"I had a dream. A dream of people living innocently, without knowing the meaning of peace."
Muv Luv Alternative est régulièrement présenté comme le meilleur Visual Novel de tous les temps, trônant confortablement au sommet du classement VNDB depuis maintenant des années. Après l’avoir terminée, je ne peux remettre en doute la grandeur de cette œuvre, dont la première place m’apparaît légitime, bien que d’autres titres doivent pouvoir la lui contester. Mais s’il ne fait aucun doute que MLA présente les attributs de ce qui peut se faire de mieux en la matière, il s’agit d’une formidable épopée dont il convient d’apprécier le panache au-delà même de ce support.
La saga Muv Luv est un pari risqué et audacieux, débutant sous la forme d’une romcom légère a priori générique (éventuellement insipide ou chiante selon la tolérance au genre), avant de prendre un virage radical, dont Alternative n’est autre que l’aboutissement glorieux et savamment prévu en amont depuis le départ. Il s’inscrit dans un ensemble indissociable formant un voyage extraordinaire, dont il est plus que jamais la récompense à la hauteur de l’investissement initial. Rarement une histoire si ambitieuse ne m’aura paru exécutée de manière aussi satisfaisante.
Cette ambition s’incarne notamment dans son mélange parfaitement cohérent de styles multiples, relevant à la fois du war drama, de la romance, du mystère, de la SF et du voyage spatiotemporel, couplé à des enjeux tant personnels qu’à grande échelle, tels la survie de l’humanité. Fer de lance d’un univers des plus détaillés, MLA est aussi un modèle de worldbuilding, de la géopolitique (dont la culture, société, histoire) aux paradigmes scientifiques exposés, en passant par les éléments militaires ou relatifs aux BETA (les aliens contre lesquels l’humanité est en guerre).
Le character development est par ailleurs remarquable, surtout de par son héros, qui au cours de son périple à travers le temps et l’espace, sera contraint de grandir physiquement, mentalement et émotionnellement, dans un monde étranger où chaque seconde peut être la dernière. Outre les réflexions découlant de cette forme d’introspection, la manière dont se confrontent les personnages, les différents intérêts ou les idéologies toutes aussi fondées que divergentes, ne fait que compléter l’évolution des protagonistes, et s’avère d’autant plus enrichissante.
Ces composantes s’inscrivent dès lors au sein d’un scénario absolument épique, brutalement sombre et positivement alambiqué touchant à des thématiques élevées, délivrant son propos avec une force parfois dévastatrice. L’impact émotionnel dont il est empreint fera couler vos larmes, entre joie, tristesse et catharsis, a fortiori grâce au lien étroit pouvant s’établir entre le héros et le joueur, seul témoin de l’ensemble de ses péripéties. Certaines scènes se révéleront sans aucun doute poignantes, déconcertantes ou choquantes.
D’un point de vue graphique, bien que sorti en 2006, les productions values restent encore aujourd’hui vraiment bonnes, ce qui en dit long sur leurs qualités de l’époque. Contrairement à de nombreux VN, les lèvres des personnages bougent quand ils parlent, leurs expressions changent régulièrement et sont variées, et ils se déplacent dans les backgrounds. S’ajoutent à cela des détails appréciables tels que la fumée de leur respiration lorsqu’il fait froid, et des enchaînements dynamiques lors de l’action, avec parfois des séquences animées.
Au niveau sonore, les OST sont excellents, reprenant ceux de Muv Luv, complétés par une soixantaine de nouveaux thèmes assurés par divers compositeurs, parmi lesquels Taku Iwasaki. La plupart est efficace, et certains sont particulièrement puissants ou mémorables, surtout associés à certaines scènes. Le doublage est également à la hauteur, avec de nombreux noms bien connus du milieu, tels que Sōichirō Hoshi, Hiroko Taguchi, Norio Wakamoto, Takehito Koyasu, Yuu Asakawa, Kaori Mizuhashi, Kumiko Watanabe etc…
(Toujours dans les production values, si vous avez joué à la version PC, le générique PS3 dépote, notamment la version longue avec le solo. Mais la plupart des vidéos où elle est en entier contient des spoils).
Bien évidemment, MLA n’est guère exempt de tout défaut. Le principal est peut-être le rythme, des phases de transition moins intéressantes ou d’info dump semblant parfois retenir la trame. Mais elles restent souvent utiles à une meilleure compréhension des évènements, et à la préparation des moments apothéotiques. Un autre serait que le récit est victime de sa richesse, tant d’éléments pouvant être explorés ou de passages plus approfondis, mais non exploités ou rushés du fait de la longueur déjà accrue du titre (de nombreux spin-offs sont d’ailleurs sortis).
En définitive, la saga Muv Luv est tant une histoire de courage, d’amour et de perte, qu’une réflexion de notre propre réalité. Un manifeste rappelant plus que jamais à quel point rien ne nous est acquis, et notre vie banale ou paisible si précieuse, dans un monde où tous n'ont forcément cette chance. Très probablement, ce VN aura également su influencer certaines œuvres récentes aujourd’hui populaires, telles que Shingeki no Kyojin, Steins;Gate ou même Madoka Magica, et mérite sa place au panthéon du genre.
