Ode à la distance

Il y a toujours ces vidéos ou ces listes "Top 10 des jeux censurés/interdits/trop gore/sans aucune pudeur" qui finalement présentent toujours les mêmes jeux mais qu'on regarde quand même par curiosité morbide, et pour être trop des rebelles de la vie. Des jeux qui ont vieilli, qui ont choqué à l'époque et qui font parties maintenant de l'imaginaire commun le plus accepté par tous. Petit spoil pour vous éviter d'aller consulter ces listes et vous faire gagner du temps, dedans on trouve GTA San Adreas et en général tous les GTA, Manhunt, Hatred, parfois Hotline Miami 1 et 2 et Postal 2 (j'ai aussi vu une fois Super Meat Boy parce qu'on jouait un morceau de viande).
Donc, bien sûr, en tant que jeune, né avec internet, nourri à base de japonaiseries ultra-violentes, je me sentais o-bli-gée de les tester.C'est pour la science v'voyez. Et franchement, il n'y a que les vieux cons réac qui interdisent des jeux sous prétexte qu'ils sont trop violents (et les services de com'), à bas la censure! Namého!

Alors donc, Postal 2. Oui on peut pisser sur les gens jusqu'à les faire vomir et ensuite les achever. Oui on peut customiser son arme avec un chat. Oui on peut frapper des manifestants contre la violence dans les jeux vidéos. Et oui on peut lancer un assaut contre Al Qaïda et l’achèvement qui va avec est intitulé "Found 'em faster than GWB". Oui c'est d'une puérilité sans nom, mais surtout, qu'est-ce que c'est drôle.

Deux façons de comprendre pourquoi c'est drôle:

• C'est un jeu débile dans sa diégèse, dans ses situations, dans son gameplay. Outre le fait qu'à la fin
  

  on doit tuer le développeur du jeu qui s'est transformé en vache démon mutante

ce qui reste, d'après moi l'un des meilleurs boss de fin, on se retrouve dans des situations tellement absurdes, sans aucun sens, limite c'est beau, style réalisme magique. D'où sortent ces talibans? D'où sortent ces zombies? Mais pourquoi je dois passer de "acheter une brique de lait" à "acheter une peluche en forme de coucougnette" sans que cela ne me choque? Pourquoi quand je remplace ma beuh par de l'herbe à chat je commence à voir bizarre?

• C'est un jeu débile, qui joue sur son côté ultra violent pour attirer les gamers en manque d'hémoglobine (même s'il y a mieux) tout en se cachant derrière une "critique de la société américaine". Le Postal Dude est amoral. Dans le sens où la morale ne l'atteint pas, il n'y a pas de morale à suivre dans cette diégèse. Il se fout de tout. On peut tout faire avec le Postal Dude, être gentil ou méchant (c'est les États-Unis, on va pas être trop nuancé non plus), tuer les animaux ou pas parce que ça se fait pas de tuer la pauvre vache qui n'a rien demandée, mais par contre aucun problème pour cette personne qui a refusé de signer ma pétition. Je peux faire la queue tranquillement à la banque mais qu'est-ce que c'est lent, autant buter tous ceux qui sont devant moi. Ah mais quelle plaie que le service public. En parlant de ça, je dois rendre un livre à la bibliothèque, Catch Her in the Rye, et me confronter à des fanatiques contre la littérature (petit clin d’œil à ces établissements scolaire qui ont interdit d'avoir dans leur bibliothèque The Catcher in the Rye parce que que c'était trop obscène pour la jeunesse). Bref, on joue un homme qui vit à Paradise City, une ville hautement caricaturale de la société américaine, jusqu'au grotesque. Qu'est ce que cet homme a de particulier par rapport à tous les autres habitants de cette ville? Rien, juste il est contrôlé par un joueur qui voit tout le côté absurde de cette semaine. Est-ce une vraie critique ou un coup de pub? Franchement je m'en fous, j'aime frapper avec une pelle les vendeurs d'armes dans les supermarchés. Ça me plait de voir ça comme une critique sincère, comme une chance cathartique de pouvoir frapper ceux qui trouvent GTA trop violent mais qui n'ont jamais rien dit pour Saint Row alors que c'est le même principe. Critique sincère ou non, ça reste un jeu très cathartique. C'est un jeu débile parce que le monde est débile.

Donc voilà, Postal 2 a bien vieilli faut l'avouer, mais pourtant il y a toujours une communauté qui va créer un mod qui permet de transformer tous les habitants en Trump. Bien sûr, il y en a aussi une autre qui ne va pas y jouer avec une certaine distance.

Ce jeu peut être jouer comme n'importe quel jeu, en se fondant dans la peau du personnage, en acceptant les missions qui nous sont confiées, en oubliant que les actes ont des conséquences parce que de toute façon "c'est qu'un jeu vidéo", etc. De cette façon, il peut être traité de puéril pour certains, voire de dangereux, ou de jubilatoire pour d'autres. En réalité, c'est ce manque de distance qui va être finalement attaquée par "les ligues bien-pensantes". On s'en fiche qu'il ait du sang et tout, on s'en fiche moins que des gens prennent ce jeu au premier degré, qu'ils y jouent sans réfléchir au fait qu'ils sont en train de jouer. Ces gens qui manifestent contre les jeux vidéos violents le lundi matin devant l'entreprise Running with Scissors sont totalement caricaturaux, comme toute cette ville de Paradise City. Et pourtant, quand on regarde ces "Top 10 des jeux censurés/interdits/trop gore/sans aucune pudeur", nous allons imaginer ces "censeurs" comme ceux qui sont présentés dans le jeu, sans esprit critique parce que c'était si bon de les frapper avec leurs propres panneaux.
Sous prétexte que "ce n'est qu'un jeu", finalement on ne fait que tomber dans le piège que voulaient nous éviter ces gens.

Personnellement, j'aime beaucoup Postal 2, j'y ai joué pour me défouler des mauvaises journées. J'aime cette diégèse absurde et la liberté que nous offre le Postal Dude. Je vois tous les défauts de ce jeu et je comprends qu'on ne l'aime pas, mais dans mon cas de joueuse occasionnelle je le trouve assez cathartique pour le garder dans ma bibliothèque Steam.

Un petit plus avec les achèvements, c'est peut-être le point du jeu que j'apprécie le plus. Je vous mets la liste ici parce que j'aime beaucoup trop les conditions de réussites et les titres. Je pense que c'est vraiment ce qui résume tout le jeu.

Pour Hatred, vous verrez ma critique ici.