Après un MGS IV un brin décevant, mais supposé être une conclusion à la saga, MGS V revient donc sur le passé de Bis Boss pour révéler un nouveau pan de l'histoire de la saga, au final pas décisif dans le déroulement de l'intrigue globale.


Quelques années après les évènements de Peace Walker, Big Boss revient donc pour lutter contre Cipher, dans un contexte de guerre froide mêlant problèmes nucléaires, propagande, et manoeuvres des grandes puissances dans des pays du Sud, le tout rappelle de prime abord Metal Gear Solid 3, mais les similitudes s'arrêtent presque là, tant la galerie de personnages, les thématiques profondes du jeu ainsi que son gameplay diffèrent de ses ancêtres.


Fini les jeux ultra linéaires, les cinématiques interminables, la narration continue et les combats de boss épiques, la formule de Metal Gear Solid V est bien différente, ce qu'on pourrait à priori considérer comme une trahison du "style", mais après tout, pourquoi pas.


Le jeu est donc axé sur l'open world, et le tout est assez cohérent puisque tout est pensé en ce sens : le Boss se déplace librement dans l'espace de jeu et enchaine les missions principales, tout en alternant avec des petites missions annexes ou des objectifs tels que la chasse ou la cueillette. Mais la conséquence logique lorsqu'on procure trop de liberté au joueur, c'est que le rythme en pâtit, et ce à plusieurs niveaux : les trajets sont souvent trop longs (ce qui pousse à surutiliser l'hélicoptère et ses longs temps de chargement), l'ensemble est très décousu, le scénario passe trop souvent au second plan et le trop grand découpage des missions casse souvent l'immersion procurée par les meilleures séquences (les fameux "à suivre" après un cliffhanger et le retour tranquille à l'hélicoptère ou sur Mother Base). C'est quand même dommage tant ses illustres prédécesseurs maitrisaient cet aspect et donnaient l'impression d'une dynamique constante dans la narration, tout s'enchainant de manière assez fluide.


Et sur les trente missions que compte le premier chapitre, les 2/3 ne serviront au final presque à rien en vue de faire avancer le scénario, la plupart ne disposant même pas de cinématiques. On se sent presque dans un GTA, avec des déplacements vers les zones de mission, le petit briefing, et l'enchainement direct sur la mission en elle-même au sein du monde parcouru, conclue par une petite évaluation, sans que l'ensemble ne serve vraiment à faire avancer le déroulement du jeu la plupart du temps. (et le tout avec des campements ennemis à capturer tous les 100m comme dans Far Cry 3/4) Le souci aussi, c'est que les missions en question se répètent beaucoup dans leurs objectifs et le gameplay proposé (alors que jamais un personnage de MGS n'a eu autant de possibilités de gameplay à sa disposition) : éliminer une cible, détruire des chars ennemis, secourir des otages/enfants, les 3/4 du temps en infiltrant un village/une base aux caractéristiques similaires.


Le jeu propose en fait aux joueurs de multiples approches pour ses missions, avec l'aide des coéquipiers (le cheval, le sniper, le robot, le chien), d'un hélicoptère, le largage d'autres objets/armes en cours de mission, les différents gadgets, l'appel d'une escouade armée ou même les véhicules. Mais l'esprit du jeu tient quand même plus de l'infiltration que de l'action, et on est quand même souvent incité à rester discret et, au final, à utiliser toujours les mêmes techniques (faire diversion, endormir quelques soldats en chemin et/ou les interroger, et s'infiltrer). Peut-être ai-je été un peu paresseux en n'exploitant pas tout l'arsenal de possibilités à ma disposition, mais j'estime que c'était au jeu de me mettre dans des conditions suffisamment variées que pour me forcer à apprécier l'étendue de son gameplay. Au final, les affrontements avec les soldats, que ce soit en Afrique ou en Afghanistan, sont pratiquement les mêmes du début à la fin, et seul deux petits boss viennent rompre la monotonie et permettre une autre approche de combat.


Et au final, l'open world, malgré sa taille gigantesque, ne permet pas assez de variété dans les approches et paysages parcourus (surtout en Afghanistan pour le coup), au final le plus conseillé sera de monter sur une colline pour analyser la base et d'y pénétrer par une entrée un peu dérobée. Même au niveau du background, le terrain n'est pas assez exploité et le contexte (géopolitique) des trois pays visités n'a presque aucune influence sur l'histoire du Boss, alors qu'il y avait de quoi faire avec l'intervention soviétique ou les manœuvres assez troubles entre le Zaïre et l'Angola (avec l'intervention des puissances étrangères). Du coup je me suis parfois demandé pourquoi avoir choisi ces pays-là si c'était pour exploiter aussi peu leurs spécificités.


Et si je semble assez critique vis-à-vis du jeu, cela n'amoindrit pas pour autant le plaisir ressenti au cours de ma progression, parce que le jeu est tout simplement l'un des plus aboutis et pertinents dans son gameplay : tous les mouvements du Boss sont instinctifs, et armes, gadgets, véhicules, partenaires répondent au doigt et à l'oeil, et avec une fluidité impressionnante. Le jeu a beau être répétitif, l'incursion dans les bases ennemies reste néanmoins un plaisir, grâce à l'IA et aux divers événements qui rendent le jeu aussi vivant que crédible : pluie torrentielle, la nuit qui tombe, une patrouille qui débarque dans le poste ou un prisonnier qui s'évade, et tant de possibilités de trouver une faille dans l'organisation de la base ennemie, de les prendre à contre-pied, avant de laisser des indices d'une présence ennemie et de voir les comportements des gardes modifiés et leur vigilance accrue. Ceux-ci fouillent les zones minutieusement, ont des rondes qui changent au fil de la journée, communiquent pour traquer le joueur, s'inquiètent parfois trop pour des détails pour ne laisser aucun répit au joueur infiltré, et ces phases procurent une dose de stress assez grisante et au final l'infiltration n'a jamais été aussi intéressante dans un MGS.


Et puis il y a les phases de gestion, avec Mother Base, aussi anecdotiques que chronophages, avec tous les chargements qu'elles impliquent (trajets + accès aux menus). L'idée de développer sa propre base, avec son armée, son équipement et de voir le tout progresser est assez rigolo, mais au final parcourir Mother Base n'a aucun intérêt et on ne tisse pas vraiment de liens avec nos soldats, au final à part vers la fin quand le scénario nous pousse à nous y intéresser, on peut tout à fait passer la majorité du temps en négligeant la gestion de la base.


Et puis parfois, la patte Kojima refait surface, la mission se fait plus imprévisible, mieux scénarisée, incorporée au scénario global du jeu ou de la série et malgré tous les travers évoqués plus haut, le plaisir de jeu est indéniablement là et souvent fond et forme se complètent parfaitement. Et c'est pour ça que j'ai bien aimé ce jeu globalement, même si j'étais bien conscient de toutes ses tares. J'ai aimé le méchant et ses motivations, entendre les chantonnements de Quiet au cours des missions, traverser une jungle en me dérobant aux tirs de snipers ennemis, la réflexion sur le langage et le pouvoir des mots, exfiltrer un tank ennemi par surprise ou combattre un ours. Septante heures de jeu, sans doute 20, voire 30 de trop, mais tellement de séquences géniales, de fascination devant un background global aussi développé, cohérent et réussi, et un sentiment au final de déception profonde, parce que ça aurait pu être tellement meilleur. Un jeu qui rend un peu schizophrène, comme mon texte l'est sans doute.

Floax
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le 25 avr. 2016

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Floax

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