Pokémon Épée
6.3
Pokémon Épée

Jeu de Game Freak, Nintendo et The Pokémon Company (2019Nintendo Switch)

Après un launch et une année 2017 impeccables, l'année 2018 avait été plus feutrée pour la Switch, et après les Zelda et Mario, les fans de Nintendo attendaient chacun la première déclinaison de leur licence favorite sur la nouvelle console de Nintendo. Beaucoup de vœux ont été exaucés en 2019 puisque l'année a été chargée en contenu, à tel point que tout n'a pu rentrer dans le calendrier et qu'un Animal Crossing a du être repoussé. Après Fire Emblem, Luigi's Mansion et autres Zelda : Link's Awakening, le nouveau Pokémon était attendu avec curiosité, laissant espérer des avancées intéressantes de par le saut de la petite 3DS à la Switch, outre un spin-off/remake Let's Go Pikachu/Evoli d'ambition contenue.


Au lancement, on est dans des chaussons. L'histoire se dévoile tranquillement et on se retrouve inlassablement face au choix des trois starters, tous sacrément mignons (team ouistempo nénamoins). La zone de la première heure et charmante et on sent beaucoup de soin apporté, la topographie du lieu est variée, chaque petite maison et son jardin sont différents, les couleurs sont vives, la promesse de vivre une aventure Pokémon qui se rapproche des dessins animés n'a jamais été aussi proche dans la série.


Le jeu terminé au bout de 25/30h, le bilan est toutefois plus mitigé. Les textures très critiquées sur le net ne sont effectivement pas exemptes de tout reproche, le jeu est inégal d'une zone à l'autre. Les animations manquent cruellement de vie pour les Pokémon qui restent bien tristement statiques et trop rigides, dans le monde ou lors des combats. Un vilain clipping est présent, les Pokémon n'apparaissent que lorsqu'on s'approche à moins de 3 mètres, handicapant la tentative de proposition immersive d'un monde ouvert où les Pokémon sauvages vaquent à leur vie et à leurs occupations. Côté casting, quelques nouveautés là aussi inégales, avec quelques créatures de l'enfer qu'à l'aveugle on aurait bien été en peine de distinguer d'un Digimon ou de n'importe quel jeu mobile. Le travail sur les textures est insuffisant, la direction artistique presque absente par moments. Les icônes des Pokémon en pixel art dans les boîtes PC ont plus de charme que les modèles 3D et on en vient à regretter l'avancée graphique. Ce sera le thème de cette critique : globalement sans pouvoir hurler au scandale, c'est pas toujours terrible. Loin d'être le plus beau jeu sur Switch.


Un point qui sort du thème, ce sont les fameuses Terres Sauvages, probablement la promesse la plus alléchante de l'épisode, avec ses grandes étendues verdoyantes teasées dans moult trailers et Nintendo Directs, dans lesquelles Gamefreak promettait de pouvoir se promener et chasser librement. Évacuons tout de suite le suspense : étriquées et pas si ouvertes, elles ne représentent qu'une petite partie de la zone totale de jeu dont le reste est couloirisé comme dans les précédents jeux. Les Pokémon sont censés vagabonder dans la nature, et ce fut une bonne évolution que de les rendre visibles avant les combats bien que certains restent planqués dans les herbes et déclenchent un combat aléatoire. Mais le résultat garde un goût de trop peu, le côté vivant et sauvage ne fait jamais illusion, pas aidé par les proportions à la ramasse. Quand on s'attend à explorer de un vaste univers mais qu'on doit pouvoir parcourir ladite zone de bout en bout en moins de 3mn, la pilule a du mal à passer. Les zones couloirisées classiques, elles, et bien que la linéarité permette généralement aux développeurs plus de maîtrise sur la présentation au joueur, sont souvent des couloirs peu inspirés, parfois copiés/collés. Même constat côté villes d'un intérêt variable, dont seuls quelques bâtiments sont explorables et allégrement réutilisés. Une déception.


Côté scénario, difficile de savoir s'il doit en être fait mention. Il a le mérite d'exister, diront certains. C'est niais, la Team Yell est risible, les enjeux sont plus que contenus à part dans la dernière heure. Il reste globalement très, très en surface. J'ai eu peur de pousser Nabil, le comparse/rival de l'épisode, au suicide tant il me demandait de lui rouler dessus en combat à la moindre avancée du scénario pour se lamenter ensuite sur sa propre nullité. On pourra arguer que le jeu n'en a pas besoin, que c'est suffisant pour des enfants qui découvrent la série. Pâtiraient-ils d'un meilleur scénario et mieux rythmé ? On notera l'absence totale de doublage qui fait parfois vraiment tâche, notamment dans les cinématiques censées nous hyper pour un combat alors que le personnage remue muettement les lèvres sur fond de musique d'ascenseur.


Le passage à l'ère moderne est risqué pour pas mal de licences Nintendo. Là où l'imagination tournait à plein régime pour combler entre les silences et les pixels auparavant, la 3D et la HD (ou presque) ne laissent pas ce luxe. Là où un sprite était muet sur Gameboy Advance, le silence d'un modèle 3D toujours plus vivant, bien que cartoonisé, commence à être gênant. Là où quelques pixels composaient un Pokémon, un travail beaucoup plus important doit être réalisé sur les animations, les différentes textures d'un Pokémon qui sont ici tous lisses comme du plastique. Les manques criants côtés animation, présentation, doublages font subir, à mon sens, de plein fouet la transition à la licence.


Accompagnant notre aventure tout du long, les musiques vont d'entraînantes à oubliables. On ne tiendra pas rigueur au jeu de ne pas nous offrir la bande son de l'année (ni même du mois), mais c'est mignon dans l'ensemble.


Comme à chaque épisode, le jeu introduit quelques nouveautés comme le camping qu'on peut déclencher et dans lequel on peut jouer avec ses Pokémon pour améliorer leur affection envers nous, préparer du curry, et au passage engranger de l'XP et des PV pour son équipe. Ça casse pas trois pattes à un Canarticho mais ça a le mérite d'exister.


L'ergonomie aurait un sérieux besoin d'évolution, pour coller au thème de la saga. On martèle 100 fois A tel un zombie là où les choses devraient se faire en 2 clics, avec des textboxes interminables et multiples pour la moindre action. Rarement aura-t-on vu un jeu qui n'a rien à raconter être aussi bavard.
"Les Pokémon sont rentrés de mission !"
"Génial !"
"C'est super !" (la répétition en sus)
"C'est de l'excellent travail !"
"Le client est très content !"
"Vous gagnez 8000 simflouzes !"
"Le client est très content !"
Et j'abrège.


Probablement mû par la volonté d'attirer ou retenir un nouveau public introduit à la série par Pokémon Go ou Let's Go, le studio cherche visiblement à ne pas dégoûter les joueurs et la difficulté est tout bonnement inexistante. Beaucoup critiquent le multi exp, personnellement je trouve que la série a assez de côtés archaïques pour ne pas s'imposer de farmer et refarmer pour faire monter tous ses Pokémon. Quitte à rendre la mécanique optionnelle, le problème est surtout que le jeu ne semble pas du tout avoir été rééquilibré en fonction. Sans trop farmer, on se retrouve avec 20 niveaux de plus que les adversaires sur lesquels on roule allégrement sans même besoin de jouer sur les affinités de type. Je ne sais pas à quoi ressemble un game over dans ce jeu.
Le Dynamax censé apporter une nouvelle couche de stratégie, se révèle être un gigantesque (vous l'avez ?) pétard mouillé. A tout moment, on peut rendre temporairement son Pokémon gigantesque et plus puissant. Sachant que l'IA le déclenche - sans jamais une fois déroger à la règle - au moment de son dernier Pokémon, on déclenchera le sien au même instant pour ne pas être désavantagé, se retrouvant à force contre force. Pour la stratégie, on repassera.


Le jeu tient par la recette Pokémon, la collectionnite, les combats, la montée en puissance de son équipe, qui restent conformes à ce qui fait la force de la série depuis des année. Cette recette est toujours présente, mais il s'agit d'un épisode plutôt fade de cette saga, parasité par la sensation de vide et le manque d'ambition de cet opus Épée/Bouclier. Le jeu est quasi constamment dans une zone de "c'est pas mal mais ça pourrait être mieux", même sans attentes irréalistes. On aurait espéré que la série passe un pallier avec le passage à la Switch, mais on a l'impression de tenir un épisode de transition qu'on croyait être Pokémon Let's Go. On réfrènera la comparaison avec un Breath of the Wild extraordinaire dans la réinvention de sa propre mythologie et qui plus est pour un premier jeu sur un nouveau matériel : tous les jeux ne peuvent pas réussir un coup de maître. Mais quand bien même on tempère soi-même ses attentes, c'est Gamefreak lui-même qui vendait l'exploration via des trailers à la limite du mensonger pour accoucher d'un goût de trop peu. La mue qui a été bien réussie, en revanche, est le passage mené sans accroc vers le nouveau modèle économique Nintendo, à base de DLCs et season pass à 30€. Les artworks chatoyants des nouvelles zones font rêver. Il suffira de comparer ceux, magnifiques aussi, de Galar, au piètre résultat final pour se passer l'envie de sortir la carte bleue.

Calaius
6
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le 20 févr. 2020

Critique lue 814 fois

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