La saga des Trails a réussie à s’imposer au fil des épisodes dans le cœur de nombres d’adeptes du JRPG. Pourtant je n’avais jamais entrepris moi-même ce voyage alors que j’ai pourtant exactement le profil pour l’apprécier. J’ai même tout les épisodes en boite (sauf la trilogie Sky) alors que je n’en ai fait aucun, un comble. Est-ce le fait de vieillir, d’avoir moins de temps ou encore d’avoir un backlog indécent ? Probablement les trois. Heureusement la logique implacable de l’industrie du jeu vidéo paragraphe huit alinéa douze nous dit ceci :

- Tout fini par revenir sous forme remasterisée ou remakée.

Et pour cause en cette année 2025 Nihon Falcom a entrepris de relancer sa saga phare (l’autre étant les YS) en faisant revenir le premier épisode Trails in the Sky 1st. Les ventes de la saga étant exponentielles et le nombre d’épisodes ayant largement franchi le palier de dix, il pouvait être compliqué d’entrer dans le cercle des initiés à fortiori via des jeux non traduits pour la plupart. C’est donc sous la forme d’un joli remake optant judicieusement pour le rendu graphique en cell shading pour ses personnages que nous revient ce premier opus. Traduit, enjolivé, bénéficiant des derniers ajustements de gameplay de la série… Les petits plats ont été mis dans les grands pour encourager le plus de monde possible à plonger (et à potentiellement acheter dix jeux derrière pour avoir la suite !). Un moove malin et qui semble avoir été fait soigneusement pour en faire un digne représentant du remake digne de ce nom… pas comme certains.


La saga The Legend of Heroes est assez particulière dans le paysage du JRPG. En effet ses jeux fonctionnent par arcs narratifs prenant place dans une région spécifique du continent de Zémuria.


Trails in the Sky I à III = Arc Liberl

Trails From Zero et Trails to Azure = Arc Crossbel

Trails of Cold Steel I à IV = Arc Erebonia

Trails into Reverie « clôture » l’ensemble.

Trails Through Daybreak I, II et Trails Through Horizon = Arc Calvard


Imaginez un world building s’étalant sur autant de JRPG de plus ou moins 50 heures chacun. C’est quelque chose d’assez unique même si du coté occidental on pourrait le rapprocher de The Elder Scrolls dont chaque jeu équivaut à une région de Tamriel. En résulte une géographie et une géopolitique complexe dont on vit chaque point de vue selon l’arc auquel on joue. Une perspective aussi enthousiasmante qu’intimidante puisque requérant un investissement temps absolument gargantuesque. Mais dans un sens c’est aussi ce qui fait que l’attachement des fans est aussi fort.


Ce premier épisode nous fait atterrir dans le quotidien d’Estelle Bright, héroïne pétillante, spontanée et pas toujours bien finaude. Un soir son père reviens avec dans ses bras un jeune garçon qu’il lui présentera comme un nouvel habitant de la maison. Il s’appelle Joshua. Les deux enfants grandiront ensemble comme des demis -frère et sœurs en quelque sorte. Le père d’Estelle, Cassius, est un Egide (Bracers). Derrière ce terme se cache une sorte de guilde dont les missions variées consistent à maintenir la paix au sein de leur région. Il y a des égides juniors et séniors et les missions sont donc réparties selon leurs complexités. Devenus adolescents Estelle et Joshua aspirent à devenir, à l’image de leur père, Egide eux aussi. Et c’est ainsi que nous commencerons notre périple, apprenant les rudiments du métier sous le tutorat de la jolie Scherazard en rendant service à tout le monde pour valider l’examen, gravir les échelons etc...


En bon remake de 2025 Trails in the Sky 1st jouit de toutes les avancées de la série et ça se traduit notamment par son système de combat. On a beaucoup parlé de Clair Obscur qui modernisait pas mal le tour par tour en empruntant beaucoup d’idées à droite et à gauche mais il ne faut pas oublier que les Trails proposent une des meilleurs avancées en la matière. L’alternance entre combat en temps réel et tour par tour à la volée est purement et simplement une des meilleures choses qui soit arrivé au JRPG ces 20 dernières années (pas pour rien qu’Atlus a emprunté l’idée sur Metaphor ReFantazio). Cela se traduit par une exploration dont les ennemis apparaissent sur notre trajectoire et que l’on peut commencer à tabasser à la manière d’un Ys (mais en version plus light). Attaque faible, attaque forte, esquive et c’est à peu prés tout dans les grandes lignes. Au bout de quelques coups, l’ennemis sera alors sonné (stun) et ce sera le moment idéal pour basculer en tour par tour pour bénéficier d’un avantage immédiat via une attaque préventive. Au fil du jeu d’autres possibilités viendront se greffer à ce système mais en l’état c’est déjà très bien foutu. D’autant que la partie tour par tour est loin d’être en reste en proposant des principes tout aussi judicieux. Par exemple il arrive qu’un personnage bénéficie d’un effet positif aléatoire à venir (visible dans la partie gauche de l’écran qui détaille l’ordre des personnages qui joueront). Cela peut être un regain de vie, de mana ou même un sort gratuit et immédiat. Si vous voyez qu’un ennemi va bénéficier d’un de ses effets positifs vous pouvez le lui voler en utilisant certaines techniques prévus à cet effet. D’autres techniques repoussent le tour de l’ennemi aussi par exemple. A terme et à force de pratique c’est un véritable plaisir de planifier ses attaques afin de jouer avec toutes ces variables surtout que visuellement c’est hyper dynamique. De ce fait, la plupart des combats de base sont vite expédiés tout en étant gratifiants. Les combats de boss, eux, se font uniquement au tour par tour et c’est la que les systèmes prendront tout leur sens. Ils sont finalement peu nombreux dans le jeu mais ils exigent tous de jouer finement car la jouer bourrin ne passera que rarement. D’un point de vu mécanique c’est donc un grand oui.


Mais comme j’ai mis 7/10 au jeu vous imaginez bien que pour ma part j’ai quelques réserves à émettre. Au vu des avis dithyrambiques j’avais certaines attentes concernant la saga The Legend Of Heroes et ma principale source de déception aura été du coté de l’écriture au sens large. On le sait, un JRPG ça peut mettre du temps à démarrer et en général le premier quart / tiers ça reste assez terre à terre. Donc au début du jeu je ne m’étonne pas d’avoir un rythme plutôt tranquille. Je retrouve des chats, des plantes, des livres, des ingrédients de cuisine… le temps passe et la trame principale n’avance presque pas. Je me dis pourquoi pas. Apres tout un JRPG slow life à échelle humaine, plein de verdure et qui prend son temps ça fait une jolie entrée en matière bucolique. C’est l’automne derrière ma fenêtre mais c’est l’été dans ma télé. Le jeu essaie bien de me faire croire qu’il y a des vilains pirates qu’il faut retrouver mais honnêtement c’est cramé des le départ que ce sont de faux méchants. Alors je me laisse guider dans ces petites aventures légères sans grande passion mais soit. Le souci c’est que je sais que le jeu se compose d’un prologue et de 4 chapitres (on va dire 5 au total par commodité). Et cet arc « pirate » au charisme proche du néant ça se termine fin chapitre 1 (soit 40% du jeu). Alors je me dis « ah ouais quand même ça prend bien son temps ». Puis je démarre le chapitre 2… ça commence par un pic-nic prés du phare et à la fin je me retrouve à organiser une kermesse dans une académie ? Certes il y a une petite intrigue derrière mais c’est du niveau d’une quête annexe de n’importe quel JRPG je vous assure. 25 heures de jeu chapitre 2 fini (60%) et toujours aucun putain d’enjeu digne de ce nom. Les quelques rares mystères avancent au rythme d’un escargot sous xanax. On a bien un personnage énigmatique qui apparait une fois à base de « hin hin hin » et c’est tout. Si j’avais voulu m’infliger des gens qui tentent de résoudre des histoires de voisinages j’aurai maté une rediff de 90’ enquête…


A ce stade je commence quand même beaucoup à me dire que si les jeux fonctionnent par arc c’est peut être parcequ’on a découpé un scénario de JRPG en 3 parties qu’on étale le plus possible et qu’on te refile au prix maximum trois fois. Et la malheureusement c’est le premier tiers de l’histoire dont je parlais plus haut, celui dans lequel on fait des trucs sans consistances. Alors avant que les fans ne sortent les fourches et ne viennent cramer ma maison je vais quand même me faire l’avocat du diable. Je ne doute pas que sur la longueur la toile se dessine et qu’ici c’est peut être juste une entrée en matière pour poser les bases. Je suis même convaincu que quand l’histoire prend plus d’envergure et de dramaturgie dans les jeux suivants on repense à ces jours insouciants avec tendresse. Mais il faut aussi reconnaitre que c’est un jeu à part entière, vendu comme tel et que me dire que c’est un tuto à 70€ ce serait un peu fort de café. Passer les ¾ du jeu avec comme seul enjeu l’amourette pré pubère cliché d’Estelle et Joshua c’est plus efficace que du Lexomil pour rompiche bien fort (ça tombe bien j’ai des insomnies). Quand on a fait l’ancienne version de Trails en solde sur Steam pour une poignée d’euros on peut probablement relativiser. Quand c’est un remake à 70€… Je m’octroie le droit d’être tatillon brave gens. Bref, comme on fini par le soupçonner le jeu s’énerve dans son dernier quart et se boucle avec un cliffhanger comme on en a eu aucun en plus de quarante heure avant ça. A l’heure où le temps est une denrée aussi précieuse je me sens floué. On m’a lancé dans une aventure prometteuse mais rythmée de façon batarde avec un ventre mou désespérant (Chapitre 2).


Mais au delà du rythme j’ai aussi été surpris de l’aspect convenu de ce que nous raconte le jeu. Tout est prévisible et assez « adulescent » dans la plume… Les personnages sont des archétypes vu et revus en termes de personnalité. Oui Estelle et Joshua c’est un duo qui fonctionne plutôt bien mais à AUCUN moment on est surpris de leur développement. Evidemment qu’ils se kiffent ! Evidemment que Joshua a un passé mystérieux ! Evidemment que les personnages qui ont des couleurs de cheveux rouge, vert, bleu sont plus important que les autres ! Evidemment que le méchant c’était « ce mec la » ! Et on passe des dizaines d’heures avant que des évidences totales ne déboulent avec une mise en scène qui tentent de nous les faire passer pour de grandes révélations alors qu’on avait déjà un sourcil de levé depuis 25 heures. La encore, l’univers semble prometteur mais à ce stade beaucoup de choses n’en sont encore qu’au stade de name dropping. On me cite des lieux, des personnages que je verrai plus tard… D’accord mais la question qui se pose la, tout de suite, c’est qu’est ce que ça vaut pris indépendamment ce Trails in the Sky 1st. La réponse c’est que c’est un ticket d’entrée bien trop cher (tarif et temps demandés) pour ce qu’il propose narrativement.


J’en suis le premier navré vous savez. J’adore les JRPG, j’en ai fait des tonnes sur les trois dernières décennies et vu l’aura de la saga je pensais que ça allait être une évidence. Et pourtant non. Sans avoir passé un mauvais moment j’ai vécu une aventure qui semble avoir confondu « prendre son temps » et « étirer la confiture sur une tartine trop grande ». D’autant plus dommage que la parti gameplay est hyper plaisante avec cette alternance temps réel / tour par tour qui en a inspiré d’autres tant le concept est novateur. Mais le JRPG ça a toujours était la promesse d’une grande aventure avec une écriture qui pousse à la réflexion, aux questionnements. La seule question que je me suis posé sur ce premier jeu c’est « Quand est ce que ça décolle vraiment ? ». La réponse c’est « A la toute fin ». N’en étant pas à mon premier jeu Nihon Falcom je pardonne sans mal le coté un peu modeste de certains aspects (des routes pas bien longue et des villes / donjons pauvres, animations robotiques 90% du temps etc…). Mais ce premier pas dans la saga The Legend of Heroes me laisse à penser que je suis définitivement un vieux marin qui préfère la compagnie d’Adol Christin.


Joo-Hwan
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le 8 nov. 2025

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