P.N.03
6.1
P.N.03

Jeu de Capcom Production Studio 4 et Capcom (2003GameCube)

S'il est un directeur japonais qui aura fait beaucoup pour la représentation féminine dans les jeux vidéo, c'est sûrement Shinji Mikami. À la fin des années 90, à la période où Lara Croft était prostituée par Eidos dans des postures suggestives, Mikami décide de créer deux des protagonistes les plus marquantes du médium : Jill Valentine dans Resident Evil et Regina dans Dino Crisis. Fortes, charismatiques et belles mais jamais sexualisées, elles n'ont pas eu la popularité de Lara Croft mais ont prouvé qu'une héroïne pouvait être au coeur d'un jeu sans être racoleuse dans les magazines.

En 2003, Mikami nous présente sa troisième et dernière héroïne : Vanessa Schneider. Si son nom ne vous dit rien, c'est parfaitement normal, seuls les plus nostalgiques de l'ère GameCube peuvent en avoir un vague souvenir.


PN03 est un des jeux développés dans le cadre des Capcom Five, un accord entre Capcom et Nintendo visant à alimenter la GameCube en exclusivités. Cet accord a fait long feu puisqu'à partir de 2005, 3 jeux ont été portés sur PS2 et un a été annulé. Un seul titre a survécu à ce désamour, et c'est donc le PN03 de Mikami, qui est encore une exclusivité GameCube à ce jour. N'a-t-il jamais été porté par respect pour feu Iwata, ou simplement parce que le jeu est passé totalement à côté de son sujet ?


Alors, concernant le scénario, je ne vais pas pouvoir dire grand chose puisque ma copie du jeu est japonaise. Capcom avait beau être habitué à l'époque à doubler tous ses jeux en anglais, la narration de PN03 se compose essentiellement de gros pavés de textes franchement peu attrayants. Il y a en tout et pour tout deux dialogues dans le jeu, effectivement doublés en anglais, mais ils ne donnent pas toutes les clés pour comprendre l'intrigue.

Retenons simplement qu'on incarne Vanessa Schneider, une femme/cyborg au service d'un mystérieux client appelé… The Client. Vanessa va devoir parcourir 11 niveaux dans une base paumée en plein désert, pour rencontrer son client.


Le jeu est sorti en 2003 et n'est graphiquement pas révolutionnaire pour l'époque. Vanessa est bien modélisée, mais les décors sont très basiques et les ennemis sont de simples robots avec peu d'animations. On ne va donc pas s'extasier sur le jeu, d'autant qu'il gagnerait à être un peu plus lisible par moment, on ne se rend pas toujours compte qu'un ennemi nous tire dessus par exemple.

La musique est une espèce de techno électronique, c'est un peu expérimental mais ça colle bien à l'ambiance futuriste du jeu, et on l'écoute sans déplaisir au fil de notre exploration. Pas de quoi remplir la mémoire de votre MP3, mais c'est cool quand même.


PN03 est un mix entre TPS et shoot'em up. Deux genres qui à première vue semblent très compatibles entre eux mais dont je suis bien incapable de citer un autre jeu reprenant cette formule. Il a donc une certaine originalité à ce niveau-là.

On va donc s'amuser à tirer sur les ennemis à l'aide des blasters que Vanessa a sur la paume de ses mains, tout en esquivant les tirs adverses. Tout le jeu a été pensé autour de l'esquive, Vanessa est très rigide à contrôler mais peut faire des pas de côté pour éviter des tirs de manière élégante. L'idée n'est pas trop mauvaise, mais je la trouve mal implantée vu qu'on n'a globalement qu'une seule action à faire, les affrontements se ressemblent donc beaucoup au fil du jeu. Et si la rigidité de l'héroïne (qui se déplace en tank controls, carrément) est une volonté de game-design, ça empêche de varier les manières d'esquiver. La caméra n'est pas facilement manipulable non plus, donc difficile de se déplacer tout en gardant un ennemi en vue.

Notons que les devs étaient tellement sûrs de leur système de déplacement qu'ils proposent même par moment des phases de plate-formes ! En tank control donc. J'aimerais tellement avoir leur confiance…


C'est intéressant de voir que Vanessa ressemble beaucoup à Bayonetta (notons qu'elle est doublée par Jennifer Hale, la voix de la sorcière dans Bayonetta 3), qui sera créée 7 ans plus tard par certains des développeurs ayant bossé sur PN03. Et je pense qu'un système à la Witch Time aurait vraiment aidé PN03 à se distinguer et aurait donné plus de rythme au jeu.

Vanessa reste une protagoniste sympathique cela dit. Physiquement, elle ressemble à un mélange entre Bayonetta et Jill Valentine, mais elle a tout de même sa propre personnalité dans ses animations, puisqu'elle bat du pied et du bassin en rythme avec la musique, ce qui la rend très énergique même lorsqu'elle est immobile. Lorsqu'elle attaque ou qu'elle esquive, elle conserve son déhanché, ça lui donne beaucoup d'allure, en plus de rendre l'action très plaisante à suivre.


Vanessa possède également une armure, assez élégante et qu'on peut modifier tout le long du jeu. De nouvelles couleurs lui apportent de nouvelles caractéristiques (changement de stats ou d'attaque spéciale), ce qui est une bonne manière de renouveler à la fois la façon de jouer et le visuel des combats. Les armures s'achètent avec des points obtenus lors des affrontements et à la fin de chaque niveau.

Points qui reposent sur un système de combo me faisant furieusement penser à Rayman 3 (PN03 étant sorti un mois après l'aventure de notre héros franchouillard, je vous laisse déduire qui est précurseur et qui est suiveur dans l'histoire). Tuer un ennemi permet en effet de faire s'écouler un timer, durant lequel vous marquerez des points bonus si vous en tuez un autre, ce qui redonnera du temps au timer, etc. J'adore ce système, c'est super gratifiant et ça encourage une réflexion sur notre approche de l'environnement (les petits ennemis donnent peu de temps, donc mieux vaut les garder pour la fin, mais en même temps ils sont assez mobiles donc vraiment chiants si on les laisse en vie trop longtemps). Pour le coup, c'est une super idée qui dynamise vraiment les affrontements.


Le jeu a d'ailleurs un côté "Mikamesque" dans son design. Je m'explique : comme dans Resident Evil, l'aventure est brève (il ne vous faudra pas plus de 2h pour boucler les 11 missions, ce qui est tout de même très court même par rapport à RE), mais on débloque des outils pour recommencer un New Game Plus, en particulier une armure avec toutes les stats au plus haut niveau. Du coup, vu qu'une partie peut se boucler en une soirée, je me suis amusé à refaire le jeu en Normal, avec cette nouvelle armure. Et je me vois bien le refaire un jour en mode Difficile, pourquoi pas. En fait, le jeu sait s'arrêter juste avant qu'on ait le temps de se dire que le gameplay est franchement répétitif, ce qui est tout à son honneur.

Il faut toutefois parler de la difficulté du jeu. J'avais lancé ma première partie en mode Normal, et je me suis fait pourrir dès le premier niveau. Je recommande sincèrement de faire votre première partie en mode Facile, pour bien assimiler les commandes. Notez que ce mode Facile est VRAIMENT facile, puisque les ennemis sont moins nombreux ET moins résistants, ce qui est un peu exagéré à mon sens. Modifier un seul de ces deux paramètres aurait suffi à rendre l'aventure plus abordable.

Attention toutefois, même avec l'armure ultime, le mode Normal est loin d'être une partie de plaisir. Les ennemis génériques posent peu de problèmes, mais les boss (qui étaient parfaitement anecdotiques en Facile) sont de purs sacs à PV dont il faut vraiment bien connaître les patterns pour espérer s'en tirer. J'avoue avoir bien galéré sur le boss final en Normal, mais même les quelques boss qui le précédaient m'ont donné du fil à retordre.


Tiens, les boss, parlons-en. Pour un jeu aussi court, je dois admettre qu'ils m'ont déçu, puisqu'ils n'ont même pas eu la décence d'être variés. En comptant le boss final, il n'y a que 5 boss dans le jeu, et 3 sont affrontés plusieurs fois dans l'aventure (le train, le tank et le générateur protégé par des tourelles). C'est franchement peu, et je mentionne au passage le boss du niveau 1 que je ne peux même pas compter puisque le jeu met fin à l'affrontement après qu'on lui ait enlevé seulement 10% de vie (j'ai cru à un bug ou une feature exclusive au mode Difficile, mais même pas, toutes les vidéos que j'ai visionnées montrent la même chose).

En général, le jeu fait beaucoup de réutilisation d'assets. Certaines salles sont elles aussi réutilisées d'un niveau à l'autre, je ne sais pas si c'est justifié au niveau du scénario, mais en tout cas c'est flagrant, et ça pue le manque de budget.

D'ailleurs, si vous voulez platiner le jeu, sachez qu'il existe un mode annexe appelé "Extra Missions", qui consiste en un enchaînement de salles précédemment visitées, assemblées aléatoirement. Déjà que certaines salles sont visitées 3 ou 4 fois au cours de la partie, vous pourriez les apercevoir encore plus souvent si vous vous intéressez à ce mode.


Je pense que les problèmes du jeu viennent de là : le budget. Clairement, Capcom n'a pas mis beaucoup de thunes dans le projet, et on le ressent. Que ce soit le manque de doublages, la réutilisation abusive d'environnements ou la pauvreté des décors, on se croirait parfois en face d'un jeu indé du début des années 2010. Difficile de croire qu'il s'agit d'une production d'un des plus gros studios du monde, dans le cadre d'un contrat d'exclusivité avec un constructeur. Ils auraient voulu saborder leur contrat qu'ils ne s'y seraient pas pris autrement.

Mentionnons également la fin du jeu, qui semble teaser une suite. En tout cas, le scénario s'arrête là où il aurait dû commencer, c'est vraiment frustrant. Et non seulement, Capcom ne semble pas décidé à porter le jeu sur machines modernes, mais en plus il n'a à ma connaissance jamais été référencé dans un cross-over quelconque (la firme n'en manque pourtant pas : VS Capcom, Project X Zone, Teppen…).


Reste donc ce jeu, avec une héroïne charismatique et pleine de potentiel, mais qui ne risque pas d'aller tataner des héros Marvel de sitôt.

L'esprit très arcade du titre en fait un bon défouloir pour de courtes sessions, mais ce n'était certainement pas la killer-app dont la GameCube avait besoin. Et j'avoue que si la difficulté en Normal était un poil plus basse, je lui aurais sûrement attribué un voire deux points de plus, pour le plaisir de la rejouabilité.

Sonicvic
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le 14 févr. 2025

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Sonicvic

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