Dernier volet de la trilogie des Prime, Corruption met en scène l'ultime combat de Samus contre le Phazon. Ce choix scénaristique rend l'épisode Echoes encore plus raté, car il ne s'intègre que très mal dans cette trilogie, le Phazon n'ayant qu'un impact minime dans le deuxième volet. A l'inverse, cette suite le remet à l'honneur, car il fait désormais partie intégrante de la combinaison de Samus, et se retrouve présent dans plusieurs mondes de l'univers.


Si pour moi ce dernier volet aurait aussi bien pu s'appeler Evolution, c'est parce qu'il marque définitivement la séparation entre l'ancienne formule Metroid et la nouvelle. Les premiers épisodes étaient très simples au niveau du scénario, et reposaient principalement sur l'exploration d'une planète hostile afin d'exterminer une menace et/ou enquêter. Le premier volet des Prime n'échappe pas à cette règle, mais commence malgré tout à inclure des éléments d'histoire par le biais de récits/journaux disséminés à travers le monde. Fusion est l'initiateur de cette séparation, en instaurant un système d'objectifs donnés par une IA, et un monologue interne de Samus. Echoes s'engage dans cette continuation, en intégrant des êtres vivants qui s'adressent à notre héroïne et là aussi donne des objectifs. Dans un cas comme dans l'autre, cela cloisonne de façon assez flagrante la progression. Si c'était déjà le cas dans les volets précédents, c'est encore plus flagrant lorsqu'on nous en donne l'ordre.

Corruption pousse ce système à son paroxysme. S'il est au crédit de Retro Studio d'avoir voulu changer de formule pour éviter un sentiment de déjà-vu (une énième planète inconnue), il est évident que cela ne pouvait se faire sans inconvénients. Ainsi, le jeu possède une histoire, avec des objectifs et des dialogues. Tout au long du jeu, vous recevez des instructions d'une IA qui vous dira quoi faire et où aller. Vous n'êtes pas seul.


C'est pourtant ce côté chasseur solitaire qui allait bien à Samus, et qui faisait des Metroid des jeux avec une ambiance si unique. Ici, vous ne pouvez pas ramasser un objet ou atteindre une zone sans qu'une voix ne retentisse dans votre tête. Si cela peut aider les nouveaux joueurs qui ont peur d'être perdus, cela devient vite agaçant pour un certain nombre de raisons.

La plus évidente c'est qu'elle vous empêche de penser par vous-même : vous devez aller à tel endroit parce que ce sont les ordres. Peu à peu, on perd le réflexe d'admirer le décor et le sentiment propre à l'exploration tant le chemin est balisé. On se contente de suivre les instructions comme un gentil soldat.

De là découle mon deuxième reproche : Samus est mercenaire ou chasseuse de prime ? La différence est certes mince, mais réside à mon sens dans l'absence de hiérarchie dans le second cas. Et pourtant, on vous bombarde d'ordres comme si vous étiez un simple soldat, ce qui est inconcevable pour un chasseur de prime, lequel n'a pas de comptes à rendre. On notera d'ailleurs qu'à aucun moment on ne parle de récompense ni d'argent, et qu'à la fin la belle se contente d'un « mission complete » avant de disparaître sans passer par la case départ et toucher ses 20 000 francs.

Troisième problème, c'est qu'une fois que vous aurez été largement abruti par le matraquage incessant de l'IA, celle-ci vous donnera parfois des objectifs que vous ne pouvez accomplir avant un bon moment, sans le préciser. Pire, elle vous en donnera plusieurs, avec aucun réalisable. Si le système d'indice a été conservé, il est d'autant plus pénible qu'il se confond avec les objectifs, vu qu'il n'y a aucune distinction entre les deux. Autrement dit, vous pouvez être coincé dans le jeu parce que vous suivez les indices.

Dernier reproche, c'est que ce matraquage intervient très régulièrement, mais ne peut être évité, car il est impossible de scanner un objet ou une créature lorsqu'un message s'affiche.


Toutefois, le scénario, bien que simple, est agréable et donne un peu de fraicheur à une série qui avait (peut-être) besoin de renouvellement. Des personnages secondaires sont introduits dès le début du jeu (d'autre chasseurs de prime) et même si leur background est très convenu (ils vont vous aider, puis être corrompus donc vous devrez les tuer) il peut plaire à ceux qui trouvaient l'interaction humaine trop ténue dans les précédents volets.


Passons au second point qui est le plus marquant dans Corruption : le gameplay. Le jeu conserve le moteur des autres Prime, mais adapté pour la manette Wii. Le résultat est très réussi, car il combine une grande liberté dans le mouvement et une excellente précision pour le tir. De plus, le système est plutôt bien exploité au travers d'actions où il faudra agiter soit la wiimote, soit le nunchuck (mouvement de lasso, pompes, rotations...) ou tout simplement viser sur l'écran pour taper sur un digicode.

Côté interface, on perd l'indicateur de danger (dommage) mais les menus sont très clairs, faciles d'utilisation et plutôt jolis. Mon seul regret est la qualité des informations qui y sont stockées, car les explications manquent parfois de clarté, ou sont incomplètes ; je pense notamment à l'utilisation de l'hyperphase.

Comme d'habitude, le jeu possède son lot d'améliorations d'armure à ramasser, qu'il s'agisse des incontournables (boule araignée, missiles...) ou au contraire d'innovations qui exploitent très bien les possibilités de la Wii (le lasso principalement).

Autre surprise agréable, la possibilité de monter dans le vaisseau de Samus (qui a subit un relooking au passage, résultat plutôt moche), afin de se déplacer entre les différentes zones/planètes. Il est également possible d'y faire appel à certains moments pour bombarder une zone ou attraper de lourds objets avec un système de treuil.

Le problème de ce système, qui d'ailleurs remplace les ascenseurs de transitions entre les zones, c'est qu'il donne encore plus l'impression d'un monde cloisonné. En effet, la plupart des zones/planètes sont indépendantes et l'on ne peut naviguer entre qu'avec le vaisseau. Et bien souvent, on se rend compte qu'on évolue dans un long couloir où très peu de choix s'offrent au joueur sur la direction à prendre. Pire encore, on retrouve le principe une planète = un boss, et chaque boss s'affronte dans une même arène identique.

Le dernier point de gameplay intéressant est l'hyperphase. Très rapidement dans le jeu, l'on obtient une amélioration d'armure qui nous permet d'utiliser notre énergie afin de tirer du Phazon pur. C'est ce principe qui régit le plus la difficulté du jeu, car plus vous vous en servez, plus vite vous mourez, mais plus vite l'ennemi tombera lui aussi. Tout réside alors dans l'utilisation parcimonieuse de l'hyperphase, d'autant que régulièrement, l'armement deviendra corrompu, vous mettant en danger si vous n'évacuer pas vite tout votre Phazon.

Si le système est assez obscur au départ (manque d'informations que j'ai évoqué) et peut rendre frileux quant à son utilisation, il facilite grandement la vie une fois maîtrisé. On remarque alors que la difficulté vétéran est équivalente au « normal » des autres jeux, et qu'encore une fois (grrr) il faudra terminer le jeu pour pouvoir y jouer en difficile.


Au niveau de l'ambiance, je dirais que le résultat est réussi. Les décors, sans vraiment être marquants (à part Phaze/Celestia) sont corrects, tout comme la bande-son qui les accompagne. Comme souvent, on a le droit à d'anciens thèmes remixés, et un (faible) lot de nouveaux morceaux qui marqueront la série. Les effets visuels sont à mon sens moins exploités que dans les volets précédents (vapeur, liquide) mais c'est une remarque assez anecdotique tant leur importance est négligeable. Sinon, les combinaisons de Samus sont plutôt jolies, pas autant que sur le premier volet, mais largement plus que les affreuses d'Echoes.

En revanche, le jeu a un très gros souci d'optimisation. Si les chargements étaient relativement courts sur les premiers Prime, ils sont ici affreusement longs. Il faut un temps considérable pour aller du menu Wii au fichier de jeu, et du fichier de jeu jusqu'au moment où l'on peut enfin se déplacer. Si cela est à la rigueur supportable entre les zones, c'est en revanche beaucoup plus pénible lorsqu'il s'agit d'attendre qu'une porte s'ouvre. Il est arrivé dans les volets précédents qu'ouvrir une porte prenne entre trois et dix secondes. Soit, mais c'était une porte sur cent. Ici, au moins la moitié des portes met plus de cinq secondes à s'ouvrir. Plusieurs prennent plus de dix secondes. Peut-être même vingt. Vingt secondes à chaque fois que l'on passe la porte, et ce n'est pas forcément parce que la salle est grande. Intolérable.

Le scan est aussi touché par le phénomène : certains résultats ne s'affichent pas tout de suite, et l'ont est contraint d'attendre plusieurs secondes pour que le jeu charge le texte, ce qui n'était encore jamais arrivé dans un Prime.


Dernier point, la durée de vie. Comme d'habitude, entre 15 et 20h pour le finir la première fois dans une difficulté raisonnable (vétéran qui correspond à normal) et quelques heures de plus pour tout collecter. Le jeu propose bien évidemment de recommencer en difficile, mais sans avoir à recréer de fichier de sauvegarde, car les analyses/boss vaincus donnent des crédits qui sont conservés. Ces crédits servent à débloquer des galeries d'images, la bande-son du jeu, et des goodies (Mii, ornements pour le vaisseau). Pas trop mal pensé, si ce n'est que certains ne peuvent être acquis que via des échanges avec des amis. Pour un jeu un joueur, c'est presque un comble.


Malgré ses nombreux défauts et un choix de scénarisation contestable, Corruption est un bon jeu. La prise en main est simple, agréable, l'histoire s'enchaine sans temps mort et présente un défi tout à fait correct, sur la longueur comme sur la difficulté. Retro Studio parvient à faire oublier le raté d'Echoes en proposant une aventure plaisante quoique prévisible. Bien loin derrière le premier Prime du nom, ce troisième volet reste néanmoins un Metroid avec des qualités, qui marque la transition vers une nouvelle formule. Formule que l'on retrouvera dans son successeur, Other M.

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le 23 juil. 2011

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Schuntly

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