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Tchia
6.4
Tchia

Jeu de Awaceb et Kepler Interactive (2023PC)

Je m’attendais à un petit jeu indé sympathique, sans grande prétention, un peu comme ceux qu’on lance en se disant qu’on le testera dix minutes pour se faire une idée... Avant de les jeter dans le néant infini de ce jeux oubliables. Mais finalement, j’ai vécu une vraie parenthèse, une sorte de petite vacance numérique, douce, étonnamment généreuse, et parfois même un peu émouvante.

Tchia, c’est un monde ouvert qui ne cherche pas à impressionner par sa densité ou son challenge, mais plutôt par son ambiance, sa philosophie et son plaisir d’exploration pur. On y incarne une jeune fille dans un archipel inspiré de la Nouvelle-Calédonie, et dès les premières minutes, on comprend que l’important ici, ce n’est pas de cocher des objectifs, mais de flâner, de découvrir, de se perdre volontairement. Le jeu prend son temps, parfois un peu trop même, surtout au début où les chansons s’étirent et où on peut avoir la sensation qu’il ne se passe pas grand-chose.

Mais justement, c’est cette lenteur qui pose le ton, c’est un jeu qui t’invite à ralentir.


La vraie trouvaille, c’est évidemment le "soul-jumping" cette capacité à incarner n’importe quel objet ou animal autour de soi. C’est bête comme idée, mais c’est d’une efficacité ludique redoutable. On passe d’un caillou à une mouette, d’un bidon d’essence à une noix de coco, et tout cela devient vite un petit ballet d’expérimentations improvisées. Ce n’est pas juste un gimmick, c’est au cœur du plaisir de jeu, car on apprend à regarder le monde autrement, à repenser chaque environnement comme un terrain d’opportunités.

Ici ils ont repris l'idée de bac à sable, techniquement trop débutant, pour nous donner l'envi d'incarner tous ce qui s'y trouve et c'est une riche idée!


Maintenant le ukulélé, n’est pas juste un accessoire mignon. Il sert autant à jouer des morceaux pour le plaisir qu’à activer des capacités ou interagir avec l’environnement. J’ai été surpris par la justesse de cet outil, il participe à l’ancrage culturel, bien sûr, mais il propose aussi un petit espace de respiration. On y retrouve un peu l’esprit des ocarinas ou flûtes d’autres jeux, mais avec une simplicité décomplexée qui colle parfaitement au ton du jeu. Elle vient rajouter des options qui nous simplifie l'exploration et c'est une mécanique essentielle! Jouer un air, même basique, produit toujours quelque chose, et ce lien entre musique et magie m’a beaucoup plu.


On a évoqué cet outil, qui nous fait penser à l'ocarina, mais ce n'est pas le seul clin d'oeil à Zelda. Car l’une des grandes forces de Tchia, c’est la verticalité offerte par les outils de déplacement. Le système de grimpe rappelle un peu Breath of the Wild, avec une jauge d’endurance et son deltaplane, qui impose de réfléchir à ses mouvements.

Pourtant, ici, on est moins dans la performance que dans la fluidité, on grimpe, on plane, on se laisse porter. La navigation devient une activité méditative, presque hypnotique. Certes, certaines montagnes paraissent longues à gravir, et le relief est parfois un peu redondant, mais l’élan de liberté est tel que je n’ai jamais eu l’impression de "grinder" une map.


J'avoue que j'avais eu peur de me lancer dans ce jeu, en croyant qu'il n'allait faire qu'imiter les mécaniques de plus grands titres et au final, je suis très agréablement surpris!


Mais pour y revenir un instant, techniquement, Tchia n’a rien d’impressionnant, et pourtant tout est beau. Parce que c’est coloré, parce que c’est fait avec cœur, parce que les musiques en ukulélé ou les chants kanak posent une ambiance apaisante, loin de tous les open worlds formatés. On grimpe, on plane, on nage, on vole, on glisse dans des descentes tropicales… et on sourit souvent. Même la direction artistique, pourtant très simple, finit par charmer.


Alors oui, ce n’est pas un jeu parfait. La quête principale manque de corps, de tension, et finit par s’effacer derrière l’exploration. Les combats ? Anecdotiques. Les énigmes ? Bien trop faciles. Et sur la fin, j’ai senti poindre une certaine redondance, surtout dans les activités secondaires, les collectibles, ou les trajets entre deux zones un peu trop étendues pour ce qu’elles ont à raconter. Mais paradoxalement, je ne lui en veux pas. Parce que j’ai senti l’honnêteté de la proposition, la volonté de créer quelque chose de différent, de plus doux, de plus accessible.


Ce qui m’a aussi touché, c’est la manière dont Tchia rend hommage à la culture kanak sans jamais la folkloriser ni la réduire à un décor. Le studio Awaceb, fondé par des Calédoniens, infuse l’univers du jeu avec un respect palpable, que ce soit dans les langues parlées (avec un doublage intégral en langues locales), les chants traditionnels, les tenues, ou même les légendes racontées. Il y a une vraie volonté de faire découvrir une culture souvent absente du paysage vidéoludique, et cette immersion-là, discrète mais constante, donne au jeu une saveur rare. On ne survole pas la culture, on l’habite et moi qui n'avait pas d'intérêt pour cet univers, j'ai appris à l'aimer.


C’est aussi un jeu inclusif dans sa prise en main, plein d’options d’accessibilité, possibilité de simplifier ou d’ignorer certaines mécaniques, ajuster l’endurance ou les aides visuelles. Ce n’est pas un petit détail, c’est la preuve que le jeu pense à tout le monde, à toutes les manières de jouer.

Il faut le dire, Tchia n’est pas là pour te défier.

Si tu cherches des puzzles corsés, des boss exigeants, ou un monde hostile, passe ton chemin. C’est un choix de game design trop rare aujourd'hui, qui peut rendre un titre soporifique. Ici, il y a une humilité derrière cette volonté de simplement t’inviter, de t’accompagner, sans t’éprouver. Le jeu t’écoute. Il veut que tu aies du plaisir, même si ça veut dire sauter un dialogue, zapper une cinématique, ou tout faire à ton rythme.


En le finissant, je n’avais pas ce sentiment de victoire, ni même de grande aventure épique. Mais j’avais envie de rester encore un peu, de traîner au bord de la plage, de rejouer un morceau sur mon ukulélé, d’aller incarner un crabe juste pour le plaisir. Ce n’est pas un jeu qui marque par sa puissance, mais par sa sincérité. Dans un marché vidéoludique saturé de titres tape-à-l’œil ou cyniques, ça vaut beaucoup.

Attention, je ne dis pas que c'est immanquable!

Il garde cette technique un poil trop "indé"/"rigide"/"débutant" et le manque de challenge qui nous offre un immense collectathon répétitif pourrait en rebuter beaucoup et j'ai moi même passer plusieurs cinématique... Mais j'imagine bien qu'on puisse avoir envi de simplicité, d'une aventure mélangeant calme, exploration, fantastique et créativité... C'est ce qu'il vous offrira!

Créée

le 22 juin 2025

Critique lue 9 fois

KumaCreep

Écrit par

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