Otaku style 3.0

Bon. Je l'avais beaucoup attendu (beaucoup). Et il est arrivé. Et voilà…

Ça… c'est fait quoi.

No More Heroes III reprend le même principe que ses deux ainés, les mêmes défauts et les mêmes quelques qualités. La douche aura été froide, voire glaciale, même si très honnêtement je n'ai bizarrement pas passé un mauvais moment. En fait, comme pour Travis Strikes Again: No More Heroes (TSA), si vous n'êtes pas fan ou connaisseur de la licence, vous pouvez de suite oublier ce troisième épisode. Dans le cas contraire, voici quelques avertissements.

Boss Rush

Vous incarnez toujours Travis Touchdown devant monter un à un les rangs des dix meilleurs assassins, ceux-ci étant ici remplacés par des aliens venant d'envahir la Terre (enfin, juste la ville de Travis). Comme dans le premier No More Heroes, vous aurez la liberté d'explorer la ville à la manière d'un GTA, de faire des missions ou des jobs afin d'amasser assez d'argent pour se payer le prochain boss.

Disons le tout de suite : les missions annexes et les jobs sont inutiles. Voilà. En fait, avant chaque boss, avant même d'avoir la possibilité de payer l'entrée, le jeu vous demande d'effectuer des missions spéciales permettant de récolter des cristaux rouges et bleus (généralement trois en tout). Or, il y a bien entre cinq et sept missions de ce genre possibles à chaque fois, et en les faisant toutes, on s'assure d'avoir largement de quoi payer l'entrée du boss. A la limite, juste une mission ou un job suffit à compléter la somme. Franchement, ce n'est pas un mal, parce que les jobs sont ignobles et les missions hyper répétitives.

La première très grosse déception, c'est qu'une fois l'admission pour un boss réglée, et bien on l'affronte directement après une petite cinématique, il n'y a plus du tout de niveau spécial en mode "donjon". L'avantage, c'est que le jeu se finit plus vite, l'inconvénient, c'est qu'il n'y a vraiment rien du tout qui casse la répétitivité. Les combats de boss sont certes divers et variés et osent souvent différents gameplay, mais sont en tout cas rarement très longs, donc on revient très vite sur la routine de collecter les cristaux et l'argent. A noter tout de même des missions spéciales en mecha dans l'espace en mode Zone of the Enders (merci d'avoir essayé les gars). Tout ça pour dire que si ça ne vous intéresse pas de flâner dans la ville pour récupérer les différents collectables complètement inutiles, le jeu prend la forme d'un gros boss rush.

Mi-otaku mi-luchador 3.0

Côté gameplay, c'est la même chose qu'avant. Mais avec une seule prise de catch. Ah, et avec un seul type de sabre aussi. Oh et seulement deux types d'attaque, légères ou lourdes, en plus d'attaques spéciales héritées de TSA. Puis maintenant y'a une esquive, mais elle est un peu à chier. Elle est un peu à chier notamment à cause de la caméra et du système de lock des ennemis, qui étaient mieux fait dans Ocarina of Time sur N64.

Bon, il est possible d'améliorer Travis (santé, attaque, coups spéciaux…), et on retrouve le bandit manchot permettant de sortir différents coups spéciaux (salvateurs lors de certains combats d'une difficulté aberrante). Les finitions en secouant les joycons dans une direction sont également toujours aussi incroyablement satisfaisantes.

Pourquoi c'est si moche ?

Voici maintenant un message adressé aux développeurs. Pourquoi votre jeu est graphiquement dégueulasse ? Alors attention, certaines esthétiques pixel-art, MS-DOS ou vieille borne d'arcade sont voulues et même plutôt bien intégrées, mais alors certains trucs sont impardonnables. La modélisation de la ville est une véritable honte. Entre les bugs des textures, l'aliasing, les ralentissements… tout ce que vous pouvez imaginer dans le genre existe dans le jeu. A part la modélisation de Travis, de Sylvia, de quelques boss et de la moto, tout le reste est immonde ou quelconque. Le pire, c'est qu'il y a peut-être 50% des assets graphiques qui viennent de TSA. Alors voilà Messieurs de chez Grasshopper, vous avez vraiment plus un rond ou bien vous avez rien foutu pendant deux ans (ou les deux :p) ?

Pourquoi je suis quand même aller au bout ?

Je n'ai pas parlé de tout en détail, mais pour résumer : No More Heroes III a techniquement 15 ans de retard, la progression est répétitive et inutilement prolongée par un "monde ouvert" vide, et le gameplay a presque régressé. Alors pourquoi ça marche quand même (un peu) ?

Et bien je me suis fait avoir par l'univers, l'ambiance et le propos du jeu. Suda51 et son équipe sont allés au fond du fond de leur délire de création. D'une part, il y a les innombrables références à la pop culture (notamment à la filmographie de Takashi Miike), aux précédents jeux, aux autres jeux du studio, et à tout le monde du jeu vidéo dans son ensemble, dont les codes sont constamment tordus et mis à mal. Même si ça n'excuse vraiment pas les partis pris technique, ça témoigne d'un certain amour du jeu vidéo et du divertissement, et des joueurs, qui se prennent ici des pans entier de quatrième mur dans la gueule (avec les bouts de verre).

Et puis il y a des passages qui sont tout simplement hilarant. Impossible évidemment d'en parler sans spoiler, mais je pense que je n'avais pas prononcé autant de "What the fuck" pendant ma partie que depuis Little King's Story :p. Le jeu est juste fou, au sens médical du terme.

Conclusion

Si je suis terriblement déçu par la partie technique du jeu et par son système de progression complètement raté, j'ai pris un malin plaisir à découvrir ce que le jeu me réservait à chaque boss, à voir quelle blague allait me tomber sur le coin de la figure à chaque tournant. Et il est clair que mon côté cinéphage joue beaucoup dans mon appréciation. Dans le cas contraire, quelques séquences et interludes passent à la trappe (enfin, si vous avez vu Rocky et un ou deux films d'action japonais, vous devriez vous en sortir).

Impossible toutefois de recommander le jeu à un néophyte de la série, il y a beaucoup trop de références aux précédents jeux. Pour les autres, tout va dépendre de votre sensibilité et de votre patience (il faut bien entre 10 et 12h pour en voir le bout quand même). L'aventure peut aussi bien être une purge infame qu'un délirant trip cosmique. Comme une bonne vieille série Z en somme. Il est par contre peut-être temps maintenant de laisser Travis se reposer pour un bon moment avant que la licence ne tombe (trop) dans la blague et perde définitivement en qualité.

P.S.: au cas où vous vous poseriez la question, la maniabilité de la moto est ABOMINABLE ^^.