Je précise que ma critique peut spoiler quelques éléments du jeu sur le chapitre 1 et 2 (sur 5)


Phantasmagoria II : Obsessions Fatales est un film interactif en Full Motion Video comportant séquences de jeu en point-and-click. Ce jeu diffère énormément du premier Phantasmagoria en privilégiant cette fois-ci la prise de vue réelle pour les décors, le contexte scénaristique est différent et les éléments horrifiques tournent cette fois-ci d’ordre psychologique plutôt qu’occulte. De plus, il faut noter que la performance des acteurs est de bien meilleure qualité et que les doublages sont plus réussis.


Dans ce jeu, nous prenons le contrôle de Curtis Craig, employé en tant que « Rédacteur technique » dans une compagnie pharmaceutique, Wyntech. Le jeu nous confronte rapidement aux différents protagonistes de l’aventure qui seront majoritairement les collègues de bureau de Curtis. Nous avons donc :


Trevor Barnes : Le meilleur ami de Curtis travaillant au poste de « Programmeur système ». Le personnage est ouvertement homosexuel mais il est appréciable de noter qu’il n’est pas joué de manière caricaturale. Le personnage est assez jovial et très blagueur et il est très à l’écoute.


Jocilyn Rowan : La petite amie du héros, elle travaille en tant que « Responsable des achats », ils ont décidé d’avoir une relation assez libre qui ne les empêche pas de faire d’autres rencontres. Cependant, au début du jeu, Jocilyn exprime le désir d’officialiser leur relation alors que Curtis, au contraire, souhaite que leur liaison reste secrète et qu’elle ne s’ébruite pas sur leur lieu de travail.


Bob Arnold : Il occupe le même poste que Curtis et ils sont actuellement en compétition pour obtenir une promotion. Bob est présenté comme un « salaud » qui n’a que pour unique ambition de décrédibiliser Curtis auprès de leurs collègues.


Thérèse Banning : Elle travaille pour les relations publiques, elle montre un grand intérêt pour Curtis et lui fait des avances tout en sachant que celui-ci est déjà en couple, elle lui envoie anonymement à plusieurs reprises des cartes érotiques et semble avoir des appétits particuliers.


Curtis Craig vit seul dans un petit appartement en compagnie de son rat, Blob. Dès l’introduction, nous apprenons que Curtis a subi un internement psychiatrique un an plus tôt et que l’expérience a été très traumatisante. De plus, la mère de Curtis avait elle-même de graves problèmes psychologiques (Elle habillait Curtis avec des robes tout en lui expliquant à quel point elle le trouvait monstrueux). Ses deux parents sont morts durant son enfance, sa mère s’étant suicidée et son père ayant succombé dans un accident quelques années plus tard.


Tout au long du jeu, Curtis sera victime d’hallucinations, au lieu de son reflet, il verra des images morbides, il entendra des voix l’insultant ou l’incitant au meurtre, il recevra des mails de ses parents décédés.


Le jeu joue donc énormément sur la psychologie du personnage, des meurtres étant commis dans son entourage, Curtis se questionne sur sa part de responsabilité, il se découvre une insensibilité face à l’assassinat de ses proches qui lui font se demander s’il est sain d’esprit.


L’intrigue tourne également beaucoup sur la sexualité de Curtis, en plus de devoir choisir entre sa relation stable avec la gentille Jocilyn ou une liaison plus stimulante avec Thérèse, celui-ci pense également être amoureux de Trevor (Je trouve cela assez fou de constater qu’on pouvait incarner un personnage bisexuel dans un jeu en 96). Il y aura durant le jeu plusieurs scènes de sexe assez explicite qui seront en général accompagné par d’autres scènes d’hallucinations gores, montrant très clairement que Curtis a un rapport étrange avec le sexe. (La première de ces scènes a lieu à la fin du premier chapitre et après de longs rapports avec Jocilyn, Curtis s’imagine lui enfonçant la main dans le bas-ventre afin de lui en extirper les boyaux.).


A ce stade de la critique, je pense pouvoir développer sur la raison qui m’a motivé à écrire. Ce Phantasmagoria 2 a été pour moi une expérience vidéoludique assez unique. Ce n’est pas mon premier jeu en prise de vue réelle (J’ai notamment joué à X-files : The Game, qui lui est relativement proche en matière d’ambiance et de mise en scène) mais à travers l’ambiance du jeu et de ses thématiques, je me suis retrouvé dans une situation d’inconfort, le jeu dégage quelque chose d'extrêmement malsain mais qui m’a tout de même énormément attiré, je trouve d’ailleurs le sous-titre du jeu « Obsessions fatales » assez représentatif de ce que je ressens.


Comme je l’ai dit au début de ma critique « nous prenons le contrôle de Curtis Craig », nous ne l’incarnons pas. La distinction est pour moi très importante, durant tout le jeu, nous manipulons ce personnage, nous décidons pour lui de ses actions et dans un jeu où l’on traite de la perte de contrôle de Curtis, avec les voix qui l’incitent à tuer par exemple, cela me semble extrêmement perturbant de me dire que ces voix sont peut-être les miennes.


J’ai un exemple précis pour démontrer cela : Durant le premier chapitre, Curtis trouve un tournevis, dans un point-and-click, mes réflexes de joueur m’incitent à utiliser un objet sur tout ce que je trouve et en particulier à présenter cet objet aux différents personnages en espérant que cela déclenche un dialogue, c’est la base du genre selon moi. J’ai donc tenté d’utiliser ce tournevis sur Bob me disant que Curtis essaierait peut-être de l’assassiner avec (Bob est un vrai connard, c’est totalement justifié.), bon, bien sûr, rien ne s’est passé mais l’idée m’a traversé l’esprit. Un peu plus tard, en discutant avec un autre collègue, Curtis plaisante en disant qu’il aimerait bien que Bob meurt. Le lendemain, Bob est retrouvé assassiné. Dans le bureau de Curtis. Est-ce normal qu’en tant que joueur, j’en arrive à me demander si je suis responsable de ce meurtre ? Est-ce qu’inconsciemment, j’ai transmis à Curtis mon désir de tuer Bob ? Et à ce stade du jeu, je ne sais même pas si Curtis est impliqué dans cette mort.


Mais le jeu possède une autre particularité qui renforce mon sentiment. En tant que film interactif, le jeu est très dirigiste, sa linéarité peut être considéré comme un défaut, pour moi, elle est nécessaire, en effet, on ne regarde pas un film en sautant des scènes, là, on ne peut continuer dans l’aventure que si on a effectué toutes les tâches demandées. Il faut donc avoir fait le tour des dialogues avec les pnjs, avoir tenté toutes les interactions possibles avec le décor et avoir vu toutes les indices disséminés pour avoir toutes les clés pour comprendre l’histoire. Le joueur se retrouve à son tour en position de soumission, le jeu décide de ce que l’on peut faire ou pas.


Ainsi, le joueur joue avec sa marionnette, Curtis, mais le jeu contrôle et limite les actions du joueur. Là où cette relation devient malsaine, c’est que ces limitations se manifestent à travers Curtis « Je ne peux pas partir, j’ai encore des choses à faire ». Bref, cette impression que j’ai eu d’être manipulé tout en manipulant n’est finalement pas quelque chose d’étrange dans un jeu vidéo, un joueur interagit sur le jeu à l’aide d’un personnage et il doit s’adapter aux contraintes de son jeu. Mais, le fait est que Curtis n’étant pas un personnage purement virtuel, il n’est pas seulement un amas de pixels, c’est un être humain, un acteur, on assiste à son quotidien, on le voit dans son intimité. Cela m’a donné l’impression de jouer les voyeurs. Le voir immobile, attendant de recevoir des instructions lors des phases d’enquête accentue cette idée ce n’est qu’un esclave attendant de répondre à mes envies.


Toute cette thématique autour du dominant/dominé se retrouve également dans le scénario du jeu, en effet, nous sommes amenés à découvrir les activités nocturnes de Thérèse qui est adepte du sado-masochisme et qui initie Curtis au bondage. Elle porte d’ailleurs un discours sur le plaisir éprouvé par la douleur qui m’a fortement fait penser au film Hellraiser (Film que je conseille à ceux qui auraient aimé le jeu), l’alliance de la douleur et du plaisir, le sexe qui se marie au gore.


Bon, et finalement, qu’est-ce qu’il faut retenir du jeu ? Pour peu que l’on aime les jeux d’aventure et les expériences narratives, le jeu peut plaire. Après, il faut savoir que le jeu propose quelques énigmes qui ne semblent pas toujours très logiques (Je pense au puzzle final qui m’a forcé à sortir une soluce). J’ai trouvé les personnages attachants et le scénario intriguant même si la conclusion peut sembler un peu rapide. Après, l’un des problèmes majeurs serait la qualité assez faible des vidéos ce qui est gênant pour un jeu où toutes les actions entraînent le déclenchement d’une vidéo. Phantasmagoria II : Obsessions Fatales reste pour moi un très bon jeu en Full Motion et je peux que le conseiller à celui qui souhaiterait découvrir ce sous-genre du jeu d’aventure, aujourd’hui démodé.

Nobody
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le 30 mars 2016

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