Super Mario Kart
7.9
Super Mario Kart

Jeu de Nintendo EAD et Nintendo (1992Super Nintendo)

Bowser m'a doublé dans le dernier virage, ce porc !

Imaginez un panthéon grec, mais avec des moustaches et des karts. Les éclairs pleuvent, les carapaces fusent, les nuages ricanent — et au milieu de tout ce cirque bitumé, un petit plombier en salopette rouge impose l’ordre du chaos. Super Mario Kart n’est pas qu’un jeu : c’est une émeute de pixels, un carnaval mécanique où le rire, la perfidie et la grâce tiennent dans un seul virage bien négocié.


Rappelons-le : en 1992, le monde vidéoludique tourne encore rond. Les courses se veulent sérieuses, l’asphalte pue la sueur et la simulation. Et puis débarque cette chose : huit personnages, des pistes plates comme des timbres, un moteur en pseudo-3D qui tord la réalité comme un chewing-gum sous le soleil. Nintendo n’a pas inventé la roue : ils ont appris à la faire glisser. Et quelle glissade ! Le dérapage contrôlé, cette caresse d’analogique sur plastique, devient le pinceau d’un art nouveau : la calligraphie du fun.


Chaque virage est une prière. Chaque banane, un acte de guerre. Le Mode 7, miracle technologique d’époque, offre un monde où l’horizon tourne autour du joueur comme un manège pris de vertige. Ce n’est pas une simple illusion de profondeur : c’est une hypnose. On ne regarde pas la piste : on y plonge, on la sent, on la goûte presque, ce mélange d’asphalte et de sucre fondu.


Les circuits ? Des poèmes en spirale. Le Ghost Valley et ses planches tremblantes, Bowser Castle et sa lave capricieuse, Rainbow Road et son hallucination de néons : autant de chapitres d’un évangile de l’adrénaline. Rien n’est gratuit. Chaque virage, chaque tremplin, chaque item box est pensé pour déclencher une émotion primitive : la joie panique de celui qui réussit à esquiver la catastrophe d’une carapace fonçant à vive allure droit dans son fondement. Mario Kart, c’est le zen du chaos.


Le gameplay atteint un équilibre presque obscène. On s’y croit libre, on y est pourtant ciselé par une logique millimétrée. Le kart ne flotte pas, il danse. Le joueur ne conduit pas, il sculpte la trajectoire. Et quand l’écran se scinde en deux pour accueillir un ami, le jeu se change en duel mythologique. Deux dieux en short, deux pouces fébriles, et tout un monde en suspension. La moindre erreur devient une trahison, la moindre victoire une légende de salon. Les insultes pleuvent, les rires éclatent : le multijoueur local n’a jamais eu meilleur manifeste que cette arène de pixels où l’amour et la rage s’embrassent.


Et quelle musique ! Les cuivres électroniques vous soufflent à la figure, les mélodies bondissent comme des ressorts. Chaque piste a son rythme, son battement de cœur. C’est une fanfare de processeur, une symphonie 16 bits qui sent la gomme brûlée et la bonne humeur. Même l’écran titre, avec son logo bedonnant, semble vous dire : “Viens, on va faire des conneries.”


Là où tant d’autres jeux se rêvent épiques, Super Mario Kart reste petit et fier de l’être. Il ne vous raconte rien mais vous offre un terrain de jeu et vous regarde inventer l’histoire. C’est un bac à sable pour adultes nostalgiques, un test de réflexes pour poètes. Et tout cela, sur une simple cartouche grise qui semble chanter quand on la souffle un peu.


Son influence ? Totale, presque tyrannique. Il a posé les lois de la fête vidéoludique : la vitesse, l’imprévu, la mauvaise foi glorieuse. Sans lui, pas de soirées à hurler à deux centimètres d’un écran cathodique. Sans lui, pas de culture du “je te jure c’est pas ma faute, c’est la carapace rouge”. Il a gravé dans nos mémoires la certitude que la compétition peut être joyeuse, et que la victoire n’a de goût que si elle fait rager votre meilleur ami.


Super Mario Kart n’est pas seulement un chef-d’œuvre : c’est une invention sociale, une machine à souvenirs, un manifeste de l’imperfection heureuse. Trente ans plus tard, son charme ne s’est pas émoussé ; il s’est décanté, comme un vieux vin de pixels dont chaque gorgée rappelle qu’un jeu vidéo peut être à la fois précis comme une horloge et bête comme une blague de Luigi.


Alors on relance la console, on choisit Toad ou Yoshi, et on laisse les doigts danser sur les virages. Il y a du rire dans chaque virée, de la poésie dans chaque carapace lancée à l’aveugle. Super Mario Kart, c’est l’art de transformer le bitume en farce cosmique. Une leçon d’humilité et de joie. Et bordel, quelle joie !

Kelemvor
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