Et un nouveau hit joué des années après tout le monde, yeehaa ! Cinq ans après la folie Red Dead, voilà que je glisse la galette avec sensualité dans la fente de ma chère console (beurk). J'ai bien choisi mon moment: je viens de me taper quelques Sergio Leone et j'ai envie d'un jeu aux mécaniques simples qui me fasse voyager dans de vastes décors propices à l'oubli.


Et bien sûr, très rapidement, le constat visuel confirme le talent de Rockstar: c'est beau et immersif, on a envie de se perdre dans la splendeur et d'envoyer chier la civilisation dégénérée qu'on devine, ça et là. Mais non. Le gouvernement a enlevé ma femme et mon fiston (en pleine crise d'adolescence, c'est peut-être pas une grande perte), alors je ne vais pas trop jouer aux cons. RP oblige, je vais véritablement m'investir dans ma mission et arrêter les salopards de mon ancien gang. Pour enfin avoir un peu de paix...


Après une intro qui se termine de façon stupide ( "Rends-toi, s'il te plait !" Non, sérieux... ?), le jeu commence dans un ranch tenu par une jeune femme assez charismatique, Bonnie. J'alterne alors entre des missions de ferme originales et des séquences de shoot qui seront le coeur du jeu. J'essaie de ne pas faire plus de deux missions principales par jour, toujours par souci de RP, et profite de mon temps libre pour explorer les environs. Et ça vaut le coup d'oeil.


En cherchant la petite bête, on pourrait dire que l'agencement des décors parait un peu artificiel. On trouve, pêle-mêle, la zone "plaines", la zone "forêts", "montagnes", "marécage", "moustaches et sombreros" ... Il y a vraiment de tout, compartimenté comme sur une pizza à goût multiple. Mais peu importe. Le plaisir de l'exploration est là, et chevaucher son destrier en dehors des sentiers battus à la seule recherche de l'évasion est un sentiment grisant parfaitement restitué par le jeu. Mais comme je le disais, la carte révèle tôt ou tard ses limites et malgré quelques activités annexes peu intéressantes (collecte de fleurs, découverte de coffres, chasse compulsive, rencontres aléatoires répétitives...) la lassitude finit par s'installer sans un scénario – ou au moins un background – pour lier tout ça.


Encouragé par la nette évolution scénaristique amorcée par Rockstar avec GTA IV, je m'attendais clairement cette fois à une histoire simple mais qui prend aux tripes, avec des personnages insaisissables, un héros ambigu et plein de situations originales. Et je suppose que c'est ce que la plupart des joueurs ont cru avoir en jouant à ce Red Dead. Mais non, ce n'est juste pas possible de laisser dire des choses pareilles.


Passées les premières jouissances liées à la redécouverte de tous les codes du western, je me suis peu à peu rendu compte que tout ce foutoir n'avait finalement pas beaucoup de logique. Red Dead n'est pas un western. C'est une simulation de western, et ça; ça fait toute la différence. Plutôt que de nous servir une oeuvre cohérente et organique, les développeurs préfèrent nous offrir une somme décousue de situations et de personnages qui tentent de brosser tout le spectre du genre. L'objectif de départ dans tout ça ? Sauver sa... On s'en fout.


Ainsi commence la longue et laborieuse suite de manipulations dont John Marston, le héros, est l'objet. On est le larbin de tout le monde et tout le monde se fout de notre gueule, ou presque. Les personnages, ultra-caricaturaux, sont soit dingues soit méprisables, et parfois les deux en même temps. Mais John fait tout ce qu'ils demandent parce que bon, on lui promet vaguement à chaque fois de lui dire où se trouvent les hommes qu'il recherche, alors voilà... Il y croit même lorsqu'il se retrouve face au dictateur mexicain le plus cliché que j'ai vu depuis mes dessins animés d'enfance:


- Caramba ! Yé vais baiser toutes ces pétites poutes qué yé viens dé touer toute leur famille et après, promis Marston, yé vous aide !
Je grossis à peine le trait. Cependant, il y a aussi des personnages plus intéressants, et plus attachants, souvent des femmes d'ailleurs. Mais on les voit si peu qu'on reste presque en permanence en compagnie de la lie de l'humanité. Le cul continuellement entre la parodie et l'hommage sérieux, le scénario de Dan Houser s'enfonce définitivement par les réactions de son protagoniste principal: en gros, John s'en fout. Il subit les pires avanies avec un détachement bien vite insupportable. Déjà présent chez Niko Bellic et Max Payne (le 3), ce côté désabusé que Houser donne si souvent à ses héros est ici complètement en contradiction avec l'envie supposée de John de retrouver les siens.
Conseil aux scénaristes de jeux en open world: sortez-vous les doigts du cul et arrêtez d'écrire des histoires sur des mecs qui veulent retrouver leur famille ! Papa pour *Fallout 3*, fiston pour *Fallout 4*, la fille adoptive de Geralt pour *The Witcher 3*... Merde, c'est pas cohérent avec le fait de ramasser des fleurs, de jouer au facteur ou de glander sur une colline pour admirer un joli coucher de soleil !
Bref, vous l'aurez compris, je me suis de plus en plus ennuyé avec l'histoire de *Red Dead*. Seule la fin m'a agréablement surpris. Soudain, John prend une consistance insoupçonnée à travers des missions qui, pourtant, sont loin d'être épiques. Mais ce que l'on fait revêt soudain du sens, et c'est tout ce que je demande pour croire au monde qu'on me force à parcourir... Comme quoi, se poser a parfois du bon. Parce que le reste du temps, vous ne ferez à peu près qu'une chose, au cours des missions principales: tuer, tout et n'importe quoi. Au Mexique, le jeu fait même très fort puisqu'on bute aussi bien des soldats que des pauvres révolutionnaires qui crèvent de faim. Alors oui, il y a une petite réflexion politico-philosophico-pouet-pouet derrière tout ça, mais c'est tellement cliché que je ne préfère même pas en parler.
En fait, au risque de déplaire aux "puristes" du jeu vidéo, je pense que le concept de "genres" devient obsolète dans l'élaboration de mondes virtuels crédibles. *Red Dead* est un TPS, malgré quelques subtilités. Il n'est pas question de discuter avec les personnages ou de chercher à comprendre le monde qui nous entoure, on fait juste face à des hordes de pistoleros qu'il faut dégommer de façon mécanique. Et entre deux tueries, des chevauchées qui se résument à de longs allers-retours qui, à la longue, brisent la magie initiale des décors. Comment croire à un tel open world ? John ne mange jamais, n'a pas besoin d'eau ou de sommeil, récupère de la vie sans rien faire, peut perdre un millier de fois son cheval et en siffler un nouveau sur le champ... Il n'est demandé aucun investissement au joueur vis-à-vis de son avatar. Voyager dans *Red Dead* ne nous apporte finalement aucune dose de rêve, aucun challenge, aucune tension immersive. On éperonne son cheval comme un dingue ou on utilise les voyages rapides pour rejoindre un gros rond sur la carte. Basta.
Alors bien sûr, si on prend juste *Red Dead* pour ce qu'il est, c'est à dire un TPS de luxe, on peut évidemment s'avérer satisfait. Les gunfights sont plutôt amusantes. Il y a beaucoup d'armes différentes avec des sensations bien retranscrites. C'est fun de tuer dans *Red Dead*, et c'est tout ce qu'on lui demande. Si ce n'est pas le cas, si vous avez plutôt l'âme d'un explorateur virtuel, ou même si vous voulez juste suivre une bonne histoire de western, alors il y a des chances que vous vous retrouviez frustrés. Il y a tellement de bonnes choses dans ce jeu, d'idées juste effleurées. La patte artistique est bien présente. La technique est solide. Certains dialogues sont vraiment drôles et la fin est particulièrement touchante. Mais les sempiternels rouages Rockstar égrènent mécaniquement votre progression où la seule liberté dont vous disposez est de bravement faire vos missions ou de vous balader pendant que votre femme se fait peut-être violer par ses ravisseurs. Et cette fois, aucune ville, aucun lieu digne d’attiser votre soif d'exploration. Seulement une nature vide parsemée de fleurs et d'animaux à abattre.

La formule Rockstar a été poussée jusqu'à son paroxysme et a cruellement besoin d'innovations. Mais ça marche tellement bien, et tant de gens crient systématiquement au génie... Pourquoi évoluer ?

Amrit
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le 25 janv. 2016

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