Resident Evil 5 par Antevre

J'avais très envie d'aimer RE5, et franchement je ne peux pas nier que j'ai aimé le faire (car c'est en coopération en agréable compagnie que le jeu prend tout son sens)... mais c'est compliqué quand même. C'est compliqué quand deux des boss sont buggés au point qu'il soit quasiment impossible de les vaincre sans checker dans une solution pourquoi la méthode clairement donnée par le jeu ne fonctionne pas. C'est compliqué quand à la moitié du jeu les ennemis revêtent soudainement des costumes sortis d'une caricature raciste, ce que le jeu t'explique via un document ramassé comme la conséquence du parasite, qui rend ses porteurs fous furieux et leur fait revêtir ce qu'ils s'imaginent être les atours de guerre de leurs ancêtres (sic). C'est compliqué quand le deuxième tiers du jeu se passe presque entièrement dans un temple souterrain qui semble sorti tout droit d'un Tomb Raider, qui ne fonctionne pas du tout avec l'univers du jeu et qui est répétitif au possible. C'est compliqué quand tu te rends compte, finalement, que toutes les phases de jeu sont devenues des arènes qui se suivent et se ressemblent, un écueil pourtant évitable avec un minimum d'imagination.

Et pourtant, il a de bonnes choses, ce RE5. Il a pour lui le lore de sa série canonique, forcément. Il a une mise en scène de film d'action où des animations de grande qualité forcent le respect pour son époque (malgré des modèles 3D parfois douteux, à l'image de ce Chris Redfield qui a tellement fait de la gonflette que ses muscles ont des muscles). Il a un système de jeu qui, mine de rien, est dynamique et efficace, incitant la coopération et la prise de risque. Il a des moments extrêmement badass, même si on est parfois à la limite de la suspension d'incrédulité (que Albert Wesker soit à peu près aussi surhumain que l'agent Smith dans Matrix passe encore, mais que Jill Valentine le soit est plus difficile à admettre même si elle a l'air super cool et que sa teinture blonde clairement voulue par un Wesker en plein délire narcissique est une délicieuse touche d'ironie). Il a des boss mémorables, et qui le seraient encore plus sans les bugs (à noter cependant que l'un d'entre eux est littéralement un copier/coller d'un boss du 4, ce qui est une illustration éloquente de la paresse de ce jeu qui se recycle encore et encore, ce qui est d'autant plus dommage qu'il aurait clairement gagné à être plus court et plus soigné sur ses phases centrales).

On reste très loin d'un grand jeu, et c'est dommage parce que ça se sent que ça aurait pu l'être. Quand on regarde ses défauts majeurs, on peut les rapporter à deux causes manifestes : un manque de temps évident accordé aux développeurs (qui auraient pu corriger les bugs les plus game-breaking) et une direction artistique complaisante voire vulgaire qui ne s'assume pas (ce qui aurait pu être une manière de sauter l'obstacle), fruit évident d'un désaccord entre créatifs et décideurs, qui donne des dérapages heureux (les phases à la Matrix et le combat final qui ne peut pas ne pas être une référence à Battle Tendency, le deuxième arc de JJBA) et d'autres plus malheureux (la tentative de justification des costumes tribaux et le temple maudit à la Indiana Jones/Tomb Raider). Autrement dit, des causes qui traversent l'ensemble de l'industrie en réalité, et beaucoup à cette époque-là en particulier, où le jeu indépendant commençait seulement à faire son trou et où les marketeux voyaient encore le jeu vidéo comme un divertissement crétin pour ados en chaleur et accros à la testostérone. En vrai je suis presque admiratif de l'équipe créative, qui a quand même réussi à faire des trucs intéressants malgré le virage très clairement forcé de la série.

Prenez un pote et des bières et vous passerez un bon moment devant la mise en scène et un encore meilleur moment à rigoler des errances du jeu. Par contre je n'ai pas essayé mais l'expérience en solo doit être certainement extrêmement frustrante, et je la déconseille.