Tales of Phantasia
7.6
Tales of Phantasia

Jeu de Wolf Team, Namco Tales Studio et Namco (1995Super Nintendo)

Tales of Phantasia est l'un des tout derniers RPG de type japonais à avoir été produits pour la Super Famicom (il faudra attendre 2006 et la version GBA pour le voir sortir du Japon) et le premier essai de Namco dans le genre. La série "Tales of" aura un certain succès qui permettra à Namco de produire plus d'une quinzaine de jeux et même cinq saisons d'OAV basées sur les jeux vidéo.


La sortie tardive et le peu d'expérience de Namco dans le RPG expliquent peut-être l'aspect éclectique et peu inspiré de Tales of Phantasia. On a globalement l'impression qu'ils aient essayé de piquer les meilleures idées des jeux déjà existants produits par Square et Enix pour essayer de surfer la vague en montant son propre titre. Le résultat est un gros mélange d'idées qui s'insèrent au final sur une intrigue assez basique, prévisible et superficielle.


Une fois n'est pas coutume, je vais parler d'abord du côté visuel et sonore. On ne peut certainement pas leur reprocher de ne pas y avoir mis les moyens : le visuel est très détaillé, les animations de combat sont remarquables et poussent la console vers ses dernières limites ; quant au son, il est probablement l'un des seuls RPG pour Famicom où l'on entend toutes les voix des héros lors du combat et où l'on a même droit à de véritables morceaux chantés par une voix enregistrée. Cela mis à part, je dois avouer ne pas avoir été particulièrement impressionné par les graphismes qui sont à mon avis plombés par le style Super Deformed omniprésent et qui donne au jeu un ton un peu trop enfantin à mon goût. Après Chrono Trigger et Suikoden Densetsu 3 on peut penser que l'on aurait droit à quelque chose de mieux que des petits cubes mignons se déplaçant dans un monde quadrillé...


L'histoire et le character design sont eux, à peu près catastrophiques. Les persos sont insipides et sans âme, et le fait qu'ils soient en SD achève toute possibilité d'identification émotionnelle avec eux. Le scénario est on ne peut plus banal avec un groupe d'héros qui essaient de sauver la planète d'un gros méchant tout-puissant ; le seul élément nouveau, le voyage dans le temps, est évidemment une ridicule tentative de copier Chrono Trigger mais avec mille fois moins de coups de théâtre et d'originalité. Rien dans la trame ne semble obéir à une construction cohérente et réfléchie, rien n'exprime un sens vraiment profond, bref, on est dans le fantasy le plus basique avec à peine plus de complexité que les premiers Final Fantasy, et pour un jeu qui dure 40 heures ! Seule la volonté de pénétrer de force un marché très profitable peut expliquer une telle faiblesse dans l'un des départements qui distinguent le RPG des autres genres. Les quelques références explicites au sexe de la part des personnages ne peuvent qu'accentuer le sentiment que les auteurs essayaient un peu n'importe quoi pour séduire les joueurs...


Mais en dépit de tels défauts, est-ce que le jeu lui-même est une expérience fun ? Oui et non. D'une part, on peut reconnaître la volonté d'innover le gameplay avec un système de combat assez original à mi-chemin entre le JRPG et l'Action-RPG : les combats ont lieu dans un écran séparé qui se présente comme une longue scène sur laquelle les personnages peuvent se déplacer horizontalement ; tu contrôles ton personnage principal Cless en temps réel en le faisant bouger, attaquer et réculer avec les touches de la manette et tu peux choisir le comportement des autres : ou bien les faire attaquer automatiquement l'adversaire, ou bien utiliser leurs sorts manuellement via le menu. Etant donné que 3 personnages sur 5 sont des utilisateurs de magie et le dernier est un archer on comprend bien que la quasi totalité des combats verront le guerrier Cless en train de maraver les ennemis avec son épée dans le corps-à-corps tandis que les autres vont rester à l'arrière pour lancer des sorts ou soigner. Une fois les 5 persos réunis (oui, il y en a pas davantage), l'utilité de l'archer Chester se démontre extrêmement limitée à cause de son bas niveau et de la variété nulle de ses attaques, de sorte qu'au final on se retrouve pendant le 95% avec une même équipe composée de Cless, Mint, Arche et Klarth, chacun correspondant à une classe différente - guerrier, guérisseuse, sorcière et invocateur respectivement - mais Arche et Klarth jouent de façon quasi identique, ce qui tend de fait à réduire la variété des combats. (En parlant de plagiats : la quête de Klarth pour obtenir les esprits à invoquer est quasiment identique à celle dans Seiken Densetsu 3 sorti deux mois et demi plus tôt, certains esprits comme Luna ayant le même nom et le même élément dans les deux jeux !)


Namco a aussi le très rare mérite d'avoir réussi à rendre encore plus chiant le très détesté système des random battles. Au lieu en effet de rencontrer un ennemi après un nombre aléatoire de pas, dans ToP les combats se déclenchent automatiquement tous les X pas faits par le héros dans un donjon ou sur la carte du monde. Pour le dire autrement, TU NE PEUX PAS ECHAPPER aux combats aléatoires (il existe des fioles qui augmentent le nombre de pas nécessaires pour déclencher un combat, mais sans éviter que ça se déclenche) ! Dans un donjon assez long, cela équivaut à l'obligation de te taper une tonne de battles avant d'en arriver au bout et pour en sortir (hé oui, pas d'objets pour revenir rapidement à l'entrée) tout en consommant ses TP et HP dans le processus. Les développeurs ont essayé de compenser cela par un système de nourriture qui te permet de récupérer les énergies en marchant, mais il reste très rudimentaire : la nourriture ne te fait récupérer que les HP, et pas les TP essentiels pour utiliser des techniques ou lancer des sorts ni les statuts négatifs. Voilà donc une autre idée gâchée par une conception trop éclectique !


ToP présente aussi un niveau de difficulté très inégal où tu passes d'un seul coup de la plus grande aisance à progresser aux peines de l'enfer pour traverser des donjons monstrueusement étendus et labyrinthiques. Moralité, le jeu exige une dose très élevée de "grinding" pour faire monter de niveau les persos afin de pouvoir passer telle ou telle partie difficile. Le seul point positif est que les personnages font du level très vite, et le système de combat dynamique rend la tâche bien plus amusante que dans les JRPG classiques.


En conclusion, Tales of Phantasia reste une tentative assez médiocre de profiter du succès d'un style en produisant un jeu qui reprend ce qui a marché dans les autres tout en ajoutant très peu de vraiment nouveau. Son infériorité à des titres contemporains comme Chrono Trigger, Terranigma ou Seiken Densetsu 3 montre que Namco avait encore un bon bout de chemin à faire pour pouvoir s'installer dans le panorama du RPG japonais aux côtés des géants Square et Enix. Sa dynamicité et son côté artistiquement achevé font toutefois de ToP un jeu pas désagréable et somme toute assez fun ; à conseiller à tous ceux qui voudraient compléter leur collection de RPG, mais pas avant les autres grands titres du genre.


Une dernière remarque : j'ai testé le jeu dans sa version originale pour Super Famicom ; il est très vraisemblable que les versions PS1 et GBA aient amélioré beaucoup de choses par rapport à la version originale, donc n'hésitez pas à choisir ces deux dernières pour une expérience plus satisfaisante.


GAMEPLAY : 7/10
SCENARIO : 2/10
PERSONNAGES : 2/10
GRAPHISMES : 8/10
MUSIQUES : 6/10

ReveLunaire
6
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le 1 août 2014

Modifiée

le 1 août 2014

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Rêve Lunaire

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