Miasmata
6.1
Miasmata

Jeu de IonFX (2012PC)

La trouille au grand air, belle idée qu'exploite de plus en plus le genre survival horror (ou ce qu'il en reste) : on a frissonné dans Alan Wake, sué dans Downpour, paniqué dans le chapitre final de Condemned et ses champs perdus quelque part au bout de la nuit. Pourtant, restait encore à trouver le jeu qui aurait le culot de se dérouler intégralement à ciel ouvert ; de baser son concept même sur l'extérieur, ce drôle d'endroit sans pièces carrées ni fer rouillé où, a priori, il n'est pas évident de susciter la peur. Le pari était double pour Miasmata : d'une part réussir à rendre inquiétantes des collines verdoyantes, d'autre part construire un système qui fasse tenir debout cette idée originale d' « open world survival horror ». Le joueur se retrouve débarqué, seul et malade, sur une île désertée de ses occupants. Son objectif à court terme est de survivre, en récoltant des plantes qui lui permettront de concocter des remèdes à consommer régulièrement, et en buvant l'eau douce des nombreux étangs qui parsèment l'île. A long terme, il s'agit de trouver une sorte de trésor caché sur l'île, dont une série de documents trouvés les uns après les autres permettent de se rapprocher. C'est ici qu'entrent en jeu les idées d'exploration et d'orientation : le joueur peut, d'un simple clic, désigner des éléments de décor alentour lui permettant de trianguler sa position sur l'île et de dévoiler sa position sur sa carte.

En termes de système pur, le jeu fonctionne assez bien. On comprend vite comment faire fonctionner ce fameux truc de « triangulation », belle idée exploitée et vulgarisée avec un panache certain : les points de repère sont facilement identifiables et, en fonction de ceux qu'on choisit, le personnage trace sous nos yeux les lignes lui permettant de déduire sa position actuelle. Le procédé est obligatoire pour dessiner la carte au fur et à mesure (l'aire située autour de la position déterminée devient connue) mais aussi, plus généralement, pour savoir où on se trouve à un instant T : pas d'icône « Vous êtes ici » en appuyant sur Tab. L'aspect survie est quant à lui assez bien assuré par le système de récolte et de préparation, important sans être casse-pieds, qui met la juste dose de pression sans bousiller le rythme (pas besoin de partir à la cueillette ou de se shooter toutes les cinq minutes). La part belle est laissée à l'exploration, à une sorte de promenade solitaire et pesante où on s'arrête surtout pour sortir sa carte et vérifier qu'on est sur le bon chemin. On prend le temps d'apprécier, notamment, la démarche un peu lourde et perdue du personnage, qui avance à petits pas, tourne avec timidité, et peine à gérer son allure dans les descentes trop raides : une certaine idée du « body awareness », où on réféchit toujours avant de monter, mais aussi avant de descendre. Cette gestion des déplacements donne lieu à quelques moments réellement magiques, quand, poursuivi par une menace invisible ou impatient d'atteindre un abri avant la nuit (noire), on dévale un sentier escarpé, quand on se rend compte qu'on cavale beaucoup trop vite et qu'on n'arrive plus à s'arrêter, et enfin qu'on finit par littéralement se viander pour finir le reste du dénivelé en triple tonneau rotatif. Arrivé en bas de la pente, on se relève en chancelant et en soufflant comme un vieillard épuisé.

Cette image du vieillard épuisé participe de la sensation de survie qui émane du jeu ; plus roublarde, elle pourrait aussi et malheureusement en désigner d'autres pans, qui renvoient bien sûr à la condition du jeu « indé » en général, à savoir donc fauché, pauvre, fragile parfois. Il manque peu à Miasmata pour être une vraie réussite, mais ce qu'il lui manque est encore trop important pour que l'on adhère pleinement au trip. Pas de miracle au niveau de la 3D temps réel : l'île est grande, on s'y perd aisément, techniquement ce n'est pas vilain, mais le jeu paie cher son anonymat artistique. Dans le meilleur des cas, le visuel est impersonnel ; dans le pire, il est carrément laid, fade, et fréquemment l'ambiance se bousille elle-même par le triste panorama d'un assemblage disgracieux de textures en mode « Unity default », de couleurs mal choisies ou d'un relief paresseux taillé à la hache épaisseur 92. Par sympathie, on ne s'attardera pas non plus sur l'aspect « Ile de Pâques mutante », avec cette omniprésence de monuments utiles à la triangulation qui finissent par faire tache dans le paysage et détruisent la cohérence pourtant parfois touchée du doigt dans certaines zones isolées. Il faut une bonne dose de tolérance, et de capacité d'abstraction, pour voir en Miasmata l'enfer naturel pensé par ses créateurs. La peur est là, et parfois elle est très bonne, mais on voudrait se débarasser d'une autre peur : celle d'imaginer que ce genre de concept brillant et finalement bien exécuté soit à jamais cantonné à des productions fauchées, que le plaisir s'arrête là où il n'y a plus d'argent. C'est la bête noire du jeu indépendant, celle qui rôde sur l'île et vous attaque au moment où vous vous y attendez le moins, toute moche et mal animée, celle qui vous fait vous dire en culpabilisant que Far Cry 3, au moins, y a du pognon dedans.
boulingrin87
6
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le 7 mars 2013

Critique lue 626 fois

9 j'aime

Seb C.

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9

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