NBA Jam
7.2
NBA Jam

Jeu de Midway Games, Iguana Entertainment et Acclaim Entertainment (1994Super Nintendo)

Dans l’océan de titres vidéoludiques qui ont marqué l’ère bénie des consoles 16 bits, rares sont ceux qui ont su transcender leur simple condition de divertissement pour s’imposer comme une forme de folklore numérique. NBA Jam, développé par Midway puis porté avec brio sur Super Nintendo, appartient à cette caste singulière de jeux capables d’insuffler un souffle mythologique à un sport pourtant déjà auréolé de gloire. À la croisée de l’exagération stylistique et de la virtuosité technique, le titre impose une vision délibérément fantasque du basket-ball, où les lois de la gravité sont reniées avec un enthousiasme contagieux et où la compétition se pare des atours d’un duel dantesque.


Ce qui frappe d’emblée dans NBA Jam, c’est l’intelligence de sa déformation. Le basket y est présenté non comme une simulation fidèle, mais comme un spectacle flamboyant, une mascarade de dunks surdimensionnés, de passes lumineuses et de contre-attaques frénétiques. Le jeu fait le choix résolu de l’exubérance, et ce, avec une telle rigueur esthétique et rythmique qu’il parvient à transformer la caricature en manifeste. Le moteur graphique, pour l’époque, impressionne par la fluidité de ses animations, la lisibilité constante de l’action malgré le tumulte ambiant, et surtout par ces sprites digitalisés, reconnaissables entre mille, qui injectent dans chaque match une présence presque théâtrale. L’iconographie NBA est ici sublimée, élevée au rang de totem ludique.


Mais ce lyrisme visuel ne serait qu’un feu d’artifice vain sans un gameplay à la hauteur de ses ambitions. Et c’est là que NBA Jam s’impose comme un modèle d’équilibre entre simplicité d’accès et richesse implicite. Deux contre deux, des commandes épurées, une jauge de turbo à gérer, et pourtant, derrière cette apparente légèreté, se dessine une courbe d’apprentissage suffisamment stimulante pour susciter des dizaines d’heures d’engagement. Les actions spectaculaires, bien qu’outrancières, répondent à une logique précise : un bon positionnement, une lecture judicieuse du rythme, une utilisation stratégique du turbo, et surtout une capacité à anticiper les mouvements adverses. La superficialité est ici un masque, une peau brillante recouvrant une ossature mécanique admirablement huilée.


L’intelligence de NBA Jam réside aussi dans son approche du multijoueur, qui atteint sur Super Nintendo un rare degré d’hystérie conviviale. La coopération et la rivalité se mêlent avec une intensité électrique, et chaque panier marqué devient prétexte à une clameur, à une explosion de joie ou de frustration — selon quel camp vous occupez. Cette dimension collective fait du jeu une expérience éminemment sociale, presque rituelle, où le plaisir immédiat côtoie une sorte de transe compétitive. Il ne s’agit plus seulement de marquer, mais d’humilier avec panache, de s’enflammer littéralement — He’s on fire! — et de consumer l’adversaire dans un brasier de virtuosité burlesque.


Toutefois, l’œuvre n’est pas exempte de défauts, et il serait malhonnête de passer sous silence les limites techniques et l’équilibrage parfois capricieux qui la traversent. Certains joueurs se distinguent de manière si flagrante — par leur rapidité ou leur puissance de saut — qu’ils déséquilibrent la compétition de manière frustrante. Le système de rattrapage automatique, qui permet aux équipes à la traîne de revenir artificiellement dans le match, peut aussi heurter les puristes en quête de mérite brut. De même, l’absence de certaines règles fondamentales du basket — comme les fautes ou les sorties de balle — renforce certes l’accessibilité et le rythme effréné, mais participe aussi d’une simplification qui pourra rebuter ceux qui recherchent une profondeur tactique plus conventionnelle.


Pourtant, ces concessions sont autant de partis pris assumés, et c’est peut-être là que réside le véritable génie de NBA Jam : dans sa capacité à ériger l’exagération en dogme, sans jamais rompre le pacte de cohérence interne qu’il propose au joueur. Tout y est excessif, et tout y est justifié par une esthétique du déchaînement. Le titre ose s’éloigner de la rigueur sportive pour épouser la logique d’un carnaval vidéoludique, où chaque action est pensée pour procurer une décharge d’adrénaline, un rire, ou une stupeur.


En définitive, NBA Jam sur Super Nintendo ne cherche pas à répliquer le basket tel qu’il est, mais tel qu’on voudrait qu’il soit dans un rêve d’enfant : un sport où les lois du réel s’effacent devant la magie pure du jeu. Et si la forme peut sembler criarde ou datée à l’œil contemporain, il n’en reste pas moins que l’âme du jeu continue de brûler avec intensité, nourrie par l’énergie brute de son gameplay, par son audace esthétique, et par cette jubilation ineffable qu’il parvient encore à susciter, match après match. Une œuvre fondamentalement ludique, profondément marquante, et, à sa manière, inoubliable.

Kelemvor
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le 29 juil. 2025

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