Snake Pass
6.5
Snake Pass

Jeu de Sumo Digital et Secret Mode (2017PC)

Snake Pass est de ces jeux qui évoquent une époque et une catégorie de jeu sans les mimer paresseusement. Snake Pass éveille en moi la bonne humeur de mes plateformers 3D préférés (principalement ceux des années 2000) au ton léger, aux couleurs chatoyantes, aux musiques à la fois rythmées et douces, et au challenge relevé mais juste; un ensemble de qualité qu'il a sans doute. Sauf que Snake Pass n'est pas un jeu de plateformes traditionnel. Le jeu est bien un parcours où l'on cherche à aller de A vers B en passant des obstacles mouvants, pièges et autres puits sans fond. En revanche Snake Pass ne consiste pas vraiment à sauter de plateforme en plateforme, comme l'écrasante majorité du genre a pu nous y habituer. À la place, il faudra avant tout passer de poutre en poutre.


On se déplace sous la forme d'un serpent, Noodle, en rampant. En lieu et place du saut et de la possibilité de s'accrocher à des rebords, on peut s'enrouler autour d'objets en dirigeant la direction de la tête (joystick gauche), la hauteur vers laquelle elle pointe (A = monter), si le corps avance ou non (gâchette droite) et la puissance avec laquelle on sert son corps (gâchette gauche). Et c'est à peu près tout. Pas d'attaque, pas de double saut, pas de possibilité de planer. Seule aide extérieure à la physique spectaculaire de notre Noodle, son compagnon Doodle, un colibri qui ne pourra que soulever une partie de la queue du reptile pour alléger le poids de son arrière train. Et le jeu fait un travail absolument merveilleux en terme de sensation avec cette prise en main. On est dérouté sur le premier niveau et dès le second, on commence à prendre le coup de main...


C'est alors que le jeu commence vraiment. Il consiste moins en le timing de passage des obstacles comme dans un jeu de saut traditionnel, et plus en un travail de précision dans la manière dont va gérer 1/ le momentum et 2/ la manière dont on s'enroule:
1/ Comme Noodle ne peut pas accélérer vite, il faut jouer sur le fait qu'il continue de bouger tant qu'il est contact avec un objet. Ainsi on peut traverser une poutre très fine sans s'enrouler pendant un quart d'heure autour pour peu que l'on zigzague avec grâce par dessus. Certains obstacles, en rotation notamment, ne peuvent être passés qu'ainsi, au risque de tomber si l'on prend trop de temps à s'enrouler.
2/ La plupart des autres challenges tient dans le fait d'attraper quelque chose qui sera pendu dans le vide, ou placé très haut. Il faudra alors apprendre à serrer le corps, passer la tête sous la poutre puis la remonter pour s'enrouler, tenir une position et avec dextérité et lenteur viser juste pour toucher l'objet.


Sur ces deux types de challenge, Snake Pass offre donc un collectathon super rafraîchissant où l'architecture fait montre d'un génie certain à de nombreuses reprises. Les niveaux proposent systématiquement de trouver un grand nombre de bulles et un nombre plus restreint de pièces; surtout, pour les terminer, il faudra réunir trois pierres (une jaune, une verte, une rouge) et les ramener à un portail qui ouvrira le niveau suivant. Certains niveaux reposent un peu plus sur l'exploration, cachant plus finement leurs objets. D'autres seront plus frontaux, montreront assez clairement l'ensemble des objets à trouver, mais les placeront dans des positions plus complexes à atteindre. Évidemment, plus on avance et plus les niveaux ajoutent des obstacles variés, ou cachent habilement leurs objets. Et laissez moi vous dire que la courbe de difficulté et d'apprentissage est des plus douces que j'ai pu voir dans le genre. Collectionner tout va vraiment devenir passionnant avant tout parce que les challenges sont intéressants et non pas pour des raisons de compulsions idiotes.


Le jeu n'est pas parfait, bien évidemment.


La caméra a tendance à un peu poser souci dès que l'on se retrouve dans des coins plus resserrés. Elle dispose de deux distances, une proche et une éloignée. Ce n'est pas idéal, mais ça ne pose pas non plus un souci majeur en règle général. Il y aurait toutefois quelque chose à retravailler pour les cas où le jeu nous fait passer dans des petites cavités où elle s'emballe un peu. Je suis notamment surpris que certains éléments de décors ne bénéficient pas d'une transparence quand ils se placent entre la caméra et Noodle.


Également en terme de jouabilité, et si la prise en main est vraiment très surprenante d'accessibilité, il y aura quelques rares fois, des couacs, en particulier pour deux choses, et là je vais être un peu technique. Déjà quand Noodle coince sa tête contre son corps (lorsque l'on fait une boucle autour d'une poutre planter perpendiculairement dans un mur typiquement) et que le joueur continue d'accélérer, le corps va continuer d'avancer, même si la tête est bloquée, desserrant ainsi le noeud que l'on était en train de faire. Autrement dit, ce n'est pas vraiment la tête qui tire le reste du serpent, mais plutôt la partie du milieu/haute de son corps; ce qui lui permet par ailleurs d'avancer même quand on tend la tête vers le haut. Ça n'est pas très grave, et on s'en accommode au fur et à mesure, apprenant à arrêter d'accélérer quand on voit Noodle peiner à passer sa tête sous son anneau. Mais ça peut occasionnellement faire tomber d'une poutre. Le second souci est plus dans le placement de la tête quand on tourne autour d'une poutre. On va arriver à des situations où au lieu de continuer autour de la poutre dans un sens, Noodle, qui bouge sa tête relativement à la caméra (et non relativement à lui-même), va "défaire" le tour que l'on était en train de faire, puisque l'on a pas le joystick poussé exactement dans la bonne direction pour qu'il continue de s'enrouler dans le même sens. C'est effroyable à décrire (et probablement à lire, je m'en excuse), mais une fois manette en main, je pense que l'on comprend de quelles situations je parle. Encore une fois, ces deux défauts sont à des années lumière d'être rédhibitoires et ne constituent que deux pinaillages sur une jouabilité pour le moins exemplaire. D'autant plus quand on considère qu'on dirige un serpent, ce qui aurait pu se montrer simplement catastrophique.


Je dirais pour finir que le seul vrai chagrin que j'ai réellement avec le titre, c'est son système de sauvegarde et plus généralement de "checkpoint". Il faut absolument attraper les trois pierres d'un niveau pour le finir. Si vous quittez sans avoir validé le niveau avec les trois pierres, le jeu oublie tout ce que vous avez trouvé et vous recommencez à zéro. On pourrait alors se dire que l'on va d'abord trouver les pierres, finir le niveau pour le valider puis chercher tous les objets manquant en y revenant. Sauf qu'à chaque fois que l'on refait le niveau, et même si ce dernier enlève les objets que l'on a déjà trouvé, il faudra reprendre les trois pierres pour de nouveau finir le niveau et ainsi valider les nouveaux objets que l'on a trouvé. Et laissez moi vous dire que certaines pierres ne sont pas de la tarte à attraper. C'est franchement laborieux pour ceux qui ne veulent pas ou ne peuvent pas faire les niveaux à 100% d'une traite. Et ça oblige parfois à persévérer sur une pierre rageante à attraper parce qu'on veut absolument valider une pièce extrêmement dure qu'on a réussi à attraper. En plus de cela, le placement des checkpoints est parfois très juste, parfois un peu sévère, obligeant à refaire trois ou quatre obstacles bien tendus pour valider sa progression. N'hésitez donc pas à revenir en arrière pour valider des bulles ou pièces acquises plus avant: les checkpoints peuvent être utilisés autant de fois qu'on le désire.


Au global, je reste sur le cul. Snake Pass est la première évolution du genre plateformer 3D que je vois depuis des années. Il a la saveur des meilleurs du genre, suit une recette très connues de passage d'obstacles et de changement de niveaux et de monde, plus colorés les uns que les autres. Mais il utilise des ingrédients de base qui n'ont pas grand chose à voir. Avec cette prise en main qui pourrait faire croire de l'extérieur qu'on va se gondoler et rager comme dans un clone d'Octodad, mais qui en réalité est incroyablement fonctionnelle, Sumo Digital a pondu un jeu très focalisé sur son challenge de passage d'obstacles et est allé au bout de son idée, ayant le bon sens de ne pas y intégrer des combats sous une forme quelconque. Il en ressort une sorte de pureté et d'élégance dans le game-design qui fait franchement plaisir à voir et qui mérite l'attention des fans du genre, malgré la distance aux styles de contrôles habituels du genre. Grosse recommandation!

Créée

le 1 avr. 2017

Critique lue 570 fois

10 j'aime

seblecaribou

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