Sur le papier, la proposition est alléchante.

L'enfant bâtard de deux piliers de l'écriture de la fin du XIXème siècle, chacun ayant influencés à sa façon la pop culture moderne. La logique compulsive contre la folie primordiale. L'ordre contre le chaos. Que demander de plus intriguant ? Oui, décidément, sur le papier, ce titre a tout pour (me) plaire! Mais la réalité... est quelque peu décevante. Et pourtant je me dois de lui accorder la moyenne. Presque malgré moi. Presque comme si ma propre conscience m'échappait, aspirée au-delà de ce plan d'existence par un être antédiluvien aux pouvoirs phénoménaux... À moins qu'il ne s'agisse simplement d'un jeu moyen, avec de très bon côtés, et malheureusement aussi de très mauvais.


Commençons par la diatribe : Si vous n'avez jamais joué à l'un des jeux Sherlock Holmes de la série, vous ne vous amuserez pas pendant la première heure. Le tutoriel est catastrophique. Le peu d'info-bulles que le jeu vous jettera au visage ne feront qu'accroître votre insatisfaction, puis votre contrariété, et enfin votre colère. Comment vous servir de vos indices ? Comment avancer dans la logique ? Comment comprendre qu'il faut utiliser une approche différente, ou que vous êtes passé à côté d'une information ? Tout cela nage dans un flou artistique monumental. De nature plutôt calme, j'ai préféré m'aider d'une solution trouvée sur le net pour tenter de comprendre les mécaniques du jeu, plutôt que de lancer mon écran par la fenêtre. Bien que cela ait résolu mon problème sur le long terme, je tiens à souligner qu'il s'agit d'un jeu vidéo, et non d'un mur de hiéroglyphes dont il faut aller chercher la pierre de Rosette pour espérer le parcourir, et qu'on est en droit de s'attendre à ne PAS avoir fait d'études en archéologie pour en profiter. Vous le comprenez, votre premier aperçu de l'épouvante qu'amène l'incompréhension de l'Homme face à un Inconnu dépassant son entendement, motif récurrent de l'oeuvre de ce cher vieux Lovecraft, sera donc ce putain de tutoriel.


La seconde plus grande source de frustration amenée par ce jeu réside sans le moindre doute dans sa volonté de laisser planer le suspens du paranormal. Je ne vous spoilerais pas, mais si comme moi vous cherchiez à travers ce titre une représentation en majesté d'un Grand Ancien, manque de bol, le récit a décidé d'être timoré. Peut-être tout cela n'était qu'hallucination ? Ou peut être pas ! Ahah ! Blague à part, il faut que les développeurs arrêtent de nous faire le coup du "c'est peut-être réel mais qui sait". Lovecraft MONTRE l'indicible, l'expose aux yeux de son protagoniste, qui souffre de ne plus être aveugle face à l'horreur de l'existence, et préfère -parfois- nier la réalité. Montrez l'horreur, portez vos convictions, faites honneur au plus talentueux fils de Providence ! Le combat de Sherlock contre ses propres démons n'en aurait été que sublimé ! Mais non. Coup d'épée dans l'eau.


Dernier point négatif, le jeu manque clairement de peaufinage. Par exemple, la plupart des "dialogues" entre les pnj des rues sont en simlish, alors que certains sont amorceurs de quêtes, ce qui oblige le joueur à écouter les conversations, et donc à se rendre compte que la majorité est inepte. Il n'y a pas le tiers des pnjs du quartier chinois qui puisse passer de loin pour des asiatiques. Watson peut décider de vous bloquer dans une pièce, et vous serez obligés de sauvegarder, puis de charger la partie pour vous en dépêtrer. Les dialogues sont inaudibles si notre personnage n'est pas tourné exactement dans la bonne direction. Le "dlc" est en fait du contenu qui devait être présent, mais qui a été coupé et vendu séparément pour ratisser plus d'argent.


Bref. Fin du passage à tabac. Maintenant, intéressons-nous aux points positifs.


Une fois le gameplay maîtrisé (et passée toute la lassitude que le processus génère), les enquêtes principales sont franchement envoûtantes, et même certains passages dlc se révèlent intéressants. Les chapitres en Suisse et en Nouvelle Orléans sont notamment captivants. L'action est correctement amenée, les événements se déroulent avec naturel, la perspicacité de Sherlock -et donc du joueur- est intelligemment éprouvée. J'imagine qu'avec la pléthore de jeu d'enquête du studio, cette partie-là est parfaitement maîtrisée.


Les décors sont aussi très réussis, et les ambiances sont crédibles. Pour qui aime flâner dans les environnements du XIXème siècle, le jeu fait son petit effet.


Et... voilà.

En conclusion, sous la couche de tourbe malodorante, armés d'une bonne pelle et d'un peu de patience, on découvre un filon d'argent. Cependant, fait fort déplorable, ce filon se tari rapidement, et si l'on ne peut qu'en savourer la présence, on en constate avec amertume la fugacité.

Un jeu et son dlc à n'acheter qu'en forte promotion, ou sous l'influence d'une créature plurimillénaire visqueuse, donc.

Peyrit
5
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le 13 juil. 2025

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Peyrit

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