Quand l’horreur remonte des profondeurs
Avec Still Wakes the Deep, les développeurs de The Chinese Room (connus pour Dear Esther ou Everybody's Gone to the Rapture) s’attaquent à un genre codifié : le survival horror à la première personne, cette fois plongé dans les années 70, sur une plateforme pétrolière battue par les vents et assaillie par une présence aussi indéfinissable que malveillante. Inspiré par les références cinématographiques du genre – Abyss, The Thing ou Alien – le jeu promet un huis clos suffocant, une descente aux enfers maritime où chaque couloir devient un piège, chaque bruit un présage. Et si l’ambiance est effectivement au rendez-vous, Still Wakes the Deep pêche par son manque de finition et une sensation d’inachèvement qui bride son potentiel.
Un scénario minimaliste, une tension constante
Le récit démarre de façon abrupte : une explosion, une faille ouverte, un équipage décimé. Pas de préambule inutile : Still Wakes the Deep mise sur l’urgence et la terreur immédiate. Le joueur incarne un technicien lambda, jeté malgré lui au cœur d’un cauchemar tentaculaire. Le scénario reste volontairement flou, se contentant de bribes de dialogues et de journaux pour évoquer une présence "autre", à la limite de la réalité. Ce choix de l’implicite fonctionne dans un premier temps, mais finit par frustrer tant les zones d’ombre ne sont jamais éclaircies. L’intrigue semble parfois suspendue, comme si les scénaristes n’avaient pas osé aller au bout de leurs idées.
Un level design oppressant mais dirigiste
L’un des grands points forts du titre réside dans la reconstitution crédible et immersive de la plateforme Beira D. Métal rouillé, tuyauterie fuyante, coursives trempées d’huile et d’eau de mer : tout respire l’authenticité d’un environnement industriel devenu prison. L’ambiance est poisseuse, étouffante. Mais si l’immersion est réussie, elle est plombée par un gameplay trop rigide et des couloirs excessivement scriptés. Le joueur est souvent réduit à courir, escalader ou se cacher, sans grande interaction ni liberté. Cette linéarité renforce le sentiment de passivité face à une horreur qui, bien que visuellement marquante, reste souvent à distance.
Une créature fascinante… mais sous-exploitée
L’antagoniste du jeu – une entité informe, glissante, presque organique – bénéficie d’un excellent design sonore et visuel. Elle évoque autant les terreurs marines de Lovecraft que les cauchemars biomécaniques à la Dead Space. Malheureusement, son apparition se limite à de rares séquences, souvent ponctuées de scripts ou de fuites forcées, et l’on reste sur notre faim quant à sa véritable nature ou ses intentions. Un gâchis, tant le potentiel horrifique était présent.
Design sonore : la vraie source d’angoisse
L’un des atouts majeurs du jeu réside dans son sound design angoissant. Grincements métalliques, hurlements étouffés, craquements lointains : tout concourt à instaurer une peur sourde, presque viscérale. La musique, souvent absente, laisse place à des nappes sonores distordues qui accentuent le sentiment d’isolement. Mention spéciale à l’interprétation vocale, notamment en version originale écossaise, qui ajoute à l’authenticité du cadre.
Un jeu au potentiel énorme… mais inachevé
C’est là que le bât blesse. Still Wakes the Deep semble interrompu avant d’avoir pleinement déployé ses ailes. Les dernières séquences arrivent brutalement, sans montée dramatique satisfaisante. Le développement des personnages secondaires est superficiel, les enjeux restent flous, et la narration s’achève sur une note presque bâclée. On ressort avec une impression désagréable : celle d’un jeu techniquement soigné mais narrativement amputé, comme si une partie essentielle avait été coupée.
Verdict : 6/10 – Une claque sensorielle bridée par ses limites
Still Wakes the Deep aurait pu être un grand survival horror. L’ambiance maritime glaçante, la créature inquiétante, l’immersion sensorielle sont là… mais l’ensemble semble inabouti, comme une œuvre dont les fondations étaient solides mais qui s’est effondrée en cours de route. Reste une expérience intense, stressante, marquante par moments, mais qui laisse un goût d’inachevé. Un titre à recommander aux amateurs d’horreur atmosphérique, mais avec des attentes mesurées.