Shadow Complex fait partie du club très select de mes petites madeleines de Proust me rappelant l'éveil de la scène indé sur XBLA, et donc des quelques regrets concernant les exclues perdues lors de la revente de ma Xbox 360.


C’est à ce titre que j’ai donc accueilli comme une bénédiction la sortie de ce providentiel Remastered en 2016, qui est désormais l'occasion de crier au monde entier tout l'amour que je lui porte depuis plus d'une décennie maintenant.


C'est qu'il a fait grand bruit à sa sortie ce petit jeu, puisqu'il a ni plus ni moins contribué à relancer un genre entier un peu tombé en désuétude avec l'avènement des consoles 3D : le metroidvania (ou plutôt en l'occurrence son sous-genre du metroid-like). Genre plutôt prolifique aujourd'hui, il faut savoir que les années 2000 furent une période de vaches maigres en la matière. Sortis des géniteurs qui lui donnèrent son nom, on ne peut guère citer que le Cave Story de 2004 pour porter l’étendard sur cette décennie de disette. C'est donc en 2009 que sort SC, à la lumière d'un contexte favorable : rareté des sorties MV, essor du dématérialisé et de la scène indé, etc. C'est le succès tant commercial que critique. Le développeur Chair ne s'en cache pas, son bébé est une déclaration d'amour à Metroid, et cela se voit. Mais il est néanmoins malin : il ne s’est pas contenté de bêtement copier le maître, il a su apporter une vraie patte à la recette, au point d'occuper une place tout à fait légitime dans le paysage actuel du MV.


Le jeu nous place dans la peau de Jason Fleming, qui fait une petite randonnée avec sa copine Claire quand patatras ! Ils tombent nez à nez avec une bande de terroristes futuristes, planqués dans leur base au milieu de la forêt (c'est pas de chance). On comprendra vite que le scénario ne sera pas l'intérêt premier du jeu. Chair lui-même en étant conscient, c'est donc sous l'angle du second degré que la narration se mettra en place, égrenant tous les clichés possibles dont les productions cinématographiques des années 90 étaient si friandes. Un certain esprit nanar (au sens "noble" du terme) se dégage donc du soft, ce dès l'introduction et jusqu'au dénouement, en passant par les sempiternels flashbacks, questionnements existentiels et autre chef des méchants qui bien entendu avait tout prévu évidemment mwhahaha. Un humour présent tout au long de l'aventure, jusqu'à sa fin alternative des plus cyniques (mais tellement drôle)...


Ça c'est pour le côté écriture, mais ce n'est pas cela que l'on retiendra du jeu. Non, le vrai truc qui frappe une fois manette en main, c'est ce parti pris 2.5D poussé à l'extrême. Il faut bien avoir en tête c'est que contrairement à ce qui se faisait auparavant en termes de MV, à savoir du pixel-art bien comme il faut, Chair fait ici le choix d'une 3D complète pour les modèles et les décors, pour un déplacement a priori uniquement en 2D. Si le principe est très classique aujourd'hui (INSIDE, Trials, F.I.S.T., etc.), à l'époque ça en mettait plein la vue.
Mais le véritable petit plus de SC, et cela ça reste encore assez rare aujourd'hui, c'est le gameplay qui lui aussi est en réalité calé sur de la 2.5D. Comprendre par-là que les ennemis peuvent venir du fond du décor, et que votre personnage pourra les viser en conséquence. Les scènes de tourelles seront également l'occasion de "casser le mur" en alignant des pruneaux bien sentis vers le fond de l'écran. Cette mise en scène 2.5D est si bien travaillée que cela en devient parfois très frustrant : en effet la progression de notre personnage se trouve souvent coincée par un mur ou un tuyau alors qu'une porte ou un escalier sont dessinés à l'arrière-plan, mais trajectoire 2D oblige, le personnage ne pourra jamais y accéder. A noter que je n'utilise pas du tout le terme "frustrant" négativement, mais plus dans le sens où le complexe semble tellement riche qu'on n'a qu'une seule envie, c'est de visiter en totalité des lieux qui en fait ne sont qu'illusion. Une illusion finement sculptée, qu'il nous faut souvent quitter la mort dans l'âme...


Puisqu'on évoque les décors, j'en profite pour applaudir la direction artistique qui me flatte encore la rétine aujourd'hui. SI je reconnais volontiers des visages datés que cette Remastered ne parvient pas à corriger, que dire des paysages, des effets et autres mechas (dont certains rappellent les Tachikoma de Ghost in the Shell) ? Le tout est sincèrement léché, on se laisse vraiment immerger dans cette foutue base, porté par une scénographie vraiment élégante. Un grand soin a en effet été apporté sur cet aspect : gros travail sur l'esthétique des balles (qui rebondissent sur les murs, qui dévient sous l'eau...), sur des scènes marquantes (l'hélico du lac, l'inondation, le finish...), sur les boss, sur la variété et la crédibilité des zones, sur les explosions, sur les effets de ralenti... Le tout servi par une caméra dynamique au point de vue parfois intéressant pour plus de vie, quitte parfois à perdre légèrement en visibilité sur certaines arènes (mais rien d'insurmontable néanmoins).
Côté sonore la copie est également de qualité : musique sympa, bruitages très bons, VF marrante et hurlements des soldats très amusants.
Une immersion au top donc, qui vaut largement le voyage.


En termes de jouabilité, inutile de dire que les codes du MV sont très bien assimilés, et poussent à une exploration maximale : zones fermées sans l'objet adéquat, diverses capacités et collectibles planqués un peu partout, le tout en variant régulièrement les situations (une même compétence ne s’utilisera pas forcément de la même manière suivant la salle dans laquelle on se trouve).
Graphismes réalistes oblige, les différentes portes verrouillées sont tout à fait indifférenciables en l'état, mais l'astuce trouvée pour garder le décor lisible passe par la lampe de poche : en éclairant une zone sensible à une capacité, celle-ci se colore soudainement en une couleur différente en fonction de l'objet nécessaire. Un très bon compromis entre discrétion et compréhension du level-design.
Au-delà des traditionnels flingues, grenades et missiles de bonhomme, s'ajoute la singulière capacité de la mousse expansive : embourber des gens, pourrir des circuits d'aération ou atteindre des zones inaccessibles ne sont que quelques usages du bousin, pour lequel les idées d'utilisation ne manquent pas ! A noter qu’Arkane reprendra l’idée en 2017 pour son futur Prey.
Autre classique metroidesque sublimé : la supervitesse. Ici on ne se contente pas de détruire des murs avec, mais on court également sur le plafond, ou même sur l'eau. Jubilatoire.
Enfin un truc que j'ai adoré aussi : le ressenti du corps à corps, très facile à sortir, et toujours fun à regarder.


J'arrête là pour les louanges, je pourrais encore en rajouter mais vous aurez compris l'essentiel : SC est vraiment bon à prendre en main, et surtout est toujours aussi attachant, même 13 ans après.


Histoire de chipoter pour donner un semblant d'objectivité à l'ensemble, deux petits inconforts sont à signaler :
- SC ne dispose pas de certaines commodités modernes du genre comme la possibilité de se téléporter ou bien de placer des marqueurs sur la carte ;
- Puisqu'on évoque la carte, sa présentation est parfois curieuse : certaines portes nécessitant un pouvoir sont marquées, d'autres non. Parfois un mur est noté alors qu'en réalité une porte existe. Au sein d'une même zone des cloisons infranchissables existent. Après elle n'est pas immense non plus donc ça passe (un premier run 100% objets se bouclant en une quinzaine d'heures), mais ça reste à souligner.
Le remaster manque ainsi un petit coche qui aurait pu gommer ces légers accrocs, c’est dommage dirons-nous.


Pour conclure, quoi de mieux que d'évoquer avec une tristesse infinie l'existence d'un Shadow Complex 2 qui était quasi terminé en 2011 mais jamais sorti. En effet, Epic a subitement annulé le projet, car souhaitait à l'époque orienter Chair vers... du jeu iPhone.
Que la vie est cruelle.

Kaiser-Panda
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le 16 janv. 2022

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