C’est un jeu que je n’ai jamais cessé de revisiter, comme un rêve récurrent dont on cherche le sens.
Majora’s Mask, dans sa version N64/GameCube, c’est un peu comme retrouver une vieille photo avec ses teintes un peu passées, ses plis, ses imperfections… mais aussi sa charge émotionnelle intacte. C’est la version que je garde précieusement, celle qui m’a le plus marqué. Pas pour son confort, il n’en a presque pas, comme j'ai pu le dire sur ça version 3DS, mais pour son âpreté, son refus de lisser quoi que ce soit.
Il y a des jeux qui brillent comme des vitrines bien éclairées, et d'autres qui résonnent comme un souvenir. Majora’s Mask, lui, pulse doucement, comme un cœur enseveli sous la cendre.
C'est un jeu auquel vous allez jouer et il vous hantera à vie!
La version GameCube n’est pas exempte de défauts techniques.
Elle souffre de quelques ralentissements, de menus un peu lourds, et d’une maniabilité qui n’a pas été pensée pour cette manette. Mais malgré ces accrocs, c’est celle qui me replonge le plus directement dans la bizarrerie inquiétante de Termina. Celle où le monde semble prêt à s’effondrer à chaque seconde, non pas parce qu’un chrono clignote, mais parce que les regards sont fuyants, les dialogues étranges, et la lune… terrifiante. Pas cartoonesque. Juste terrifiante.
Il y a une rugosité dans cette version, un inconfort constant, une absence de guidage qui m’a toujours plu. On erre. On cherche. On se perd. On refait les mêmes journées, encore et encore, avec cette impression d’être un visiteur indésirable. Les gens vivent leur vie, et toi tu es là, Link silencieux, contraint de revivre leurs tragédies sans jamais vraiment les empêcher. On ne sauve pas un monde, on le retarde juste un peu.
C’est cette tension-là que la version suivante a adoucie.
Là où la 3DS place des balises, la GameCube nous laisse dériver. Là où elle redessine les boss avec des indications clignotantes, l’original garde cette étrangeté sèche, cette brutalité presque clinique. Le masque de géant, notamment, garde son aura dérangeante. Il n’est pas drôle. Il est monstrueux. Il ne cherche pas à nous plaire. Et c’est ça qui est magnifique.
Rejouer à Majora sur GameCube, c’est accepter le silence. Le silence pesant entre deux NPC. L’absence de quête claire. Le journal qui ne tient pas ta main. C’est revenir à une époque où l’on n’avait pas besoin de tout expliquer pour que l’émotion passe. C’est faire confiance au joueur, ou le punir s’il n’apprend pas vite. Et bizarrement, j’aime qu’un Zelda fasse ça. J’aime qu’il me résiste.
Les musiques sont sourdes, parfois même dissonantes. L’angoisse ne vient pas des monstres, mais des silences. Des gens qui pleurent, qui répètent leurs journées sans savoir qu’ils vont mourir. Des enfants masqués qui attendent qu’on leur raconte une histoire pour partir en paix. On est loin des Zelda de l’épopée. Ici, c’est la désillusion qu’on traverse. Une aventure intérieure, presque immobile.
Plus tu joues, plus tu comprends que le vrai boss final, ce n’est pas Skull Kid. C’est toi et ton impuissance, ton incapacité à tout réparer.
L'OST d'un Zelda c'est toujours la cerise sur le gâteau et ici encore une fois, c'est du génie.
Certaines mélodies cultes du jeu précédents sont joués à l'envers et nous transporte dans la terrible à leurs simple écoute... D'une poésie glaçante!
On pourrait me dire que c’est de la nostalgie. Que le jeu est cassé, que ses mécaniques sont obsolètes. Peut-être, mais il est habité.
Il transpire quelque chose d’unique et comme beaucoup j'ai développé un obsession de ce titre si particulier, qui va bien au delà du vidéo ludique. Ce sentiment de malaise, de fin du monde imminente, cette tension continue… on ne l’a jamais retrouvée ailleurs. Même Breath of the Wild, avec toute sa liberté, ne m’a jamais autant oppressé. Majora’s Mask, c’est un cauchemar poétique et dans sa version GameCube, il garde encore ses crocs.
PS: Merci à cette compilation Gamecube, qui a permit une découverte de classique intemporelle!