Jesse Rosehomme ! Il est temps de cuisiner.

- T'as encore de la California Thunderfuck?

- Je crois que j'en ai à la grange. Fais gaffe, t'as un deal de Paracétameth qui a pop.

- Putain oui, faut que j'aille racheter de l'Addy pour en faire. Et du sperme de cheval, je peux pas faire ma Jizzy Horsy Cummy Methy sans ça.

Il est 2h du matin. Mon compère et moi-même travaillons depuis 22h pour étendre notre empire de la drogue. Faut dire qu'on revient de loin.

Tout a commencé dans un mobil-home, comme les plus grands de notre temps. Sauf que nous, on a commencé p'tit vous voyez. Un pot. Du terreau. Une graine. Très vite, on s'est fait remarquer par la bande du coin, les Benzies. Comme accueil chaleureux, ils nous ont cramé notre mobil-home. Heureusement, notre oncle connait la patronne d'un resto asiat' pas trop loin, Miss Ming. On logera là-bas. Préparant notre revanche. Plant par plant. Pochon par pochon.

Au début, faut dire qu'on a pas grand-chose. On rachète des pots, du terreau et des graines merdiques chez le fournisseur du coin. Faut qu'on se fasse un nom. Et on y met du cœur, vous savez ! On les chouchoute nos graines ! On les plante, les arrose périodiquement et une fois prêts, coupons avec soin leurs belles feuilles de Marie-Jeanne. Puis faut les préparer. On achète une station de travail, des pochons et on les emballe. Dans la rue, on commence à vendre nos produits avec des échantillons gratuits. On réussit à convaincre des travailleurs du coin et même Miss Ming ! de nous acheter du produit.

Petit à petit, notre empire se construit. Toujours en amadouant le pékin via des produits gratuits, on étend notre clientèle, qui nous appellent pour avoir leur dose. Mais dans ce milieu, faut se différencier de la sale concurrence. On commence à mixer notre weed avec ce qu'on trouve au Super U du coin : mangue, banane, haricot, paracétamol, semence de cheval, gazoline... Tout y passe. On nomme nos créations via nos cerveaux malades, regorgeant de jeux de mots vaseux et hasardeux : Bédopposé, Flou de Weed, Ultra Chicken Jockey, Jesse l'Homme Rose... Et ça marche. L'argent commence à arriver. Les effets secondaires, on se les garde pour nous par contre. De la weed qui rend roux à celle qui rend vert, ça vous change une ville. Mais que voulez-vous ! Les consommateurs en redemandent et personne ne nous fait de remarque ! À tel point qu'on a engagé notre premier dealos. On lui assigne des clients, refourgue notre came, il prend sa comm' et nous rend le reste.

On continue de s'enrichir. Notre weed est de meilleure qualité depuis qu'on a acheté du meilleur terreau et des lampes UV. Et puis on commence à commercialiser de la meth aussi. Ici, pas de plantes à chouchouter mais plutôt tout est à mélanger. Un peu de phosphore, de la pseudo acheté à un autre fournisseur et un zeste d'acide, faites mijoter le tout à feux doux pendant quelques heures et mettez ensuite votre pâte à cuire dans le micro-ondes quelques heures. Le temps écoulé, brisez la pâte durcie en plusieurs cristaux et vous voilà parés !

Emballé, c’est pesé, on déverse notre nouvelle came dans les rues qui fait un carton. Plus chère, plus addictive, toujours en la mixant aux ingrédients locaux, on commence sérieusement à se faire un sacré pognon.

Le souci, c'est que cet argent est à l'image de notre petit trafic : sale. Achetons donc une laverie pour que cet argent ressorte blanchi. Et tant qu'à être dans l'immobilier, achetons également une grange qui permettra de placer encore plus de stations de chimistes, encore plus de micro-ondes : enfin bref, the line must go up, comme on dit chez nous, les winners.

Et puisqu'on est un winner et comme tout bon dirigeant d'entreprise qui se respecte, on investit dans la main d'œuvre. Tiens, voilà un chimiste qui s'occupera de préparer, cuire et briser la meth. Ce jardinier se chargera lui de faire pousser notre beuh et de la cueillir. Et ce manutentionnaire lui, se chargera de placer les bons éléments sur les bonnes étagères, d'assurer que les chimistes et jardinier ont le matériel nécessaire pour travailler, et de mettre en boîte nos produits. Enfin, engageons quelques dealos : avec tous ces nouveaux clients et ce biz' à gérer, on peut pas être partout à la fois. On a même commencé à produire de la coke, c'est dire.

Tout va bien au pays de la dope et du vice. Tout, sauf ces foutus Benzies qui nous mettent des bâtons dans les roues. Aux embuscades sauvages à coups de battes jusqu'à nos dealos qui se font amocher et voler, ça porte un sacré coup à notre empire. Ils veulent en prendre de la graine ? Dans le milieu, faut savoir plonger ses mains dans le cambouis et ses pieds dans les gueules. On s'arme chez le militaire suspect du coin. Nous aussi, on peut faire des raids vous savez ! Petit à petit, leur influence néfaste et nauséabonde diminue, au profit de la nôtre, qui sent bon comme la rosée du matin sur des feuilles de chanvre. Le coup de grâce sera porté. La vengeance sera accomplie.

C'est fini. Tout le monde est addict : de Miss Ming au maire en passant par le prêtre local, ils n'en démordent plus, tout le monde veut goûter à nos pépites. La Méth-tu-dis-Charo, la Coke'n'ball, la Weedo&Oli sont devenus des institutions qu'on s'arrache à prix d'or. À tel point que certains habitants nous pourchassent à travers la ville pour avoir leur fix. Comme disait Mel Brooks dans sa célèbre chanson : "C'est bon d'être le roi".

Le développement de la ville n'est pas totalement fini non plus, on sent qu'on pourra y revenir un de ces 4. Qui sait ? On annonce une livraison de champis prochaine. Et puis les dealos pourraient venir chercher leurs cargaisons à domicile, plutôt que ça soit à nous de venir les fournir. M'enfin, on y reviendra. Comme notre propre drogue, on ne s'en débarrasse jamais vraiment.