Il y aura du spoil non balisé dans cette critique.




Les enfants du village se sont faits kidnappés par des monstres et c'est Link qui va s'occuper de les ramener. Mais il se retrouve transformé en loup, sauvé par Midona, un être bizarre sorti du crépuscule, et donc embrigadé dans une aventure qui dépasse largement les affaires de son village. Quatrième jeu en 3D de la franchise The Legend of Zelda sorti en 2006, Twilight Princess nous fait vivre une aventure digne du meilleur des univers vidéoludiques.


L'intrigue


Ce qui est frappant dans ce Zelda, c'est à quel point nous n'avons pas le contrôle sur l'environnement et les événements. Nous ne savons pas pourquoi nous faisons les choses dans Twilight Princess. Une fois que Link a sauvé les enfants, l'aventure continue pourtant, sans même que se pose la question. Parce que Ganondorf, et parce que Midona l'a dit. Midona est probablement la meilleure adjuvante de Link parmi tous les Zelda. Au-delà du fait qu'elle ne spamme pas les hey listen et que c'est la seule à prendre véritablement part à l'intrigue (à part peut-être Fay, je ne sais pas je n'ai pas joué à Skyward Sword), sa personnalité sert brillement la narration. C'est d'elle que tout semble partir. C'est pour elle que nous allons récolter les cristaux d'ombre puis après les fragments du miroir. Elle a un côté manipulateur, elle se moque de Link, semble ne vouloir satisfaire que sa personne tout en répétant à Link qu'il est devenu un ami. Elle se repent de toutes ses fautes mais dans le même temps continue à mener Link en bateau et à le pousser à agir comme elle l'entend. Link n'est qu'un pantin. C'est Midona qui mène la danse. Nous prenons une double posture ; de méfiance, mais d'acceptation. Car nous l'aimons Midona, et elle aussi nous aime, non ? Elle a souffert, et elle verse une larme pour Link à la fin... Donc nous continuons à la suivre. Après tout, c'est grâce à elle qu'Hyrule sera sauvée, n'est-ce pas ?


Ce qui lui permet de briller, c'est aussi l'absence assourdissante de Ganondorf et Zelda. L'intrigue, à part vers la fin, est en fait envahie par la confrontation Midona / Xanto. Si ce dernier a un background plus que basique (je suis un ancien servant de sa majesté et ouin ouin j'ai jamais eu de reconnaissance le seul qui m'en a donné c'est Ganondorf donc je le préfère), il a le mérite d'avoir un chara-design exceptionnel. Il est tout simplement glaçant dès qu'il apparaît. Quand il nous attend dans notre dos après avoir réanimé l'esprit de la lumière de Lanelle, ou quand il se tort complètement au moment juste avant le combat contre lui, il est clair que la dramaturgie autour de lui est réussie.


Donc dans Twilight Princess, nous ne pouvons en fait que constater à quel point nous ne participons qu'à un fragment de la grande et interminable histoire de la légende de Zelda. Car tout est voué à se répéter. Ainsi, la première fois que l'on voit Ganondorf, il est battu. Et c'est pour apprendre qu'il s'est libéré et qu'il est prêt à se venger. Sa menace à la toute fin du jeu, comme quoi l'ombre n'est aucunement battue et que l'histoire ne fait que commencer, est prophétique. Twilight Princess est en fait à remettre dans le contexte de la grande histoire. Et c'est affirmé par les échos du passé que l'on retrouve parfois avec notamment l'esprit du héros qui est en fait l'esprit d'un ancien Link : L'aventure que nous vivons n'est qu'un rouage de plus dans toute la machinerie de la légende de Zelda. Des grands combats contre Ganondorf, il y en a eu avant, et il y en aura après. Twilight Princess est peut-être le Zelda qui nous fait le plus ressentir à quel point Link est en fait petit. Tout en étant un des jeux de la licence qui cherche le plus à entrer dans le spectaculaire, il est aussi celui qui nous rappelle le plus que tout ça est futile, car l'histoire se répétera. Rappelez-vous : à chaque début de jeu on vous le dit, le héros a déjà tué Ganon, et pourtant vous allez devoir encore vous le faire...


Ainsi, Twilight Princess offre une intrigue qui peut paraître dans la surface simpliste et ordinaire (c'est toujours le gentil héros de la lumière contre le méchant Ganon), mais qui lorsqu'on essaie de pousser un peu la réflexion laisse entrevoir toute sa singularité, à travers notamment des personnages assez ambigus comme Midona, on l'a expliqué, mais aussi comme Link, dont on ne sait plus trop quelle part il a vraiment dans l'aventure. Est-il toujours le héros, ou bien n'est-il qu'un pantin, un corps bon qu'à effectuer les actions que lui dictent Midona sans les questionner ?


Le gameplay et le level-design

Twilight Princess est le quatrième jeu 3D de la série Zelda. Il n'y a pas de dépaysement majeur dans le gameplay de combat en tant que Link humain, mais une fluidification des mouvements bienvenue. Les quelques nouveaux objets apportent aussi un peu de fraîcheur même si certains d'entre eux sont en fait très peu exploités tels que le boulet et l'aérouage (même si celui-ci permet l'excellent boss qu'est Humbaba dans la Tour du Jugement). Mais le double grappin par exemple est véritablement la pierre angulaire de Célestia, qui est un des temples les plus marquants du jeu. Ces moments où l'on est suspendu dans les airs au milieu de l'immensité du ciel et et des îles volantes de ce berceau de la civilisation hylienne sont d'une beauté fabuleuse. Il ne fait aucunement tâche dans un jeu pourtant bien fourni en temples notables : la Mine Goron où l'on marche sur les parois et où l'on se retrouve dans le noyau de la Montagne de la mort, le Temple des Abysses et son boss impressionnant que l'on combat dans l'eau, le Palais du Crépuscule et son atmosphère prenante... Ce ne sont peut-être pas les temples les plus innovants de la série, mais quelle claque quand on y entre, quand on s'y promène, et quand on y combat le boss (la plupart sont spectaculaires et stimulants à faire, à part peut-être le premier). Le travail sur l'architecture, sur les musiques, sur les designs, est réussi.


Là où cela pêche quelque peu, c'est dans ce qui était censé être la nouveauté majeure de gameplay : la version animale de Link. L'idée de Link loup était bonne, mais dans son application en jeu, c'est assez faible. Le gameplay en combat est rigide, et la transformation n'apporte pas grand chose à part le flair (mais qui est au final une simple réminiscence du monocle de vérité) et les épisodes de chasse aux insectes de lumière, pas si intéressants que ça. Ainsi, il y a clairement un manque de ce côté-là. Pour rester sur les défauts, nous pouvons mentionner les plaines d'Hyrule, aussi immenses que vides, et de ce fait plutôt désagréables à parcourir.


Donc loin d'être une révolution, Twilight Princess dans son gameplay et son architecture s'inscrit dans la continuité des anciens épisodes de la série, reprenant la structure A Link to the Past si chère à la série et Ocarina of Time pour la base de son gameplay, en implantant des innovations légères avec plus ou moins de réussite. Cela n'empêche pas le jeu de s'en sortir formidablement grâce notamment à un travail impressionnant sur les temples.


La comparaison avec Ocarina of time


Twilight Princess a souvent été joué, apprécié, et analysé en comparaison avec Ocarina of Time, et je pense que c'est justifié. Le jeu de 2006 emprunte largement au premier Zelda 3D, dans sa structure (3 donjons/temples introductifs, épée de légende, puis 5 temples plus complexes), dans son gameplay et ses musiques (si Twilight Princess a des originales magnifiques, comme Midna's lament qu'on ne présente plus, une bonne part de la soundtrack est constituée de reprises d'OOT). D'autant plus lorsque l'on pense aux Zelda 3D sortis entre temps : après Majora's Mask qui a bouleversé les codes de la licence en imposant la limite de temps et en troquant le système des objets pour les masques et The Wind Waker qui s'est démarqué par sa DA et son ambiance très différentes, Twilight Princess se présente comme un retour à la formule OOT. J'ai toujours une préférence pour Ocarina of Time (peut-être l'expliquerai-je un jour dans une critique consacrée à lui, qui sait). Mais ce qui est intéressant, c'est que loin d'être en réalité seulement un retour à OOT, Twilight Princess en est un prolongement. Là où Ocarina of Time consistait dans le combat entre l'ombre et la lumière, avec la victoire nécessaire de cette dernière pour subsister, Twilight Princess propose une troisième voie, celle du crépuscule. Ainsi, le combat devient la recherche d'un équilibre, et comme le remarque Zelda à la fin, la lumière ne pourrait exister sans l'ombre, et vice-versa. On notera d'ailleurs que les couleurs de Twilight Princess sont des mélanges : il y a de l'orange, du violet, du gris, alors qu'Ocarina of Time repose sur les trois déesses aux couleurs primaires, représentées dans les artefacts permettant d'ouvrir l'autel de l'épée de légende et dans les tuniques de Link : le vert, le rouge et le bleu. Comme dit plus haut, l'intrigue de Twilight Princess se concentre moins sur Ganondorf (l'ombre) et Zelda (la lumière) que sur la confrontation entre Xanto et Midona, deux créatures du crépuscule, donc entre la lumière et l'ombre, mais dont la première aspire aux ténèbres, et dont la deuxième aspire à la lumière. D'où cette question de l'équilibre : le combat est gagné par un être qui a une part d'ombre mais qui cherche la lumière (je pense qu'il y aurait clairement une approche théologique à faire par rapport à ça, mais je n'ai aucune compétence pour). Une fois que Midona a vaincu le mal, elle rentre pourtant dans le crépuscule en détruisant la passerelle entre celui-ci et le monde de lumière. Elle a donc tout gagné. Le crépuscule, fort de son mélange des deux opposés, qui s'additionnent, fusionnent, a retrouvé sa reine et la prospérité. Tandis que le monde de lumière est maintenant voué à lui-même, sans l'ombre qui était censée lui permettre d'exister. Twilight Princess n'est pas la victoire de la lumière mais celle du crépuscule. Or le crépuscule, c'est la fin du jour, c'est la lumière qui s'apprête à laisser sa place à l'ombre. L'histoire se répétera. Elle nous rappelle qu'à chaque fois que Link vaincra Ganon, ce n'est qu'un sursis qu'il octroiera à la lumière.


Merci d'être allé au bout de ce texte, qui est une critique mais aussi une ébauche par rapport à ce que j'ai pu observer à propos de mon expérience sur ce superbe jeu. Il s'agit d'analyses purement personnelles, donc faillibles et discutables, pour aller dans leur sens, les nuancer ou bien les désapprouver. Ma toute première expérience du jeu n'avais pas été très productive, étant donné que j'étais quand même très jeune (je suis même pas sûr que j'étais au collège) et que j'avais abandonné juste après le troisième temple. Mais ma redécouverte récente en allant jusqu'au bout cette fois m'a vraiment fait de l'effet. La richesse de l'univers, de l'intrigue et la qualité de la direction artistique et du level-design en font un opus mémorable.

Ellay
8
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Créée

le 30 juin 2025

Critique lue 18 fois

Ellay

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