Root Letter: Last Answer
6.5
Root Letter: Last Answer

Jeu de PQube et Kadokawa Games (2018Nintendo Switch)

Alors je ne sais même plus pourquoi je me suis retrouvé à acheter ce jeu, ou même à me le faire offrir plus précisément mais au moment d'y jouer au cours d'un séjour à la montagne j'ai rapidement été gagné par un certain malaise : mais qu'est-ce qui m'avait pris ? En effet, de la jaquette à la voix de la fameuse "Aya" du générique j'ai été rattrapé par une honte presque infantile de jouer à ce qui s'annonçait être une belle daube pour ado "sensible" (soyons diplomates). Je craignais même de me retrouver face à un exutoire pour puceau de 14 berges ou pire (cette fois je lâche). La question qui se pose alors est la suivante : ma peur était-elle justifiée ?


En partie.


Dès le début, on retrouve les marqueurs des productions japonaises : l'écriture qui prend le lecteur un peu pour un simplet (je répète ce que j'entends comme si j'étais un peu demeuré ; les mimiques exagérées histoire de ne surtout pas égarer le joueur entre autres), la mascotte sortie de nulle part qui ne sert à rien, les "éclats" d'écran pour simuler une surprise intense, etc. Bon, ça a son charme et je ne vais pas cracher dessus, après tout si ça n'était pas là ce serait bien aseptisé...
Au delà de cela, le point de départ ne semble pas si niaiseux et l'intrigue promet un mystère intriguant. De même, les personnages que l'on recherche (ceux qui vont nous renseigner sur notre correspondante de nos années adolescentes) sont variés et les décors traversés sont reposants.


A partir de là, il y a trois issues classiques :
- évoluer vers un délire ahurissant pour répondre au paquet de mystères qui s'est amoncelé dans le jeu et qui ne peut ainsi pas décevoir ~ la solution la plus fréquente des mangas
- s'effondrer en un truc osef ~ ça c'est plutôt américain
- être à la hauteur en proposant soit un brillant déroulé logique ou un formidable final symbolique ~ ça c'est rare tout court


Dans quelle catégorie entre Root Letter ? Eh bien un peu dans les deux premières puisque le jeu propose plusieurs fins dans plusieurs registres et avec les deux derniers chapitres sur les dix au total pour chaque branche différant d'une fin à l'autre. A ce niveau, malgré quelques petites incohérences, les cheminements sont assez brillants en ce que les huit premiers chapitres font flotter le mystère entre ces différentes explications et registres (que je ne vais pas dévoiler par souci de préservation des nouveaux joueurs). Moins glorieuse, la façon d'arriver à ces fins est presque sans queue ni tête puisqu'il s'agit de répondre différemment aux lettres d'Aya parmi plusieurs choix, mais dans des apartés sans importance et dont on a du mal comment dans la vraie vie ils pourraient autant influencer une personne même avec le pouvoir de l'amour/amitié (qui existe bien sûr dans ce jeu, le ton restant quand même assez adulescent, et je dis bien ADUlescent).


Jusque là, nous avons une bonne intrigue générale avec plusieurs ramifications sympathiques à la fin, mais avons-nous pour autant un bon jeu ou ne serait-ce qu'une bonne expérience narrative ?


Eh bien pas trop.
En effet, ce qui pèche dans Root Letter ce sont les nœuds de l'intrigue que sont les enquêtes et interrogatoires. Pour résumer, chaque personnage rencontré niera connaître Aya et il faudra accumuler les preuves et connaissances pour les faire craquer et passer à table.
En passant sur le gameplay accolé à cette progression, c'est-à-dire un pointer-cliquer dans lequel il est impossible de se perdre en sus d'une espèce de roue des phrases chocs (le "Max" mode, "Max" étant le pseudo du personnage dont le nom choisi au départ ne sert ainsi à rien, pseudo mérité parce que notre ami aime vivre sa vie au "Max"imum...clap clap) qui aident à pousser les personnages dans leurs retranchements, on se retrouve la plupart du temps devant des interrogatoires et interactions pas du tout crédibles. De fait, notre personnage est une espèce de boulet qui va harceler nos petits potes avec des phrases choc tout droit sorties d'un Brice de Nice eco+. La présentation des preuves est navrante au possible :on va devoir prouver plein de trucs accidents genre "tu portes des lunettes et je vais le prouver" pour finalement glisser par magie vers un craquage du perso qui se met à table pour finalement nier juste après (putain...). Bref, les dialogues semblent sortis du script d'un inapte social. Heureusement, la certaine candeur de l'ensemble apporte une certaine sympathie ce groupe hétéroclite, assurant l'essentiel.


Au niveau des à côtés, cette version Switch propose de passer de l'animation à de vrais acteurs...Autant dire que le résultat est assez risible, mieux vaut s'en tenir aux fantasmes des japonais dans leurs dessins animés.


Au final, pour résumer le torchon que je viens de dégueuler, Root Letter est une expérience dépaysante avec un certain charme adulescent à la japonaise. Se jouant comme un roman de gare à plusieurs interprétations, il fera renaître des sentiments nostalgiques tout en offrant une fin qui entrera dans les envies de chacun (certaines étant plus adultes que d'autres). Loin d'être irréprochable dans sa naïveté relative et les quelques dérapages typiquement otaku, Root Letter a pour lui le charme réconfortant des mangas. Si vous cherchez un bon jeu par contre, passez votre chemin tant les nœuds essentiels de l'intrigue sont navrants et mal codés.

Foulcher
6
Écrit par

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le 31 déc. 2019

Critique lue 801 fois

5 j'aime

Foulcher

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