Pour commencer cette critique il est important de clarifier d'entrée le parti-pris et l'approche choisie par R* pour ce RDR II en précisant ce qu'il est et ce qu'il n'est pas. Ce n'est pas vraiment un GTA-like avec un terrain de jeu sandbox et des tonnes d'activités WTF à accomplir, c'est un Survival narratif plus posé et contemplatif encore que le premier. Beaucoup plus intimiste aussi avec cette notion de bande et toutes les thématiques qui en découlent. Les amateurs de fast-food vidéoludique qui ne savent/veulent pas prendre le temps de s'immerger dans un univers ni le savourer seront laissés sur la touche et c'est tant mieux.


Ce qui m'a donc frappé assez rapidement avec cette prequel c'est la sensation de ne pas du tout avoir affaire à un opus 1.5 seulement plus abouti que son prédécesseur, mais bien à une œuvre qui a ses propres codes, son propre rythme, ses propres enjeux, sa propre narration... Même s'il adopte au final la même structure et le même schéma dans le déroulement de l'histoire et des diverses missions que les autres OW de la firme, ici tout est fait pour pousser l'interaction et l'immersion à leur paroxysme avec des possibilités Roleplay assez nombreuses.


La prise en main va dans le sens de cette immersion accrue avec une lenteur/lourdeur prononcée mais il y a quand-même des soucis de game-design indéniables et une ergonomie d'inventaire perfectible. Là dessus c'est du R*, ça manque de précision dans le gameplay, là s'ajoutent des problèmes de réactivité flagrants dans les animations et les déplacements et un système de couverture avec les décors complètement archaïque. En revanche j'ai personnellement apprécié les gunfights qui demeurent riches en sensations dans le feeling des armes.


Visuellement je vais dire ceci: quand beauté technique et artistique s'unissent de la sorte cela nous offre un écrin d'une splendeur formelle sans précédent. TOUT ici force le respect et l'admiration. La richesse des détails, la finesse des textures, la profondeur de champs, les effets climatiques, la variété et l'ambiance respective des paysages, l'optimisation quasi irréprochable… Bon nombres de plans, de décors et de panoramas en disent beaucoup et nous racontent une histoire, un contexte, un background spécifique aux différentes régions, je pense à la zone industrielle avec l'arrivée du modernisme et donc de la pollution à grande échelle, ces usines à charbon qui travaillent à plein régime, les derricks pétroliers, les étendues alentours noires car totalement souillées… Je me croyais dans le chef-d'oeuvre "There Will Be Blood" avec Daniel D-Lewis.


Si on ajoute à ça un monde ultra vivant et dynamique, aussi hostile et impitoyable, que beau et léger, avec une faune et une flore animée à la perfection on est tout simplement devant un nouveau standard auquel il faudra peut-être attendre une demi-génération pour que ce soit la norme.


Seule ombre au tableau la modélisation faciale des personnages secondaires, souvent assez disgracieuse et qui est loin d'avoir bénéficiée du même soin que celle des principaux.


Au delà de cette incroyable prouesse plastique, R* a eu le bon goût de bien mettre en valeur sa carte en faisant en sorte que tout y soit propice à l'exploration, à la découverte et à la surprise. Et pour cause il y aura toujours quelque chose à faire avec pléthores de secrets, d'évènements aléatoires, d'easter-eggs, de clin-d'oeils, de lieux énigmatiques et autres sous-quêtes... etc C'est aussi un soft qui distille pas mal de petites mécaniques de gameplay de façon assez subtiles, ce qui fait que c'est surtout au joueur d'aller vers celles-ci pour agrémenter la trame centrale d'à-côtés et d'anecdotes rocambolesques pour varier les plaisirs. Se cantonner qu'au fil rouge du scénario te fait qu'effleurer le potentiel du titre; quand bien même c'est avant tout un vibrant récit et portrait humain d'un homme complexe et nuancé.


A ce titre ce contenu démesuré et très généreux est une franche réussite.


Mais bon, au final la plus grande force de ce jeu c'est Arthur Morgan. C'est simple, il est devenu mon protagoniste de JV favoris ever. Tout est énorme chez lui : son chara-design, son écriture, ses répliques, et que dire de son doublage ? Il a un gros capital sympathie malgré son statut de hors-la-loi. Il en parviendrait presque à faire oublier le classieux John Marston. Mémorable tout simplement.


Là où ce RDR II m'a un peu déçu c'est au niveau de son histoire qui est globalement assez convenue avec des thématiques déjà pas mal éculées dans le milieu. On y retrouve ces mêmes errements inhérents aux monde ouverts : des enjeux qui mettent du temps à décoller, des missions assez redondantes qui ne font pas beaucoup avancer le récit, et surtout excessivement scriptées et dirigistes. Alors je n'irais pas jusqu'à affirmer que je me suis ennuyé puisque R* possède toujours un savoir-faire rare et précieux au niveau mise en scène, dialogues, choix de compositions musicales et pour ce qui est de dépeindre des persos charismatiques, mais il y a aussi peu de séquences où j'ai été transporté si j'excepte la sublime et touchante


ultime chevauchée d'Arthur


avec la chanson à tomber. Après même si l'urgence et l'importance du propos fait que les scénaristes ne peuvent pas s'autoriser n'importe quoi puisqu'il demande une certaine cohérence et un fil rouge, pour retrouver ce grain de folie et d'originalité propre au studio il faudra chercher du côté des quêtes annexes, pour le coup blindées de moments savoureux et de rencontres hautes en couleurs, le tout avec le style satirique qui fait des merveilles. Je parlais aussi au début du côté survie du titre mais forcé de reconnaître que tout le pan gestion du camps et le craft/artisanat sont anecdotiques et n'ont aucune influence notable sur l'aventure. La survie se retrouve donc uniquement dans l'histoire. A noter également au rayon des faiblesses ce système de justice à revoir avec une I.A des forces de l'ordre franchement à l'Ouest.


A défaut d'atteindre le firmament, on a une enivrante épopée sauvage au Far West qui se hisse sans trop forcer donc comme le jeu de l'année 2018 et l'un des moments majeurs de cette génération.

MrShepard
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le 24 nov. 2018

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MrShepard

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