Echoes of the Eye n’est qu’un dlc, mais c’est aussi un grand jeu. C’est un grand jeu qui n’oublie pas qu’il n’est qu’un dlc et qui trouve le parfait équilibre entre se fondre dans l'œuvre originale dont il est l’extension tout en réussissant à la rendre encore meilleure, et être une entité à part entière. C’est une expérience qui réussit élégamment à faire écho (haha) au jeu original, pour le meilleur…


… comme pour le pire.



E.L.E.G.A.N.CE


Rien que le point de départ de ce nouveau contenu me donne envie de crier au génie. Comment innove-t-on dans un jeu qui faisait tellement avec si peu ? En réussissant à construire tout un panel de mécaniques sur la base du seul outil du jeu qui était sous exploité : la lampe torche. Putain mais qu’est-ce qu’ils sont forts. De la même manière qu’Echoes of the Eye nous parle de quelque chose qui a toujours été là sans qu’on le sache, il se légitime en légitimant un élément de gameplay qui était présent sans qu’on y fasse vraiment attention et lui donne une ampleur sans précédent. On s’éclairait uniquement pour mieux y voir dans certains lieux sombres ? Maintenant on s’éclaire aussi pour ouvrir des portes, utiliser des ascenseurs, naviguer en bateau, faire apparaître des passerelles et découvrir des secrets.


Nan sérieux, si un deuxième dlc arrive, il faudra qu’il tourne autour du fait de faire griller des guimauves !


C’est fort parce qu’à travers cette élégance de gameplay, Le jeu arrive à être un mini Outer Wilds dans Outer Wilds en donnant à son arc (et son arche) ce même sentiment de tout, où chaque fragment de puzzle vient répondre à un autre. À l’instar du jeu de base, il nous retourne plusieurs fois le cerveau en nous faisant au fur et à mesure découvrir toutes les possibilités qui se dissimulaient devant nos yeux et à complètement nous faire repenser la manière de concevoir le monde que l’on explore et la manière que l’on a d’interagir avec. Et à l’instar du jeu de base, il utilise toutes les possibilités uniques du média dans lequel il s’inscrit pour nous faire oublier qu’il n’est qu’un jeu en fondant complètement ses mécaniques ludiques avec la logique de son monde et le propos qui s’en dégage.



Contraste


La lumière, thématique centrale de ce dlc, n’est pas qu’un outil ludique. C’est un outil narratif. Déjà parce qu’elle sert à utiliser des diapositives qui remplacent ici les textes laissés par les nomaïs, mais pas que. La lumière et la binarité qui en découle est aussi ce qui définit l’idéologie de nos chers hiboux à cornes, et éclairer ce point permet de mettre en contraste cette espèce avec celle des chèvres à trois yeux.


Tout dans le jeu est fait pour opposer ces deux peuples. Là où les traces de l’existence des Nomaïs étaient exposées aux yeux de tous, celles de ces aliens nous sont doublement cachées. Là où l’histoire des chèvres se faisait à travers du texte, l’histoire des cerfs se fait à travers des images. Mais ça ne s’arrête pas là. Ce qui est fascinant, c’est la différence de la relation que les deux entretiennent avec l'œil de l’univers et ce que cela révèle de leurs philosophies de vie respectives. Bien que les Nomaïs pouvaient également dans leur quête humaniser l'œil en lui prêtant des intentions, leur fascination restait avant tout poussée par une curiosité scientifique, là où celle des oiseaux relevait de l'idolâtrie.


Là où le matérialisme et l’optimisme presque insolent des Nomaïs les poussait jusqu’à vouloir détruire le présent par espoir pour l’avenir, le pessimisme et les remords ont conduit les habitants de l’étranger à déprécier le réel pour se réfugier dans le monde des idées. La quête surhumaine des uns ne s’est vue stoppée que par l’absurdité de la causalité, là où la déchéance et la décrépitude des autres n’a été que la conséquence de leur nihilisme. Cette différence thématique permet de renforcer leurs identités respectives et réussit en plus le tour de force de lier étroitement le destin de ces deux peuples que tout oppose tout en, dans la droite ironie de l'œuvre originale, ne les faisant jamais se rencontrer réellement.


Cette différence thématique s’accompagne nécessairement d’une différence de ton. Là où la fin pourtant en apparence tragique du jeu de base nous laissait bizarrement avec un sourire aux lèvres, ce dlc nous laisse un goût beaucoup plus amer dans la bouche. Et ce sentiment beaucoup plus pesant vient parfaitement justifier la décision de parfois emprunter certains de ses passages directement et sans subtilité au genre de l’horreur. Outer Wilds était un jeu qui faisait parfois peur, volontairement ou involontairement, et Echoes of the Eye décide d’aller au bout de ce parti-pris en devenant à certains moments clés terrifiant. Mais ce changement est moins une différence brutale qu’une accentuation de ce qui existait déjà avant. Et malheureusement, le dlc en accentue également les défauts.



Laborieux.exe


Si je devais citer un défaut d’Outer Wilds, c’est que c’est un jeu parfois pénible. Cela se ressent à quelques rares moments lorsqu’il ne nous reste plus beaucoup de choses à faire et que l’on doit patienter pour faire une action bien précise, et ce problème devient particulièrement apparent lorsque l’on doit faire la série de manipulations pour arriver à la fin du jeu. On pardonne parce que ce qui en découle en vaut bien la chandelle et justifie les petites frustrations rencontrées sur le chemin, mais c’est tout de même révélateur d’une faiblesse de game design du jeu discrète mais néanmoins présente : Parfois, les puzzles sont moins difficiles à comprendre qu’à exécuter. Et si on se foire dans l’exécution, on recommence.


C’est là où pêche notre aventure sur l’étranger. On ressent ces moments de frustration encore plus que dans le jeu d’origine. Celà peut s’expliquer par la conception même du dlc. Outer Wilds était avant tout des concepts de jeu par la suite justifiés par une histoire, mais le point de départ de l’arche invisible est de s’intégrer et de compléter une histoire qui existe déjà. Là où on pouvait beaucoup plus papillonner dans le jeu d’origine, la structure de l’immense vaisseau assez linéaire nous oblige à devoir traverser beaucoup plus d’étapes pour arriver où l’on veut.


Le fait que le jeu se repose beaucoup plus sur l’utilisation d’objets et parfois sur le fait de les combiner alors que l’on ne peut tenir qu’un objet en main nous force parfois à faire des aller-retours dont je me serais bien passé, et le courant sur lequel on navigue ainsi que la contrainte de 22 minutes m’ont beaucoup plus souvent donné l’impression d’être puni d’avoir fait une fausse manipulation. Je peux difficilement en tenir rigueur aux développeurs, qui ont dû réaliser l’impossible exploit de créer quelque chose de radicalement différent tout en ne contredisant pas le monde déjà existant dans lequel il s'imbrique, et ce genre de frustration est l’inévitable contrepartie d’un pari pour le reste réussi.


Ce contre-coup à un point de départ pourtant intelligent est également renforcé par le système de diapositives. Là où les textes des Nomaïs parvenaient à parfois nous donner pratiquement la réponse à une énigme tout en nous laissant toujours l’impression que l’on avait déduit cette réponse par nous-même, le format image en vient forcément à des fois littéralement nous montrer la solution à un problème. On a alors très clairement la marche à suivre pour avancer, reste à faire la chose en question, et reste à la refaire péniblement si on a le malheur de se rater.



Mais il n’empêche que.


Je suis dur mais comprenez moi, face à quelque chose d’aussi solide, je suis bien obligé de pinailler. J’ai parfois soufflé du nez mais j’ai été le reste du temps fasciné ou admiratif. Pour le peu qu’il rate, Echoes of the Eye est le deuxième cadeau à l’humanité délivré par un collectif de saints touchés par la grâce. J’ai joué à des dlc, parfois très bon (The Ringed City, The old Hunters) mais c’est la première fois que je décide de noter une extension. Parce que j’ai maintenant du mal à imaginer Outer Wilds sans ce jeu mais j’ai aussi du mal à l’imaginer avec. On a là une expérience à part. Une magnifique œuvre qui vient sublimer un monument inscrit au patrimoine de l’humanité. Je suis bien content que cette œuvre ne vienne pas taper l’incruste lorsque je photographie le monument, mais je suis heureux que cette œuvre en fasse néanmoins partie.


Panineohm
9
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le 5 sept. 2023

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Panineohm

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