Your move, creep !

Étonnant projet que ce RoboCop: Rogue City sorti de nulle part, tout comme le précédent Terminator: Resistance du même studio Teyon. Et si je n’ai pas touché à cet autre jeu, la bonne découverte que fut cette incursion dans le Détroit des 80s me donne bien envie.

Car si on est dans du AA, les ambitions sont bien là, maîtrisées par rapport au champ des possibles d’un budget forcément limité. Et le respect du matériau de Verhoeven fait plaisir, on sent une véritable démarche de passionné qui anime le jeu. On reprend l’esthétique rétro-futuriste, les gueules des personnages et même la voix de Peter Weller. Et surtout, on reprend l’ambiance caustique. Chaque dialogue avec un PNJ est l’occasion de lancer une petite blague satirique bien sentie, chaque spot radio continue d’établir cette uchronie où le capitalisme est à peine poussé plus loin que dans notre réel, chaque élément de narrative design nous plonge dans cette atmosphère de déliquescence morale. Est-ce fait avec finesse? Non. Mais ça fonctionne aussi bien que le film dans sa caricature franchement drôle.

Se pose alors la question du gameplay. Là aussi, de belles surprises. La première mission nous montre un des pans du gameplay, à savoir un niveau où l’on dézingue des “creeps” en faisant fi des balles qui plombent notre armure. Ici pas de système de couverture, pas de course effrénée : nous sommes RoboCop, nous sommes un tank qui défouraille une fois que la loi nous le permet, avançant lentement, à la vue de tous, et enchaînant les bastos qui font gicler têtes et membres. De par son statut métallique, on aurait pu craindre que notre protagoniste rende le jeu trop facile. Si en mode normal ce n’est effectivement pas bien compliqué de voir le bout de l’aventure, certains passages bien tendus font redouter les difficultés supérieures. Quoi qu’il en soit, en termes de sensation de puissance, ça fait clairement le boulot !

Mais 15h de pan-pan boum-boum aurait sans doute été indigeste, et c’est là qu’arrive la cerise sur le gâteau, venant rythmer l’aventure tout en favorisant l’immersion. Dès que la première mission se termine, nous voilà au poste de police où l’on peut explorer librement, taper la causette et résoudre quelques quêtes secondaires basées sur les dialogues. On découvre également le système d’expérience qui vient rajouter une dimension RPG pas forcément profonde, mais pas encombrante non plus, dont la mécanique la plus intéressante est celle consistant à améliorer la puce électronique de notre flingue. Et voilà que l’on nous largue dans une zone ouverte, un quartier assez large où l’on va passer de nombreuses heures, disséminées entre des missions plus bourrines, à explorer et prendre corps de cette ville. J’avais l’impression de me retrouver dans le Hell’s Kitchen de Deus Ex (en moins bien tout de même), c’était grisant.

Des alternances ludiques, un univers plaisant et respectueux, et une écriture engageante, que les rares longueurs, un gameplay FPS qui n’invente rien et se contente de bien faire, ou quelques bugs de synchronisation, ne viendront pas ternir. Rogue City plaira sans doute plus aux connaisseurs de la licence, mais il fait clairement partie de ces AA qui valent le détour.