectateur, entre l'absence d'un "codex" récapitulatif, l'utilisation d'un jargon très précis et de nombreux acronymes pas très évocateurs (je plaide coupable, je ne retenais jamais les noms des systèmes informatiques) et de longues cinématiques qui évoquent autant l'utile que le totalement inutile, on s'y perd très vite. Surtout que le jeu tente de brasser au maximum l'ensemble des protagonistes intervenus dans les précédents opus (avec d'ailleurs très peu de nouveaux persos), et qu'il faudra être capable de bien visualiser les différentes interactions entre tous ces braves gens pour comprendre ce qui se passe à l'écran. Mais soit, c'est un opus pour les fans, et au fond ça se comprend.

Mais ce n'est pas parce que le jeu est destiné aux fans qu'il faut tomber dans la facilité et jouer la carte de la nostalgie pour émouvoir ceux-ci. Entre les actes entiers qui semblent calqués sur des jeux précédents, les boss qui repompent le concept de leurs prédécesseurs (ou au moins leur thématique) et les musiques reprises telles quelles, on peut dire que Kojima a été un peu trop loin. Même si, effectivement, ça fonctionne, c'est assez jouissif de revoir certains environnements, de réentendre certaines pistes ou de rejouer une certaine séquence avec les graphismes d'époque, mais j'attendais peut-être un peu plus de subtilité.

D'un autre côté, cela peut être vu comme un moyen de conscientiser le joueur à la vieillesse de Solid Snake. Touché par la nostalgie lui aussi, tout cela l'émeut et lui rappelle bien des choses, alors qu'il constate que les choses ont pourtant bien changé. Comme le dit Otakon, plus besoin de changer de CD, et la guerre a bien changé. le temps n'est plus aux espions et aux agents secrets, mais aux lourdes machines de guerre et aux nanotechnologies. Et Snake, tel le joueur, se sent un peu perdu par rapport à tout ça (on le ressent vraiment bien dans les actes 1&2). Et Snake, tel le spectateur, sera ému en revoyant Shadow Moses tel qu'il l'avait laissé neuf ans auparavant. Dévasté, vidé et portant toujours les stigmates des combats qui y eurent lieu, l'endroit est semblable à la plupart des personnages que Snake aura l'occasion de revoir, et à lui-même en fait. En ce sens, MGS4 est un jeu assez profond et touchant.

Et c'est sûrement beaucoup moins voulu, mais le gameplay semble lui aussi "vieilli", malgré l'assouplissement certain depuis MGS3, on constate toujours les mêmes lacunes, et elles semblent de moins en moins pardonnables. L'IA des gardes est à la fois trop bonne et vraiment exécrable. Difficile de leur échapper dans certaines zones tant ils tendent à fouiller un peu partout, et tant le temps d'alerte est long, et difficile de se faire remarquer quand on opte pour l'approche "semi-furtive" : endormir au pistolet un à un les gardes. Quand bien même ils auraient des collègues à leurs côtés, ceux-ci ne le remarqueraient pas. Et l'approche totalement bourrine est aussi tout à fait possible désormais, tant Snake croule sous les objets de soin et a accès à de nombreuses armes très puissantes. Le jeu force d'ailleurs souvent le joueur à nettoyer des zones, sauf que ça ne marche pas : MGS n'a pas le gameplay pour être un TPS efficace, et ce n'est tout simplement pas ce qu'on attend d'un jeu de cette série. Mais Kojima Production a visiblement perdu en inspiration au niveau de ses phases de gameplay : alors que le premier opus était un modèle de variété et de renouvellement, MGS4 ne propose que quelques pauvres phases d'infiltration, entrecoupées de TPS et de rail shooter bas de gamme (mais très joli au demeurant). En fait, entre la moitié de l'acte 2 et le début de l'acte 5, il n'y a plus vraiment d'infiltration.

Et l'autre élément qui faisait la force de MGS premier du nom, c'était ses boss. Charismatiques, profonds, intéressants tant au niveau de leur background que du modus operandi nécessaire pour les vaincre, chacun d'entre eux était profondément marquant. MGS2&3 s'en tiraient moins bien, mais avaient également leur lot d'antagonistes épiques. Et dans MGS4, c'est le drame : les boss sont montrés une fois au début du jeu, puis ne réapparaissent que pour le combat leur étant alloué, et leur "histoire" est présentée en codex une fois qu'ils sont vaincus. Super pour susciter une forme d'empathie chez le joueur. N'ayant qu'une vocation purement "gameplayesque", on ne s'y attache donc pas vraiment, et ils sont aussi vite consommes qu'oubliés, dommage.

Un scénario inutilement complexe, une mise en scène qui alterne entre le poussif et l'excellent, un gameplay affiné, mais toujours autant de problèmes non résolus et des boss aussi sympathiques à affronter que peu intéressants pour le background, MGS4 souffle le chaud et le froid. Et pourtant, malgré certains moments pénibles, c'est un jeu qui réussit à émouvoir, à toucher le joueur. De manière assez basse, en appuyant bien sur la fibre nostalgique, mais aussi en exploitant parfois à merveille son immense réservoir de personnages charismatiques. Le fan-service, ça a du bon, et c'est ce qui rend ce MGS4 au final mémorable. Pas un grand jeu, pas un jeu qui bouleverse ou transcende les codes du jeu vidéo comme ses ancêtres ont pu le faire, juste un jeu jouissif, à faire si on a apprécié les autres.
Floax
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le 31 mai 2013

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