J'ai commencé le jeu sur PS4 il y a deux ans mais la motivation n'était pas là et ma partie est restée en suspend et c'est finalement sur PC - parce que c'est ma plateforme de prédilection - que je me suis lancé. Ce n'est pourtant pas faute d'avoir adoré Persona 3 et 4, chacun joué deux fois (la version d'origine PS2 puis PSP / PS Vita).
Je connais bien la série et je suis sans doute désormais trop vieux pour ces conneries donc forcément ma critique, qui sera longue et foutraque - mais le jeu l'est à sa façon - s'en ressent et j'imagine qu'elle serait sensiblement différente s'il s'agissait là de mon premier Persona.
Nonobstant la mise en garde (mais la note s'en chargeait sans doute déjà) je dois avouer que je me suis fait happer par Persona 5 Royal, alignant les heures de jeu comme ça ne m'était pas arrivé depuis des années. Et pourtant le jeu n'est pas parfait mais la formule magique opère toujours.
Cette formule, en résumant sévèrement, est la suivante : côté pile un genre de visual novel où l'on mène sa vie de lycéen et côté face un dungeon RPG exigeant. Et des liens étroits entre les deux qui font que les relations sociales que l'on va développer auront une incidence sur nos capacités en combat.
Schématiquement les activités extra-scolaires (après les cours, le soir et le dimanche) développent des caractéristiques sociales, qui permettent de développer nos relations sociales, qui permettent à leur tour de développer nos capacités de combat et celles de nos alliés, indispensables pour venir à bout des donjons et progresser dans l'histoire. Il faudra savoir partager son temps entre ces trois aspects !
Côté dungeon RPG ce Persona 5 enrichit encore la formule et les combats sont plus cools que jamais, autant visuellement que dans les possibilités offertes (sauf peut-être au tout début où les options sont encore limitées et sur la fin quand les monstres ont tellement d'immunités et de points de vie qu'on perd le 'flow' pour alterner entre les équipiers et les personas et qu'il faut limiter les attaques au profit de la récupération, de la défense et des altérations d'état). Mais sauf sur la toute fin c'est vraiment un plaisir à jouer, incroyablement dynamique pour un jeu en tour par tour, et chaque donjon propose sa petite mécanique ad hoc et son ambiance propres (même si leur structure est en réalité toujours la même).
Je l'ai bouclé en mode normal et j'ai l'expérience de la série mais je l'ai trouvé vraiment facile, presque trop en fait : des points de sauvegarde très réguliers (alors qu'à l'origine c'est un dungeon RPG plutôt punitif, où il est important de savoir quand renoncer), des Ombres aisées à embusquer, et je n'ai presque jamais été confronté aux magies mudo et hama (c'était une préoccupation permanente dans les épisodes antérieurs).
Au fil du temps la formule se fait plus accessible (et d'autant plus qu'elle devient plus riche, ce qui permet d'autant plus facilement de produire des personas abusées), ce qui n'est pas forcément un mal, mais je regrette un peu le manque de tension dans les donjons.
Visuellement le jeu commence à accuser son âge mais le rendu est toujours très léché (et au niveau esthétique c'est irréprochable à tous niveaux - l'une des qualités subliminales de la série depuis le 3) et c'est propre techniquement (entre 80 et 100 fps avec ma Radeon RX 6600 en faisant le calcul de rendu en 4k dans la plupart des environnements) - forcément pour un jeu de la génération PS4 !
En fait le truc qui coince vraiment pour moi réside dans la forme : le jeu décline sa recette à l'identique, même si je reconnais que l'interconnexion entre relations sociales et la partie dungeon RPG a été étoffée de belle manière.
Déjà il n'en corrige aucun défaut, et notamment les ponts scénaristiques interminables (et qui interdisent les activités quotidiennes) alors que les événements pourraient être lissés de manière plus régulière et sans priver de liberté le joueur.
Et surtout toute l'architecture narrative est absolument identique : l'histoire n'est pas la même mais conserve le même déroulement dramatique, le même calendrier !, des enjeux semblables, les mêmes personnages (protagonistes comme antagonistes) qui occupent les mêmes fonctions... de sorte qu'il n'y a pas vraiment de grosse surprise, sauf à jouer la surenchère et proposer des rebondissements toujours plus hénaurmes et improbables.
Et malheureusement à ce jeu là je trouve que Persona 5 se loupe : le début est impeccable mais après un tiers (à partir de l'arc Medjed) ça part sérieusement en couille dans l'improbable d'abord et le grandiloquent ensuite, ce qui ruine totalement la suspension d'incrédulité. Et je trouve les antagonistes principaux insupportables et particulièrement plus caricaturaux que les autres personnages.
Je suis pourtant un peu partagé : il y a quand même un rebondissement surprenant et plutôt intéressant dans l'absolu (que j'ai d'ailleurs bien aimé) mais trop capillotracté pour me satisfaire réellement. Vraiment le scénario souffre de grosses carences et s'entiche assez peu de logique / vraisemblance.
A vouloir en faire toujours plus je trouve que le jeu est trop long. L'arc final (enfin pour ceux qui iront jusque là car c'est affaire de 100 heures et plus et il existe des fins prématurées) est pour moi de trop et, de manière surprenante, me paraît s'insérer assez laborieusement dans la trame d'ensemble.
Enfin c'est plus anecdotique mais alors que ça m'avait échappé dans les précédents opus (et je ne doute pourtant pas que c'était très exactement pareil) : j'ai parfois été agacé par l'écriture - très correcte dans l'ensemble malgré le biais culturel, raisonnablement nuancée et à mon avis bien meilleure que la moyenne des titres japonais - qui laisse clairement apparaître la cible commerciale : un jeu écrit par des hommes pour de (jeunes) hommes.
Mais les relations / histoires de proximité fonctionnent toujours à merveille. D'ailleurs je constate que le jeu a été également facilité sur ce point : alors que dans les épisodes antérieurs il fallait faire des choix (et dans le 3 une relation pouvait être 'abimée' et l'arcane s'inverser) ici j'ai pu maximiser tous les liens dans la même partie, d'autant qu'un système dédié permet de connaître les meilleures réponses à donner pour se rapprocher de ses interlocuteurs.
Pour l'aspect jeu de rôle je trouve ça un peu dommage et je préférais comme c'était avant, même si c'était parfois frustrant de rester bloqué dans une relation (ou de se trouver à court de temps pour la finaliser). Après mon expérience est possiblement faussée par ma connaissance des mécaniques de la série : j'ai optimisé le développement et complété les donjons en peu d'incursions.
On pourra arguer que je fais la fine bouche. Clairement j'ai pris beaucoup de plaisir avec ce Persona et j'ai bien eu du mal à lâcher la manette avant d'en voir le bout (mais si honnêtement pour le dernier arc j'étais surtout pressé d'en finir). C'est un grand jeu mais pour moi la formule à besoin d'être bousculée, et non simplement enrichie. Pas tant l'aspect dungeon RPG que la structure narrative d'ailleurs. C'est là que le biais est probablement le plus important : je préférais l'écriture des précédents, plus sombre et plus modeste - même si le délire n'était jamais très loin).