Muv-Luv
6.5
Muv-Luv

Jeu de Yoshimune Kouki, ixtl, Age, Degica, 5pb. et Sekai Project (2003PC)

Comment aborder une œuvre comme Muv-Luv ? C’est la question qui me taraude depuis que j’ai pris la décision d’en faire une critique, et il y a de nombreuses à ça.
Déjà ne serait-ce que la nécessité de prendre en compte qu’il là s’agit de l’introduction à ce qui est largement considéré comme l’un des meilleurs visual novel jamais écrit. Sa suite - Muv-Luv ALTERNATIVE - jouit en effet d’une des réputations les plus éclatante du médium, et même moi doit admettre n’avoir lu Muv-Luv que parce qu’il s’agissait du prémisse obligatoire à la lecture de cette dernière.
Mais la raison première, celle qui me rend l’exercice de cette critique si difficile, est que Muv-Luv est complètement différent - que ce soit en termes d’ambiances, de thématiques et même de qualité – de l’image que l’on m’a fait miroité de sa suite tant portée aux nues.
Enfin Muv-Luv n’est pas qu’un seul, mais bien deux scénarios séparés rassemblés sous le même titre. Il y a premièrement EXTRA, qu’il faudra terminer dans ses deux routes principales avant de débloquer le second, UNLIMITED.


EXTRA est mieux décrit comme un dating sim particulièrement médiocre, bien que particulièrement exubérant.
On y incarne le principal protagoniste/narrateur de la franchise, Shirogane Takeru, un lycéen dont le manque de charisme n’a d’égale que sa médiocrité générale, se retrouvant bien entendu avec une horde de filles à ces pieds pour des raisons bien artificielles (*insérez ici les plus gros clichés tirés d’histoires à tendance harem qui vous passent par la tête).
Pour faire simple, Takeru va se retrouver disputé comme un morceau de viande par deux filles : Sumika, son amie d’enfance avec qui il est très proche ; et Meiya, la riche héritière d’une groupe financier de renommée mondiale, et qui déboule de nulle part pour s’imposer dans la vie de Takeru.
Vous trouvé ça inintéressant ? Et bien les responsables de l’écriture doivent être du même avis, car le scénario n’arrête pas d’enchaîner les mini-récits (EX : visite d’une station thermale, Meiya qui essaye de cuisiner). Inutile de dire que le rythme ainsi que la sensation de progression globale en prennent un sacré coup. Et c’est sans parler de la bête noire de toute personne ayant touché à Muv-Luv, le tournoi de Crosse. Cet arc est juste immonde, un véritable désert d’intérêt et d’enthousiasme, le point zéro de la fiction, le trou noir de la créativité, je…. je…je…….
Piouf… je veux bien qu’il faille introduire les autres haremettes, mais franchement, même un arc entier passé uniquement à regarder de la peinture sécher sur un mur aurait été plus stimulant !
Franchement, si je devais citer ne serait-ce qu’une seule chose à sauver dans cette partie, ce serait un certain penchant pour l’humour absurde, notamment via la démesure constante des actions et des moyens à disposition de Meiya.
Pour le reste, le récit tente à plusieurs reprises – notamment vers la fin - de s’attaquer aux glandes lacrymale du lecteur, mais ces bonnes intentions se retrouvent instantanément noyées dans la médiocrité que constitue le reste de l’expérience. En fait, j’étais tellement désengagé d’un point de vue émotionnel, que j’ai même sauter systématiquement la scène H concluant chaque route (aussi présente dans UNLIMITED).


Note : 5/10


Et malgré tout, je suis obligé de recommander la lecture d’EXTRA à tous ceux ayant envie de plonger dans Muv-Luv. Non content d’être obligatoire pour débloquer UNLIMITED, les deux récits sont suffisamment lié pour que faire l’impasse sur le premier impacte considérablement la compréhension du second. Et heureusement, c’est à partir de Unlimited que les choses sérieuses se mettent enfin en marche, sauvant par l'occasion l’intérêt du VN.


Dés le début de UNLIMITED, cette andouille de Takeru se retrouve - pour des raisons inconnues – soudainement propulsé dans un monde parallèle où l’humanité livre depuis plus de 30 ans une guerre sans merci avec une race d’extraterrestres belliqueux, les BETA.
Plus que confus, il découvre vite que sont lycée est ici remplacé par une académie militaire où sont formés des pilotes de mechas (respectivement, les Eishi et les TSF). Des alter ego de toutes les connaissances de Takeru sont également présents - ses anciens camarades comme apprentis Eishi et ses professeurs en tant que responsables de la base – tous à l’exception étrange de Sumika.
Sans véritable endroit où aller, Shirogane s’engage et débute ainsi un rude entraînement qui lui permettra de grandir en tant qu’individu.
Car si UNLIMITED n’abandonne jamais totalement le côté grand guignolesque de EXTRA, le récit ici parvient enfin à se parer d’enjeux sérieux. Si la menace des BETA n’est présente qu’en toile de fond – la totalité de l’intrigue couvre juste l’entraînement – elle a des conséquences bien réelles sur la caractérisation de la version alternative des personnages que l’on a pu côtoyer dans le scénario précédent. Moins insouciantes et naïves qu’auparavant, chaque héroïne porte ici les blessures d’un individu n’ayant connu que la guerre depuis la naissance, et c’est à leur contact que Takeru – qui au début ne réalise pas l’ampleur de la situation – va enfin commencer à évoluer, gagner une personnalité et se transformer finalement en un véritable personnage.
Débarrassé du statut de Shirogane comme simple avatar du joueur, UNLIMITED parvient alors à créer des situations engageantes, avec un véritable impact sur les protagonistes ainsi que le lecteur. Et bien que le récit ne comporte pas de combat avec les BETA, cela ne veut pas dire qu’il manque de scènes intenses. La séquence de défense de la base, ou encore l’exercice d’entraînement voyant s’affronter deux équipes à bord de TSF ont pour leur part bien réussi à me scotcher à mon écran.
Au final, je pense que rien ne pourrait mieux symboliser la réussite de ce scénario que sa conclusion, à l’issue de laquelle je ne pouvais plus nier cet attachement nouveau éprouvé pour ces personnages qui auparavant me laissaient de marbre. Les émotions qu’ils arrivent désormais à transmettre m’ont sincèrement étonné, de même que la puissance du script les accompagnant. Un tel sursaut de qualité de la part de l’écriture est sincèrement incroyable, et me rassure quant aux attentes que j’ai placées en ALTERNATIVE.


Note : 7/10


On pourrait croire à ce moment que les deux jeux sont en tout points différents les uns des autres. Pourtant il existe un point sur lequel les deux se rejoignent, une qualité technique à tomber.
Je ne vais pas faire dans la demi-mesure ici quand je dis que Muv-Luv possède la meilleure technique qu’il m’ait été donné de voir pour un visual novel.
Le nombres de sprites pour chaque personnages est tout bonnement ahurissant, et leur permet par exemples de se regarder quand ils se parlent entre eux, au lieu de faire constamment face à l’écran. De même, ils sont pourvus d’une option de zoom/dézoom leur permettant de ce placer dans l’espace par apport au narrateur. Cela permet un niveau de mise en scène que je n’ai jamais vue auparavant, particulièrement durant les séquences en TSF. Et c’est sans compter que la caméra est capable de bouger légèrement pour offrir quelques angles différents d’un même décor. Et bien entendu, le nombre de CG est imposant, compte tenu de leur niveau de détail.
Mais le plus impressionnant reste les deux séquences animées en 2D présentes dans UNLIMITED. Produites par le génialissime animateur Yoshinari Koh, elles ont réussie à elles seule à me décrocher la mâchoire alors que j’étais pourtant déjà habitué à l’excellence de la production à ce stade.
Je ne suis pas le plus grand fan du style utilisé pour le chara-design, mais je lui reconnais un charme tout particulier, commun à ce type de productions. Le mecha design quant à lui est excellent pour le peu qu'on en voit.
Côté musique, c’est un peu plus terre à terre. Beaucoup de morceaux légers illustrant la vie quotidienne des persos, et qui malheureusement se faufilent également dans UNLIMITED. Néanmoins, je tiens à mentionner les quelques reprises de thèmes iconiques issues d'œuvres populaires diverses - telles que Initial D, Gunbuster ou encore Starship Troopers – que je trouve particulièrement réussies.


Drôle de visual novel que Muv-Luv. Le jeu appâte dans un premier temps le lecteur en lui promettant les merveilles de sa suite, pour ensuite le flageller pendant sa première moitié pour finir par le prendre dans ses bras en lui disant que « tout va bien se passer » dans la seconde.
En conclusion, je dirais que les soudaines améliorations apportées par UNLIMITED, ainsi que la promesse qu’incarne Alternative, sont suffisante pour justifier l’indigence de l’expérience procurée par EXTRA.
J’ai passé presque 30 heures sur le titre, et je ne considère pas cela comme du temps perdu. Et maintenant je suis tout excité à l’idée de pouvoir enfin mettre la main sur l’œuvre quasi légendaire qu’est Muv-Luv - ALTERNATIVE.

Dominus41
6
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le 31 janv. 2015

Critique lue 1.3K fois

8 j'aime

Dominus41

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